​ Bourges, Musée du Berry ​- ​Inscription funéraire pour Aganonus  ​  ​


Bourges, Musée du Berry ​- ​Inscription funéraire pour Aganonus

Corpus des Inscriptions de la France Médiévale, vol. 26, nº75 ​  ​


Description générale

Inscription funéraire pour un homme. 
Plate-tombe. ​ Pierre.  Dimensions du support : 50/51 cm de largeur, longueur totale des trois fragments : 154 cm, épaisseur : 15. État de conservation : partiels, trois fragments contigus, le plus petit fragment est en plus mauvais état ; inscription incomplète (il manque deux fragments en haut à gauche). Inscription conservée, mais déplacée. Découverte en 1981, à Saint-Outrille-du-Château, au nord de l’ancienne église et à proximité de la crypte Sainte-Blandine, dans un espace qui peut être considéré comme un cloître. Les deux premiers fragments ont été trouvés hors stratigraphie en décembre 1981, le troisième était en réemploi dans une tombe maçonnée découverte à la même date. ​ Localisation actuelle : réserves du Musée (caves de l’Hôtel Lallemant). Gravée en creux.
Datation : Fin VIIIe-début IXe siècle [datation paléographique et linguistique].

Bibliographie

Texte d’après l’original vu le 13 juin 2012.
Gallia, 42, 1984, p. 274 [texte] ; Jenn, Ruffier, « Les plates-tombes de Saint-Outrille-du-Château », 1986, p. 54-56 [texte, traduction, commentaire, illustration].

Description paléographique

Disposition horizontale sur six lignes. Lettres capitales, C et G carrés, O ronds, B avec les deux panses très liées (celle inférieure étant plus grande que celle supérieure), M avec première haste verticale et seconde oblique. Module large, écriture soignée et élégante malgré quelques irrégularités. Double réglure visible ; une seule marque de ponctuation par trois points triangulaires verticaux (pour séparer les membres de phrase). La taille des lettres varie entre 5 cm et 8 cm (G : 5,6 cm). Une seule marque de ponctuation : trois points verticaux après Deum. Abréviations : P barré dans semper, contraction signalée par un tilde droit pour kalendas. Liaisons de lettres : P enclavé dans le O de corpus, M et V conjoints, E enclavé dans le C de precemur, T et V dans studuit. Pas de décor.





Édition imitative


1 ​---]AGANONI ​
2 ​---] ​MEMORIE ​ ​ ​
3 ​---] ​ENDO ​ ​PECIIT ​ ​CORPVS ​ ​EIVS ​ ​VMO ​
4 ​[...] ​CVIVS ​ANIMA ​OMNES ​PRECEMVR ​
5 ​DM ​QVI ​STVDVIT ​VITAM ​SEM ​ABERE ​PIAM ​
6 ​OBIIT ​XVI ​K̅L ​OCTOBRIS ​

1 ​---]AGANONI ​
2 ​---] ​MEMORIE ​ ​ ​
3 ​---] ​ENDO ​ ​PEIIT ​ ​ORPVS ​ ​EIVS ​ ​VMO ​
4 ​[...] ​VIVS ​ANIMA ​OMNES ​PREEMVR ​
5 ​DM ​QVI ​STVDVIT ​VITAM ​SEM ​ABERE ​PIAM ​
6 ​OBIIT ​XVI ​K̅L ​OTOBRIS ​

1 ​---]AGANONI ​
2 ​---] ​MEMORIE ​ ​ ​
3 ​---] ​ENDO ​ ​PEIIT ​ ​ORPVS ​ ​EIVS ​ ​VMO ​
4 ​[...] ​VIVS ​ANIMA ​OMNES ​PREEMVR ​
5 ​DM ​QVI ​STVDVIT ​VITAM ​SEM ​ABERE ​PIAM ​
6 ​OBIIT ​XVI ​K̅L ​OTOBRIS ​

Légende

Violet : caractères allographes.



1 ​---]AGANONI ​
2 ​---] ​MEMORIE ​ ​ ​
3 ​---] ​ENDO ​ ​PEIIT ​ ​ORPVS ​ ​EIVS ​ ​VMO ​
4 ​[...] ​VIVS ​ANIMA ​OMNES ​PREEMVR ​
5 ​DM ​QVI ​STVDVIT ​VITAM ​SEM ​ABERE ​PIAM ​
6 ​OBIIT ​XVI ​K̅L ​OTOBRIS ​

Légende

Bleu : mot abrégé.
Violet : signe d'abréviation.



1 ​---]AGANONI ​
2 ​---] ​MEMORIE ​ ​ ​
3 ​---] ​ENDO ​ ​PEIIT ​ ​ORPVS ​ ​EIVS ​ ​VMO ​
4 ​[...] ​VIVS ​ANIMA ​OMNES ​PREE MVR ​
5 ​DM ​QVI ​S TV DVIT ​VITAM ​SEM ​ABERE ​PIAM ​
6 ​OBIIT ​XVI ​K̅L ​OTOBRIS ​

Légende

Bleu : enclavement.
Orange : conjonction.
Violet : entrelacement.



1 ​---]AGANONI ​
2 ​---]MEMORIE ​ ​ ​ ​
3 ​---]ENDOPEIITORPVSEIVS ​VMO
4 ​[...]VIVSANIMAOMNESPREEMVR
5 ​DMQVISTVDVITVITAMSEMABEREPIAM ​
6 ​OBIITXVI ​ ​ ​K̅L ​OTOBRIS ​ ​ ​

Légende

Représentation des espaces entre les lettres tels qu'ils sont dans l'inscription.
Violet : signalement des figures qui s'interposent avec le texte.



Édition normalisée

 [---] Aganoni [--- bone]  ​memorie [ ac mori]endo peciit corpus ejus umo. [Pro] cujus anima omnes precemur D(eu)m, qui studuit vitam semp(er) abere piam. Obiit XVI k(a)l(endas) octobris.

Traduction

[---] Aganon [de bonne] mémoire et en mourant son corps gagna la terre. Prions tous Dieu pour son âme, pour lui qui s’appliqua toujours à mener une vie pieuse. Il mourut le 16 des calendes d’octobre [16 septembre].

Commentaire

Cette épitaphe était destinée à un homme, dont le prénom Agano est attesté plusieurs fois aux VIIIe-IXe siècles[1]. Quoiqu’incomplète, elle est très proche de celle de Witbertus par son contenu et le soin apporté à sa réalisation matérielle. Le texte se compose d’une accumulation de formules déjà rencontrées dans les textes épigraphiques de cette série, telles bone memorie, obiit, ac moriendo, petiit corpus ejus humo, pro cujus anima omnes nos precemur Deum et qui studuit vitam semper habere piam. Nous renvoyons donc le lecteur au commentaire général. Cette inscription est particulièrement longue et s’étend sur six lignes, tandis qu’on compte en moyenne cinq lignes pour les autres textes. La date de la mort occupe la dernière ligne comme dans les autres épitaphes de Saint-Outrille.

On peut supposer que l’épitaphe débutait par l’expression hic requiescunt membra ou hic requiescit corpus, étant donné que le nom du défunt est au génitif et que l’espace manquant est équivalent à une quinzaine de lettres. À la deuxième ligne, il faut restituer l’adjectif bone avant memorie (la diphtongue n’a pas été maintenue dans cette inscription comme pour Witbertus et contrairement aux textes pour Amalgarius et Unberga). Les lettres de cette ligne étant très espacées, on peut supposer que seuls deux mots avaient été gravés, à moins que le terme nomine ait été ajouté à la suite du nom Aganonus.


Présentation du site et informations additionnelles

Le Musée du Berry possède une collection de vingt-cinq inscriptions funéraires du haut Moyen Âge, gravées essentiellement sur des plates-tombes, mais aussi sur des couvercles de sarcophage et peut-être des stèles. Elles proviennent pour la plupart de Saint-Outrille-du-Château où se trouvait un ensemble monastique urbain de Bourges, fondé probablement avant le VIe siècle. Le monastère reçut les sépultures de cinq évêques entre la fin du VIe siècle et le premier quart du VIIe siècle ; son rôle déclina par la suite et seul Étienne y encore est inhumé vers 830. Le nombre particulièrement élevé de ces épitaphes semble indiquer le statut particulier du site à l’époque. La découverte de ces textes épigraphiques s’est faite en quatre étapes, plus ou moins bien documentées pour les plus anciennes : la première avant 1870, puis en 1874, en 1934 et en 1981 lors de fouilles de sauvetage. Ces inscriptions sont classées ici par ordre de découverte la plus récente, qui est le classement adopté par Françoise Jenn et Oliver Ruffier dans leur article très détaillé sur lequel s’appuient ces notices[2]. La mission du CIFM dans les réserves du Musée du Berry à Bourges a permis de mettre au jour un nouveau fragment (notice n°95), ainsi que de découvrir une plate-tombe bûchée (non publiée puisqu’elle est désormais anépigraphe).


Il est difficile de dater avec précision ces textes, la confrontation de plusieurs critères permet de les attribuer aux époques mérovingienne (notices n°84-88 selon Olivier Ruffier) ou carolingienne, et peut-être certains d’entre eux relèvent-ils davantage du RICG que du CIFM. Sans être assuré de la datation haute et afin de respecter la cohérence de l’ensemble, il est préférable d’éditer toute la collection. Pour mieux comprendre la production épigraphique de ces périodes, nous renvoyons le lecteur au volume Hors Série n°1 du CIFM consacré aux épitaphes carolingiennes du Centre Ouest de la France (Poitou, Touraine, Anjou, Maine)[3].


Les défunts commémorés par ces inscriptions sont des hommes, des femmes et des enfants, dont le statut social n’est jamais mentionné ; on ne sait donc s’il s’agit de clercs ou de laïcs. Ces personnages sont, sans nul doute, des lettrés appartenant à une élite cultivée. Leur lien avec Saint-Outrille n’est pas connu. Les similitudes repérables dans la dizaine d’épitaphes découvertes en 1981 laissent penser à l’existence d’un atelier ayant travaillé pour la nécropole de Saint-Outrille, sur une période de temps assez brève. La composition formulaire de cette série a été étudiée par Cécile Treffort[4]. Les rédacteurs, qui pouvaient être les lapicides eux-mêmes, avaient sans doute à leur disposition plusieurs membres de phrases, dont certains étaient versifiés, et ils les associaient comme ils l’entendaient.




[1] En 791, 842, 866, 878 etc. Voir : Morlet, Les noms de personne sur le territoire de l’ancienne Gaule, I, 1968, p. 65.
[2] Jenn, Ruffier, « Les plates-tombes de Saint-Outrille-du-Château », 1986, p. 33-74.
[3] Voir aussi Treffort C., Mémoires carolingiennes. L’épitaphe entre célébration mémorielle, genre littéraire et manifeste politique (milieu VIIIe-début XIe siècle) , Rennes, 2007.
[4] Sur la composition des inscriptions carolingiennes de Saint-Outrille, voir Treffort C., « Corps individuel, corps social, corps eschatologique. Le discours sur le corps dans les épitaphes carolingiennes » Actes du colloque du XXXVe Congrès international de l'Association des Professeurs de Langues Anciennes de l'Enseignement supérieur. Poitiers, 24-26 mai 2002 , Poitiers, 2004, p. 37-38 ; Treffort C., Mémoires carolingiennes, op. cit., p. 188-203, particulièrement et 194-195.