​ Bourges, Musée du Berry ​- ​ Fragment d'inscription funéraire pour ic requiescit Nom donné par l’incipit du fragment. .  ​  ​


Bourges, Musée du Berry ​- ​ Fragment d'inscription funéraire pour ic requiescit[1].

Corpus des Inscriptions de la France Médiévale, vol. 26, nº91 ​  ​


Description générale

Inscription funéraire pour un homme. 
Plate-tombe. ​ Pierre.  Dimensions de la pierre (correspond ici aux dimensions des fragments) : 52 et 62 de longueurx 69 de largeurcm. État de conservation : médiocre, la pierre gravée peu profondément est très altérée en surface et difficilement lisible. Il s’agit de deux fragments réemployés ; il manque quelques centimètres à droite, et la partie centrale est entaillée dans le bas de la pierre. Inscription non complète. Découverte avant 1870, lors de travaux à Saint-Outrille-du-Château. ​ Localisation actuelle : réserves du Musée (caves de l’Hôtel Lallemant). Gravée en creux.
Datation : Fin du VIIe - VIIIe siècle [datation paléographique].

Bibliographie

Texte d’après la lecture de Buhot de Kersers.
Buhot de Kersers, Statistique monumentale du département du Cher, t. II, 1977, p. 84 [texte] ; Jenn, Ruffier, « Les plates-tombes inscrites de Saint-Outrille-du-Château », 1986, p. 66-68 [texte, traduction, commentaire, illustration].

Description paléographique

Disposition horizontale sur six lignes. Lettres capitales très droites, de module étroit et de tracé fin. C le plus souvent carrés, ainsi que les G ; Q arrondis ou minuscules Écriture élégante et claire. La taille des lettres varie entre 5,5 et 8 cm. Abréviations : par lettres barrées, P dans perpetua, L de kalendas, contraction signalée par un tilde droit dans augusti, pour aeternam, domine (la présence d’un tilde est difficile à déterminer à cause des nombreuses éraflures). Nombreuses liaisons de lettres : M et E conjoints dans memorie, A et E conjoints dans aeternam, V enclavé dans Q dans requiescit, N et E enclavés dans D dans Domine. Ponctuation irrégulière par un ou deux points ; présence d’une croix au début du texte. Pas de décor.


Édition imitative


1 ​✝IC ​REQVIESCIT ​[---] ​ONVS ​ ​BONE ​ ​MEMOR[..] ​
2 ​ROGO ​QVISQV[---] ​NIETIS ​HIC ​: ​ORATE ​
3 ​REQVIEM ​AET̅N[---] ​NO ​EI ​DNE ​ET ​LV[.] ​
4 ​PPETVA ​LVCEA[--- ​PORTA ​INFERI ​ERVE ​
5 ​DN̅E ​ANIMA ​EIVS ​. ​[---]CAT ​IN ​PACE ​. ​
6 ​AMEN ​. ​OBIIT ​[---] ​KL ​ ​AG̅S ​. ​

1 ​✝IC ​REQVIESCIT ​[---] ​ONVS ​ ​BONE ​ ​MEMOR[..] ​
2 ​ROO ​QVISQV[---] ​NIETIS ​HIC ​: ​ORATE ​
3 ​REQVIEM ​AET̅N[---] ​NO ​EI ​DNE ​ET ​LV[.] ​
4 ​ꝐPETVA ​LVEA[--- ​PORTA ​INFERI ​ERVE ​
5 ​DN̅E ​ANIMA ​EIVS ​. ​[---]AT ​IN ​PAE ​. ​
6 ​AMEN ​. ​OBIIT ​[---] ​KŁ ​ ​A̅S ​. ​

1 ​IC ​REQVIESCIT ​[---] ​ONVS ​ ​BONE ​ ​MEMOR[..] ​
2 ​ROO ​QVISQV[---] ​NIETIS ​HIC ​: ​ORATE ​
3 ​REQVIEM ​AET̅N[---] ​NO ​EI ​DNE ​ET ​LV[.] ​
4 ​PETVA ​LVEA[--- ​PORTA ​INFERI ​ERVE ​
5 ​DN̅E ​ANIMA ​EIVS ​. ​[---]AT ​IN ​PAE ​. ​
6 ​AMEN ​. ​OBIIT ​[---] ​KŁ ​ ​A̅S ​. ​

Légende

Violet : caractères allographes.



1 ​✝IC ​REQVIESCIT ​[---] ​ONVS ​ ​BONE ​ ​MEMOR[..] ​
2 ​ROO ​QVISQV[---] ​NIETIS ​HIC ​: ​ORATE ​
3 ​REQVIEM ​AET̅N[---] ​NO ​EI ​DNE ​ET ​LV[.] ​
4 ​PETVA ​LVEA[--- ​PORTA ​INFERI ​ERVE ​
5 ​DN̅E ​ANIMA ​EIVS ​. ​[---]AT ​IN ​PAE ​. ​
6 ​AMEN ​. ​OBIIT ​[---] ​ ​ ​A̅S ​. ​

Légende

Bleu : mot abrégé.
Violet : signe d'abréviation.



1 ​✝IC ​REQVIESCIT ​[---] ​ONVS ​ ​BONE ​ ​MEMOR[..] ​
2 ​ROO ​QVISQV[---] ​NIETIS ​HIC ​: ​ORATE ​
3 ​REQVIEM ​AET̅N[---] ​NO ​EI ​DNE ​ET ​LV[.] ​
4 ​ꝐPETVA ​LVEA[--- ​PORTA ​INFERI ​ERVE ​
5 ​DN̅E ​ANIMA ​EIVS ​. ​[---]AT ​IN ​PAE ​. ​
6 ​AMEN ​. ​OBIIT ​[---] ​KŁ ​ ​A̅S ​. ​

Légende

Bleu : enclavement.
Orange : conjonction.
Violet : entrelacement.



1 ​✝ICREQVIESCIT[---]ONVSBONEMEMOR[..]
2 ​ROOQVISQV[---]NIETISHIC:ORATE
3 ​REQVIEMAET̅N[---]NOEIDNEETLV[.]
4 ​ꝐPETVALVEA[---PORTAINFERIERVE
5 ​DN̅EANIMAEIVS.[---]ATINPAE.
6 ​AMEN.OBIIT[---]KŁA̅S.

Légende

Représentation des espaces entre les lettres tels qu'ils sont dans l'inscription.
Violet : signalement des figures qui s'interposent avec le texte.



Édition normalisée

Ic requiescit [---] onus bone memor[ie]. Rogo quisqu[is ve]nietis hic orate. Requiem aet(er)n[am do]no ei D(omi)ne et lu[x] p(er)petua lucea[t ei. A]  porta inferi erue D(omi)ne anima ejus. [Requies] cat in pace. Amen. Obiit [---] k(a)l(endas) a(u)g(u)s(ti).

Traduction

Ici repose […]onus, de bonne mémoire. Je demande à vous tous qui venez ici : priez. Seigneur, donne-lui le repos éternel et que la lumière luise perpétuellement pour lui. Éloigne son âme, Seigneur, des portes de l’enfer. Qu’il repose en paix. Amen. Il mourut le […] jour des calendes d’août.

Commentaire

Cette inscription funéraire était certainement destinée à un homme, comme incite à le penser la finale masculine de son nom (-onus). Le texte est composé des formules ic requiescit et bone memorie qui encadrent le nom du défunt. À la deuxième ligne, l’auteur utilise la première personne et interpelle le lecteur directement pour solliciter ses prières. Cet appel au passant, quoique courant dès l’Antiquité et tout au long du Moyen Âge, est peu utilisé sous cette forme dans le reste de la production de Bourges. La formule la plus habituelle est pro cujus anima omnes precemur Deum, incluant auteur et lecteur.

Les lignes 3-5 reprennent mot pour mot l’office des morts. Rares sont les épitaphes à la citer si longuement. On trouve le début (requiem aeternam dona ei Domine et lux perpetua luceat ei) dans une inscription funéraire pour un diacre mort vers 875, à la cathédrale de Lausanne[2]. Enfin, le texte s’achève par le verbe formulaire obiit et la mention de la date du décès.


Présentation du site et informations additionnelles

Le Musée du Berry possède une collection de vingt-cinq inscriptions funéraires du haut Moyen Âge, gravées essentiellement sur des plates-tombes, mais aussi sur des couvercles de sarcophage et peut-être des stèles. Elles proviennent pour la plupart de Saint-Outrille-du-Château où se trouvait un ensemble monastique urbain de Bourges, fondé probablement avant le VIe siècle. Le monastère reçut les sépultures de cinq évêques entre la fin du VIe siècle et le premier quart du VIIe siècle; son rôle déclina par la suite et seul Étienne y encore est inhumé vers 830. Le nombre particulièrement élevé de ces épitaphes semble indiquer le statut particulier du site à l’époque. La découverte de ces textes épigraphiques s’est faite en quatre étapes, plus ou moins bien documentées pour les plus anciennes : la première avant 1870, puis en 1874, en 1934 et en 1981 lors de fouilles de sauvetage. Ces inscriptions sont classées ici par ordre de découverte la plus récente, qui est le classement adopté par Françoise Jenn et Oliver Ruffier dans leur article très détaillé sur lequel s’appuient ces notices[3]. La mission du CIFM dans les réserves du Musée du Berry à Bourges a permis de mettre au jour un nouveau fragment (notice n°95), ainsi que de découvrir une plate-tombe bûchée (non publiée puisqu’elle est désormais anépigraphe).


Il est difficile de dater avec précision ces textes, la confrontation de plusieurs critères permet de les attribuer aux époques mérovingienne (notices n°84-88 selon Olivier Ruffier) ou carolingienne, et peut-être certains d’entre eux relèvent-ils davantage du RICG que du CIFM. Sans être assuré de la datation haute et afin de respecter la cohérence de l’ensemble, il est préférable d’éditer toute la collection. Pour mieux comprendre la production épigraphique de ces périodes, nous renvoyons le lecteur au volume Hors Série n°1 du CIFM consacré aux épitaphes carolingiennes du Centre Ouest de la France (Poitou, Touraine, Anjou, Maine)[4].


Les défunts commémorés par ces inscriptions sont des hommes, des femmes et des enfants, dont le statut social n’est jamais mentionné ; on ne sait donc s’il s’agit de clercs ou de laïcs. Ces personnages sont, sans nul doute, des lettrés appartenant à une élite cultivée. Leur lien avec Saint-Outrille n’est pas connu. Les similitudes repérables dans la dizaine d’épitaphes découvertes en 1981 laissent penser à l’existence d’un atelier ayant travaillé pour la nécropole de Saint-Outrille, sur une période de temps assez brève. La composition formulaire de cette série a été étudiée par Cécile Treffort[5]. Les rédacteurs, qui pouvaient être les lapicides eux-mêmes, avaient sans doute à leur disposition plusieurs membres de phrases, dont certains étaient versifiés, et ils les associaient comme ils l’entendaient.




[1] Nom donné par l’incipit du fragment.
[2] Corpus inscriptionum Medii Aevi Helvetiae, 2, p. 102-105 n°49.
[3] Jenn, Ruffier, « Les plates-tombes de Saint-Outrille-du-Château », 1986, p. 33-74.
[4] Voir aussi Treffort C., Mémoires carolingiennes. L’épitaphe entre célébration mémorielle, genre littéraire et manifeste politique (milieu VIIIe-début XIe siècle) , Rennes, 2007.
[5] Sur la composition des inscriptions carolingiennes de Saint-Outrille, voir Treffort C., « Corps individuel, corps social, corps eschatologique. Le discours sur le corps dans les épitaphes carolingiennes » Actes du colloque du XXXVe Congrès international de l'Association des Professeurs de Langues Anciennes de l'Enseignement supérieur. Poitiers, 24-26 mai 2002 , Poitiers, 2004, p. 37-38 ; Treffort C., Mémoires carolingiennes, op. cit., p. 188-203, particulièrement et 194-195.