​ Bourges, cathédrale Saint-Étienne ​- ​Commentaire de scène dans le vitrail de la Passion  ​  ​


Bourges, cathédrale Saint-Étienne ​- ​Commentaire de scène dans le vitrail de la Passion

Corpus des Inscriptions de la France Médiévale, vol. 26, nº17 ​  ​


Description générale

Commentaire de scène. 
Vitrail.  Dimensions de la verrière : 220x 600 cm. État de conservation : restauré par Coffetier et Steinheil en 1855, puis par Chigot entre 1947 et 1955. La lecture est difficile et l’ensemble est perturbé. Le I de istam a sans doute été rogné lors de la mise en plomb. Ce vitrail est protégé au titre des Monuments Historiques (il a été classé au titre immeuble en 1862, référence : PM18000439). Inscription conservée in situ. Localisation : déambulatoire, côté sud, baie à l’est de la première chapelle sud. Caractères peints.
Datation : vers 1205-1214 [datation par le support en accord avec l’analyse paléographique] et XIXe - XXe siècles.

Bibliographie

Texte d’après l’original vu en place le 11 juin 2012.
Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, 1981, p. 170 [description du vitrail].

Description paléographique

Disposition horizontale sur une ligne ; une double réglure délimite le champ épigraphique. Hauteur des lettres : 2 cm. Mélange de capitales et d’onciales très évoluées. Écriture élégante ; les lettres S, T et A de istam sont fleuries. Bandeau noir, lettres vertes. Abréviation par suspension marquée par un tilde droit sur le V de dederunt. Ponctuation par deux ou quatre points verticaux entre chaque mot.





Édition imitative


Première scène en bas à droite, bandeau sous la scène:
1 ​[.]STAM ​: ​VITR[..]M ​: ​DEDERV̅T ​: ​PELL[...]ARI ​

Première scène en bas à droite, bandeau sous la scène:
1 ​[.]SꞆAM ​: ​VITR[..] ​: ​DDRV̅Ꞇ ​: ​PLL[...]ARI ​

Première scène en bas à droite, bandeau sous la scène:
1 ​[.]SAM ​: ​VITR[..] ​: ​DDRV̅ ​: ​PLL[...]ARI ​

Légende

Violet : caractères allographes.



Première scène en bas à droite, bandeau sous la scène:
1 ​[.]SꞆAM ​: ​VITR[..] ​: ​DDRV̅ ​: ​PLL[...]ARI ​

Légende

Bleu : mot abrégé.
Violet : signe d'abréviation.



Première scène en bas à droite, bandeau sous la scène:
1 ​[.]SꞆAM ​: ​VITR[..] ​: ​DDRV̅Ꞇ ​: ​PLL[...]ARI ​

Légende

Bleu : enclavement.
Orange : conjonction.
Violet : entrelacement.



Première scène en bas à droite, bandeau sous la scène:
1 ​[.]SꞆAM:VITR[..]:DDRV̅:PLL[...]ARI

Légende

Représentation des espaces entre les lettres tels qu'ils sont dans l'inscription.
Violet : signalement des figures qui s'interposent avec le texte.



Édition normalisée

[I] stam vitr[ea]m dederu(n)t pell[ici]ari.

Traduction

Les pelletiers ont donné ce vitrail.

Commentaire

Ce texte épigraphique est situé tout au bas du vitrail consacré à la Passion du Christ, sous une scène de donation. Sa situation le rend parfaitement visible et lisible. Les donateurs ont été identifiés comme étant les pelletiers et les fourreurs ; c’est certainement ce mot, pelliciarius (aussi orthographié pellicerius, pellitarius, pellerius, pelletarius, peltarius), qu’il faut lire à la fin de l’inscription. D’autres figures de donateurs apparaissent dans les vitraux de Bourges (tout particulièrement des corporations, comme celle des fontaniers ou porteurs d’eau dans la verrière des Reliques de saint Étienne), mais elles ne sont pas accompagnées d’un texte épigraphique les identifiant.

L’écriture est très ornée : le peintre verrier a évidé les traits verticaux épais et/ou les a doublés d’un mince filet (vitream, pelliciari), les points d’interponctuation sont eux-mêmes évidés et les terminaisons de certaines lettres sont tréflées. Ces éléments paléographiques rejoignent l’analyse de Louis Grodecki du style de l’atelier du Bon Samaritain, auquel se rattache le vitrail de la Passion : d’une originalité remarquable, « plein de bizarrerie, d’inusuel » selon L. Grodecki, qui propose même de reprendre l’expression de Focillon de « baroque roman »[1] pour le qualifier, ce qui s’applique bien à l’écriture étudiée ici (voir également les notices nº 24, 25, 28 et 30).


Présentation du site

La cathédrale Saint-Étienne de Bourges constitue l'une des réalisations architecturales majeures du xiiie siècle. Commencée à la fin du xiie siècle par Henri de Sully, elle fut consacrée le 5 mai 1324 par l'archevêque Guillaume de Brosse. Les portails latéraux sont le témoignage de l'édifice immédiatement antérieur. Ses dimensions, ses formes, l'importance de sa vitrerie encore en place ont permis à l'édifice de bénéficier de nombreuses études auxquelles nous renvoyons le lecteur pour des informations plus détaillées[2]. Une soixantaine de textes épigraphiques connus ont été gravés ou peints à la cathédrale durant l’époque médiévale : inscriptions funéraires pour les archevêques de Bourges et un chanoine, textes en relation avec les personnages sculptés et surtout messages peints sur les vitraux.


Ensemble des inscriptions placées sur vitraux

Ayant conservé une grande partie de sa vitrerie d’origine, la cathédrale de Bourges abrite l’un des plus importants ensembles de vitraux du premier tiers du xiiie siècle. Cette église possède également une somptueuse collection de vitraux du Moyen âge tardif et des xvie -xviie siècles. Mis à part les quelques fragments du xiie siècle remontés dans des verrières composites (CV 28, 34, 36), on distingue trois ensembles différents dans les baies du xiiie siècle : les verrières « légendaires » dans les baies du déambulatoire et dans celles des chapelles rayonnantes (au nombre de vingt-deux), les verrières à grands personnages et en pleine couleur du déambulatoire intérieur et des fenêtres hautes du collatéral intérieur, les fenêtres à grisaille des parties hautes et des bas côtés de la nef où le décor figuré ne tient qu’une place secondaire. De nouvelles dispositions sont inaugurées à la cathédrale de Bourges dans le domaine du décor vitré. Lisibles sans peine du sol, centrées sur un programme ecclésial clair, tout en étant parfois complexe, les verrières réunissent autour d’une galerie des archevêques du diocèse, du légendaire Ursin à saint Guillaume tout juste canonisé, apôtres et prophètes, Christ-Juge et Vierge à l’Enfant. En d’autres termes, elles montrent une anticipation du décor sculpté de la façade occidentale[3].




[1] Grodecki, « Le maître du Bon Samaritain de la cathédrale de Bourges », 1986, p. 489.
[2] En attendant la publication des actes du colloque consacré la cathédrale de Bourges, on verra la monographie de Christe Y., Brugger L., Bourges : la cathédrale, Saint-Léger-Vauban, 2000.
[3] Pour une présentation d’ensemble des inscriptions des vitraux de la cathédrale de Bourges, voir Debiais, Messages de pierre, 2009, p. 362-370.