La défunte est une jeune femme, dont le prénom Unberga est une variante de Humbergia, attestée à partir du Xe siècle[1]. Ce nom est particulièrement mis en évidence par l’espace important qu’il occupe à la deuxième ligne : les lettres sont très espacées les unes des autres et d’une taille plus importante que dans les autres mots.
L’indication de l’âge approximatif (dum juvenis fuit) est rare dans la série funéraire de Bourges ; jamais l’âge n’est exprimé en chiffres comme c’était le cas à l’époque mérovingienne. Plusieurs formules sont employées. L’expression sub hunc tumulum requiescunt membra, avec la confusion entre l’accusatif et l’ablatif, est courante dans la Gaule mérovingienne et continue d’être utilisée avec des variantes (in hoc tumulo et corpus préféré à membra) tout au long du Moyen Âge. Bone memoriae, avec ici le maintien de la diphtongue dans le substantif mais non l’adjectif, est également une expression fréquente. La formule migravit a seculo se trouvait déjà dans l’inscription précédente pour Emmo. Il peut sembler étonnant que le sculpteur n’ait pas continué de graver la fin du mot seculo au début de la cinquième ligne, au lieu de placer les deux dernières syllabes juste en dessous de la première. Sans doute faut-il voir une marque de l’attachement au caractère graphique des formules, et non uniquement linguistique, comme on le constate également dans l’inscription suivante.
Présentation du site et informations additionnelles
Le Musée du Berry possède une collection de vingt-cinq inscriptions funéraires du haut Moyen Âge, gravées essentiellement sur des plates-tombes, mais aussi sur des couvercles de sarcophage et peut-être des stèles. Elles proviennent pour la plupart de Saint-Outrille-du-Château où se trouvait un ensemble monastique urbain de Bourges, fondé probablement avant le VIe siècle. Le monastère reçut les sépultures de cinq évêques entre la fin du VIe siècle et le premier quart du VIIe siècle ; son rôle déclina par la suite et seul Étienne y encore est inhumé vers 830. Le nombre particulièrement élevé de ces épitaphes semble indiquer le statut particulier du site à l’époque. La découverte de ces textes épigraphiques s’est faite en quatre étapes, plus ou moins bien documentées pour les plus anciennes : la première avant 1870, puis en 1874, en 1934 et en 1981 lors de fouilles de sauvetage. Ces inscriptions sont classées ici par ordre de découverte la plus récente, qui est le classement adopté par Françoise Jenn et Oliver Ruffier dans leur article très détaillé sur lequel s’appuient ces notices[2]. La mission du CIFM dans les réserves du Musée du Berry à Bourges a permis de mettre au jour un nouveau fragment (notice n°95), ainsi que de découvrir une plate-tombe bûchée (non publiée puisqu’elle est désormais anépigraphe).Il est difficile de dater avec précision ces textes, la confrontation de plusieurs critères permet de les attribuer aux époques mérovingienne (notices n°84-88 selon Olivier Ruffier) ou carolingienne, et peut-être certains d’entre eux relèvent-ils davantage du RICG que du CIFM. Sans être assuré de la datation haute et afin de respecter la cohérence de l’ensemble, il est préférable d’éditer toute la collection. Pour mieux comprendre la production épigraphique de ces périodes, nous renvoyons le lecteur au volume Hors Série n°1 du CIFM consacré aux épitaphes carolingiennes du Centre Ouest de la France (Poitou, Touraine, Anjou, Maine)[3].
Les défunts commémorés par ces inscriptions sont des hommes, des femmes et des enfants, dont le statut social n’est jamais mentionné ; on ne sait donc s’il s’agit de clercs ou de laïcs. Ces personnages sont, sans nul doute, des lettrés appartenant à une élite cultivée. Leur lien avec Saint-Outrille n’est pas connu. Les similitudes repérables dans la dizaine d’épitaphes découvertes en 1981 laissent penser à l’existence d’un atelier ayant travaillé pour la nécropole de Saint-Outrille, sur une période de temps assez brève. La composition formulaire de cette série a été étudiée par Cécile Treffort[4]. Les rédacteurs, qui pouvaient être les lapicides eux-mêmes, avaient sans doute à leur disposition plusieurs membres de phrases, dont certains étaient versifiés, et ils les associaient comme ils l’entendaient.