Inscription funéraire à caractère tumulaire pour un prêtre. Pierre. Le champ épigraphique est bien préparé et mesure 18 cmx 35. .Inscription complète ; état de conservation : moyen . Localisation originale : provient de l’église Sainte-Marie-la-Petite de Déols (36), dans le cimetière.
Inscription déplacée ; localisation actuelle : Musée Bertrand de Châteauroux, salle lapidaire. Datation : xiie siècle, peut-être seconde moitié [datation paléographique qui correspond à la date de sculpture].
Bibliographie
D’après l’original vu au musée en 1994. Fauconneau-Dufresne, Histoire de Déols, 1873, p. 134 [texte fautif].
Description paléographique
Disposition horizontale sur six lignes ; traces de réglures. Lettres gravées en creux. Hauteur moyenne des lettres : de 1,5
à 2 cm. é criture irrégulière présentant un mélange d’onciales et de capitales (onciales : un D sur trois, quatre E sur dix, un H,
deux M sur trois). Module irrégulier mais généralement assez large. L’écriture offre une image assez disparate. Suspension
des nasales dans fusum et cum par un tilde droit ; contraction non signalée dans splendida ; réduction de que à l’initiale suivie
d’un point virgule. Ponctuation : un point médian sépare presque tous les mots. Une croix ouvre le texte et deux pointsvirgule le terminent. De nombreuses lettres présentent des redoublements, sur un ou plusieurs traits. Le E et le C présentent
une forme remarquable d’ornementation, avec une panse gonflée et étirée vers la droite[1].
Représentation des espaces entre les lettres tels qu'ils sont dans l'inscription. Violet : signalement des figures qui s'interposent avec le texte.
Édition normalisée
Clericus hac sede parvaq(ue) quiescit in ede Bernucius, fusu(m) cui volvens abstulit usun Vite Parca, nimis cu(m) splen(di)da miscuit imis.
Traduction
Clerc en cette église, Bernucius repose en cette modeste demeure, lui à qui la Parque, déroulant
son fuseau, enleva l’usage de la vie, lorsqu’elle mêla à la plus grande humilité l’extrême splendeur.
Commentaire
Le texte forme trois hexamètres léonins riches. L’édition de ce texte pose deux difficultés. La première
concerne la graphie usun pour usum. La rime léonine avec fusum exigerait une correction en usum. L’autre
difficulté concerne le mot splendida à la dernière ligne ; la graphie splenda suggère soit la présence d’une abréviation non signalée adoptant une forme originale de contraction, soit une erreur, un oubli ; la métrique exige quoi
qu’il en soit, une syllabe supplémentaire ; c’est pourquoi nous avons supposé une abréviation par contraction.
Sans être tout à fait originale, cette inscription propose toutefois des formulations intéressantes. Le texte
poétique joue en effet fortement sur l’évocation pour transmettre trois informations principales : il donne
d’abord le lieu de sépulture du défunt ; il annonce ensuite son décès d’une façon très imagée ; il invite enfin à
une réflexion sur les futilités de l’existence. Les Parques sont parfois évoquées dans les épitaphes médiévales :
ainsi à l’abbaye de Beaupré (sur la commune d’Achy, dans l’Oise), à la fin du xiiie siècle, on trouve l’expression :
Abstulit crudelis Parca[2]. Le fuseau des Parques n’est pas évoqué ailleurs. La rime léonine nimis/imis ne semble
pas se retrouver en épigraphie médiévale (on trouve par contre sublimis/imis). Il faut comprendre ici nimis
splendida et imis comme l’opposition des personnages de haut rang (de ce qui est éclatant, illustre) avec les
humbles, que la mort réunit sans se soucier de leur importance, topos de l’épigraphie funéraire, en particulier
aux xiie
-xiiie siècles.
Déols comptait au Moyen Âge trois églises paroissiales : Saint-Germain, Saint-Étienne et Sainte-Marie, dite
« la Petite » (par opposition à l’abbaye Notre-Dame)[3]. L’expression in parva ede, à la ligne 2 de l’épitaphe, fait
peut-être référence à ce vocable. On ignore tout du défunt cité dans cette épitaphe dont le nom n’est pas
répertorié dans l’ouvrage de M.-Th. Morlet[4].
[1] Forme que l’on retrouve dans l’inscription funéraire de Rotbertus au Musée Sainte-Croix de Poitiers (CIFM I-1, 86,
p. 106-108, pl. XXIV, fig. 47). [2] Épitaphe de Raoul de Clermont ; Martene E., , Durant U., , Voyage littéraire de deux bénédictins de la congrégation de
Saint-Maur, Paris, 1717, 2e partie, p. 166. [3] CALENDINI P., Bourg-Dieu (abbaye bénédictine Notre-Dame du), Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastique [désormais DHGE], t. X, Paris, 1938, col. 159. [4]Morlet M.-Th., , Les noms de personne sur le territoire de l’ancienne Gaule du vie au xiie siècle, Paris, 1972, 2 vols.