​ Châteauroux, Musée Bertrand ​- ​Inscription funéraire pour Gérald, premier prieur de Miseray  ​  ​


Châteauroux, Musée Bertrand ​- ​Inscription funéraire pour Gérald, premier prieur de Miseray

Corpus des Inscriptions de la France Médiévale, vol. 25, nº3 ​  ​


Description générale

Inscription funéraire à caractère tumulaire. 
Plomb.  Dessinée puis déplacée au Musée Bertrand après la découverte, elle semble avoir disparu. L'inscription était complète au moment de la découverte Inscription découverte à la fin du xixe siècle au cours de travaux de démolition ; elle était placée dans un tombeau à l’intérieur de l’église du prieuré Saint-Nicolas de Miseray. Incisée sur une plaque de plomb de petite dimension.
Datation : 1137 [datation interne en accord avec les caractères de l’inscription et avec les conditions de la découverte].

Bibliographie

Texte d’après la lecture transmise par L.-A. de La Tramblais. Les U et les J de la transcription n’existaient sans doute pas dans l’original, mais sa disparition empêche de proposer une lecture de l’état médiéval de l’endotaphe
Tramblais, Esquises pittoresques, 1882, p. 331-332 [texte] ; Beulay, Catalogue du Musée de Châteauroux, 1910, p. 181, nº 1064 [texte].

Description paléographique

Disposition horizontale sur la face principale de la plaque de plomb ; on ignore tout de la mise en page originale qui comptait sept lignes sur la face principale. La disparition de l’objet ne permet pas de retrouver le découpage des lignes dans la transcription du texte que l’on présente ici conformément à la lecture fournie par L.-A. de La Tramblais. Une seule ligne était tracée sur la tranche de l’endotaphe. Sur la copie, on ne repère ni abréviation, ni ponctuation ; peut-être s’agit-il d’une simplification du texte original au moment de la copie.


Édition imitative


Sur la face de la plaque de plomb :
1 ​FULSERUNT ​LATE ​VIRTUTUM ​GERMINA ​CUJUS ​
2 ​HOC ​SITUS ​ES ​TUMULO ​GERALDE ​LOCI ​PRIOR ​HUJUS ​
3 ​SEX ​ANNIS ​DECIES ​PROPE ​QUO ​SIC ​ENITUISTI ​
4 ​TEMPORE ​QUO ​TANTO ​SIMILEM ​TIBI ​NON ​HABUISTI ​
Sur la tranche de la plaque de plomb :
1 ​EX ​QUO ​SALVATOR ​VENIT ​MUNDI ​REPARATOR ​
2 ​ANNO ​MILLESIMO ​CENTESIMO ​TER ​QUE ​DECIMO ​SEPTIMO ​COELO ​SUSCEPTUS ​AMOENO ​

Sur la face de la plaque de plomb :
1 ​FULSERUNT ​LATE ​VIRTUTUM ​GERMINA ​CUJUS ​
2 ​HOC ​SITUS ​ES ​TUMULO ​GERALDE ​LOCI ​PRIOR ​HUJUS ​
3 ​SEX ​ANNIS ​DECIES ​PROPE ​QUO ​SIC ​ENITUISTI ​
4 ​TEMPORE ​QUO ​TANTO ​SIMILEM ​TIBI ​NON ​HABUISTI ​

Sur la tranche de la plaque de plomb :
1 ​EX ​QUO ​SALVATOR ​VENIT ​MUNDI ​REPARATOR ​
2 ​ANNO ​MILLESIMO ​CENTESIMO ​TER ​QUE ​DECIMO ​SEPTIMO ​COELO ​SUSCEPTUS ​AMOENO ​

Sur la face de la plaque de plomb :
1 ​FULSERUNT ​LATE ​VIRTUTUM ​GERMINA ​CUJUS ​
2 ​HOC ​SITUS ​ES ​TUMULO ​GERALDE ​LOCI ​PRIOR ​HUJUS ​
3 ​SEX ​ANNIS ​DECIES ​PROPE ​QUO ​SIC ​ENITUISTI ​
4 ​TEMPORE ​QUO ​TANTO ​SIMILEM ​TIBI ​NON ​HABUISTI ​
Sur la tranche de la plaque de plomb :
1 ​EX ​QUO ​SALVATOR ​VENIT ​MUNDI ​REPARATOR ​
2 ​ANNO ​MILLESIMO ​CENTESIMO ​TER ​QUE ​DECIMO ​SEPTIMO ​COELO ​SUSCEPTUS ​AMOENO ​

Légende

Violet : caractères allographes.



Sur la face de la plaque de plomb :
1 ​FULSERUNT ​LATE ​VIRTUTUM ​GERMINA ​CUJUS ​
2 ​HOC ​SITUS ​ES ​TUMULO ​GERALDE ​LOCI ​PRIOR ​HUJUS ​
3 ​SEX ​ANNIS ​DECIES ​PROPE ​QUO ​SIC ​ENITUISTI ​
4 ​TEMPORE ​QUO ​TANTO ​SIMILEM ​TIBI ​NON ​HABUISTI ​
Sur la tranche de la plaque de plomb :
1 ​EX ​QUO ​SALVATOR ​VENIT ​MUNDI ​REPARATOR ​
2 ​ANNO ​MILLESIMO ​CENTESIMO ​TER ​QUE ​DECIMO ​SEPTIMO ​COELO ​SUSCEPTUS ​AMOENO ​

Légende

Bleu : mot abrégé.
Violet : signe d'abréviation.



Sur la face de la plaque de plomb :
1 ​FULSERUNT ​LATE ​VIRTUTUM ​GERMINA ​CUJUS ​
2 ​HOC ​SITUS ​ES ​TUMULO ​GERALDE ​LOCI ​PRIOR ​HUJUS ​
3 ​SEX ​ANNIS ​DECIES ​PROPE ​QUO ​SIC ​ENITUISTI ​
4 ​TEMPORE ​QUO ​TANTO ​SIMILEM ​TIBI ​NON ​HABUISTI ​
Sur la tranche de la plaque de plomb :
1 ​EX ​QUO ​SALVATOR ​VENIT ​MUNDI ​REPARATOR ​
2 ​ANNO ​MILLESIMO ​CENTESIMO ​TER ​QUE ​DECIMO ​SEPTIMO ​COELO ​SUSCEPTUS ​AMOENO ​

Légende

Bleu : enclavement.
Orange : conjonction.
Violet : entrelacement.



Sur la face de la plaque de plomb :
1 ​FULSERUNTLATEVIRTUTUMGERMINACUJUS
2 ​HOCSITUSESTUMULOGERALDELOCIPRIORHUJUS
3 ​SEXANNISDECIESPROPEQUOSICENITUISTI
4 ​TEMPOREQUOTANTOSIMILEMTIBINONHABUISTI
Sur la tranche de la plaque de plomb :
1 ​EXQUOSALVATORVENITMUNDIREPARATOR
2 ​ANNOMILLESIMOCENTESIMOTERQUEDECIMOSEPTIMOCOELOSUSCEPTUSAMOENO

Légende

Représentation des espaces entre les lettres tels qu'ils sont dans l'inscription.
Violet : signalement des figures qui s'interposent avec le texte.



Édition normalisée

Fulserunt late virtutum germina cujus,
hoc situs es tumulo, Geralde loci prior hujus
sex annis decies prope quo sic enituisti ;
tempore quo tanto similem tibi non habuisti.
Ex quo salvator venit mundi reparator,
anno millesimo centesimo ter que decimo septimo coelo susceptus amoeno.


Traduction

Les fruits de tes vertus brillèrent au loin,
Gérald, prieur de ce monastère, qui es placé en ce tombeau.
Tu as ainsi brillé pendant presque soixante-six ans ;
Pendant tout ce temps tu n’as pas eu ton pareil.
Au ciel agréable d’ou` est venu le Sauveur, restaurateur du monde,
L’an mil cent trois fois dix et sept (1137), [tu es] monté.

Commentaire

Le texte se compose de cinq hexamètres de facture correcte. Les vers 1-4 sont caudati ; le vers 5 est léonin et la rime est riche (salvator/reparator). Si une certaine recherche sur les quantités est notable dans la formulation de la date à la fin du texte, on ne peut retrouver de vers classiques corrects à moins d’envisager de très nombreuses licences prosodiques. La disposition du texte sur l’objet est originale ; elle respecte le découpage de l’inscription, la face principale présentant les informations tumulaires alors que la tranche porte les données obituaires.

Le contenu du texte est relativement développé et original si on le compare aux inscriptions que l’on trouve généralement sur les plaques de plomb placées à l’intérieur des tombeaux pour identifier les défunts[1]. Il loue les vertus du prieur et son aptitude à diriger le prieuré de Miseray ; la date du décès conclut le texte. Le ton de l’inscription et le lexique doivent être rapprochés des inscriptions métriques composées pour les grands ecclésiastiques du Moyen Âge central et destinées à l’extérieur de la tombe. Si le vocabulaire employé pour Gérald de Miseray est courant pour ce type de texte (on pense notamment au champ lexical de l’éclat et de la lumière), l’endotaphe propose toutefois une composition intéressante avec des expressions que l’on ne retrouve pas, en l’état actuel de nos dépouillements, dans d’autres inscriptions funéraires ; c’est le cas en particulier de salvator mundi reparator[2] et de germina virtutum (le mot germina est fréquent[3] mais son association avec le substantif virtutum semble inédit en épigraphie française).

Le prieuré Saint-Nicolas de Miseray, sur la commune d’Heugnes, est fondé à la fin du xiie siècle même si sa constitution ne date que de l’émission d’une charte en 1112. Soumis à la règle de Saint-Augustin dès l’origine, il reçut un privilège du pape Innocent II en 1140[4]. Gérald est le fondateur et le premier prieur de Miseray, établi dans ses fonctions avant même la reconnaissance du prieuré ; il est à sa tête entre 1089 et 1137, date de sa mort[5]. La plaque a été découverte à l’intérieur du tombeau qui n’avait apparemment pas été perturbé ; sa mise en place daterait donc de l’inhumation du défunt (mort en 1137). Le style de l’inscription peut dans tous les cas correspondre effectivement à la première moitié du xiie siècle.




[1] Treffort, Mémoires carolingiennes, 2007, p. 23-42.
[2] L’expression Salvator mundi est biblique (Gn XLI, 45 ; Jn IV, 42 ; 1 Jn IV, 14)
[3] Schumann ​O., Lateinisches Hexameter Lexikon. Dichterisches Formelgut von Ennius bis zum Archipoeta, Munich, 1979, vol. 2, p. 425-426.
[4] Chalmel, Histoire de Touraine, 1790, t. IV, Paris, 1841, p. 41.
[5] GC 2, col. 189.