​ Bourges, Musée du Berry ​- ​Inventaire de reliques sur une croix-reliquaire  ​  ​


Bourges, Musée du Berry ​- ​Inventaire de reliques sur une croix-reliquaire

Corpus des Inscriptions de la France Médiévale, vol. 26, nº104 ​  ​


Description générale

Inventaire de reliques. 
Croix-reliquaire à double traverse, âme en bois recouverte de plaques d’argent doré et rehaussée de cabochons, de verroterie, de nacre et de petites peintures sous verre. l’inscription est placée sur la tranche. ​ Argent doré.  Dimensions de la croix : 13 (grand croisillon), 9 (petit croisillon)x 23cm. État de conservation : médiocre. La croix a été restaurée à plusieurs reprises – la dernière intervention datant de 2003 – et une partie a été martelée, rendant les lettres illisibles. Provenance inconnue. ​ Localisation actuelle : réserves du Musée du Berry. Nº d'inventaire : 1883.20.198. ​
Datation : quatrième quart du XIIe siècle [datation stylistique en accord avec l’analyse paléographique].

Bibliographie

Texte d’après l’original vu le 13 juin 2012.
Goy, « Au musée de Bourges », 1907-1908, p. 192-193 [texte, commentaire, illustration] ; « Trésors de vermeil et d’argent », n°4 (notice), p. 36-37 [texte, commentaire, illustration].

Description paléographique

Disposition horizontale sur une ligne. Écriture cursive. La lettre D, à l’initiale du mot de et dans le nom Tadei, a une forme capitale (le D de domini est oncial). Le S de sepulcro est long ; les M sont onciaux et fermés. Écriture irrégulière tant par la dimension des lettres que leur positionnement par rapport à la ligne d’écriture (le support n’ayant pas été préalablement réglé) ; ductus fin ; module plutôt étroit. Les empattements sont plus ou moins marqués (les S n’en comportent pas, sauf le S long). On remarque des empattements triangulaires en haut des hastes ascendantes pour le I de « Tadei », le P et le L de apostoli, le premier I et les deux N de Innocenti, le I de Domini, le H et le R de Hermetis. Hauteur du D de Domini : 5 mm. Ponctuation irrégulière. Abréviations : S barré pour sancti, par contraction signalée par un tilde droit dans martiri et sanctis, par contraction simple dans Domini, avec un L barré dans apostolici. Pas de décor.





Édition imitative


Tranche supérieure du grand croisillon :
À gauche :
 ​DE ​NATIVITATE ​

À droite :
 ​DE ​CALVARIE ​

Tranche inférieure du grand croisillon :
À gauche :
 ​: ​S ​: ​TADEI ​APLI ​

À droite :
 ​DE ​INNOCENTI[.] ​

Tranche de gauche du montant :
 ​[---] ​CRO ​DNI ​: ​DE ​SEPULCRO ​BE[---] ​ ​

Tranche de droite du montant :
 ​: ​S ​: ​HERMETIS ​MI̅ ​: ​SCI̅S ​M[--- ​

Tranche supérieure du grand croisillon :
À gauche :
 ​De ​ꞆiViꞆꞆe ​

À droite :
 ​De ​Clurie ​

Tranche inférieure du grand croisillon :
À gauche :
 ​: ​Ꞩ ​: ​Ꞇei ​PlI ​

À droite :
 ​e ​innOCenꞆi[.] ​

Tranche de gauche du montant :
 ​[---] ​CrO ​i ​: ​De ​ſePulCrO ​be[---] ​ ​

Tranche de droite du montant :
 ​: ​Ꞩ ​: ​hermeꞆiS ​mI̅ ​: ​SCI̅S ​[--- ​

Tranche supérieure du grand croisillon :
À gauche :
 ​De ​iVie ​

À droite :
 ​De ​Clurie ​

Tranche inférieure du grand croisillon :
À gauche :
 ​: ​ ​: ​ei ​PlI ​

À droite :
 ​e ​innOCeni[.] ​

Tranche de gauche du montant :
 ​[---] ​CrO ​i ​: ​De ​ſePulCrO ​be[---] ​ ​

Tranche de droite du montant :
 ​: ​ ​: ​hermeiS ​mI̅ ​: ​SCI̅S ​[--- ​

Légende

Violet : caractères allographes.



Tranche supérieure du grand croisillon :
À gauche :
 ​De ​ꞆiViꞆꞆe ​

À droite :
 ​De ​Clurie ​

Tranche inférieure du grand croisillon :
À gauche :
 ​: ​ ​: ​Ꞇei ​PlI ​

À droite :
 ​e ​innOCenꞆi[.] ​

Tranche de gauche du montant :
 ​[---] ​CrO ​i ​: ​De ​ſePulCrO ​be[---] ​ ​

Tranche de droite du montant :
 ​: ​ ​: ​hermeꞆiS ​mI̅ ​: ​SCI̅S ​[--- ​

Légende

Bleu : mot abrégé.
Violet : signe d'abréviation.



Tranche supérieure du grand croisillon :
À gauche :
 ​De ​ꞆiViꞆꞆe ​

À droite :
 ​De ​Clurie ​

Tranche inférieure du grand croisillon :
À gauche :
 ​: ​Ꞩ ​: ​Ꞇei ​PlI ​

À droite :
 ​e ​innOCenꞆi[.] ​

Tranche de gauche du montant :
 ​[---] ​CrO ​i ​: ​De ​ſePulCrO ​be[---] ​ ​

Tranche de droite du montant :
 ​: ​Ꞩ ​: ​hermeꞆiS ​mI̅ ​: ​SCI̅S ​[--- ​

Légende

Bleu : enclavement.
Orange : conjonction.
Violet : entrelacement.



Tranche supérieure du grand croisillon :
À gauche :
 ​DeꞆiViꞆꞆe

À droite :
 ​DeClurie

Tranche inférieure du grand croisillon :
À gauche :
 ​::ꞆeiPlI

À droite :
 ​einnOCenꞆi[.]

Tranche de gauche du montant :
 ​[---]CrOi:DeſePulCrObe[---]

Tranche de droite du montant :
 ​::hermeꞆiSmI̅:SCI̅S[---

Légende

Représentation des espaces entre les lettres tels qu'ils sont dans l'inscription.
Violet : signalement des figures qui s'interposent avec le texte.



Édition normalisée

De Nativitate, de Calvarie, s(ancti) Tadei ap(osto)li, de innocenti[b(us)], [de sepul]cro D(omi)ni, de sepulcro be[ate Mariae], s(ancti) Hermetis m(artir)i, s(an)c(t)is m [---].

Traduction

[Reliques] de la Nativité, du Calvaire, de saint Thaddée apôtre, des Innocents, du tombeau du Seigneur, du tombeau de la bienheureuse Marie, de saint Hermès martyr, des saints […].

Commentaire

L’inscription sur cette croix est composée d’une liste de huit reliques, sans phrase introductive. Une partie de ces reliques est assez classique. Elles font référence aux lieux saints : le lieu de la Nativité, celui du Calvaire, le tombeau du Christ et celui de la Vierge. Quatre autres reliques sont liées directement à des personnes : saint Hermès, martyr de Rome qui aurait été décapité en 132[1] ; saint Thaddée ou Jude, apôtre, frère de Jacques le Mineur ; les saints Innocents. La dernière mention concerne un groupe de personnages comme l’indique le pluriel de l’adjectif sanctis.

L’inscription a probablement été réalisée une fois la fabrication de la croix-reliquaire achevée, comme le souligne la bibliographie. La partie inscrite sur la tranche de gauche du montant est à l’envers par rapport aux autres. L’écriture est cursive ; rarement employée dans la documentation épigraphique de l’époque romane, on en trouve néanmoins quelques exemples tout particulièrement sur support métallique, comme sur la plaque funéraire en plomb de Raynaud, abbé de Saint-Cyprien à Poitiers, mort en 1100[2], ou encore sur plusieurs croix sépulcrales en plomb conservées au Musée des Antiquités de Rouen, datant du XIIe siècle[3].

Par le travail de la feuille de métal et le décor de cabochons de couleurs, cet objet a été rapproché d’une croix à double traverse aujourd’hui disparue, qui se trouvait dans l’ancienne abbaye d’Aubazines et mentionnait saint Grégoire et saint Martin[4], et d’une autre au Metropolitan Museum of Art de New York. Celle d’Aubazines portait des inscriptions très similaires tant sur la forme paléographique que dans leur contenu. Il y avait en effet inscrit sur le montant De Sepulcro D(omi)ni, de Sepulcro be(ate) Marie, s(ancti) Hermetis m(arti)r(is), capilli s(an)c(t)i Steph(an)i m(artyri), et sur le bras : De Nativitate D(omi)ni, de Innocentis, s(ancti) Vinsenci, de Calvarie. Un même atelier limousin semble avoir réalisé ces croix. Des techniques de mises en œuvre similaires sont observables sur la grande châsse d’Amazac (Haute-Vienne), datée entre 1180 et 1189. Cette fourchette chronologique rejoint les propositions de datation de M. de Goy, la seconde moitié du XIIe siècle, à cause de l’écriture, la facture et la forme de la croix ainsi que de la référence aux croisades (la deuxième en 1147 et surtout la troisième en 1189). Par les reliques insignes dont les inscriptions font la liste, la possession de cette croix, tout comme celle offerte au siècle suivant par saint Louis au seigneur d’Orval, Henri II de Sully (voir la notice n°156), devait être source d’un grand prestige, mais on ignore tout de sa provenance.




[1] Vie des saints et des bienheureux selon l’ordre du calendrier liturgique, 8, p. 549-550 ; Lexikon der christlichen Ikonographie, 6, col. 507-508.
[2] CIFM, I-1, p. 28-29, pl. XVI, fig. 32. Cette inscription a été retrouvée depuis sa publication, voir : Favreau R., « Un don au Musée : l’épitaphe sur plomb de Rainaud, abbé de Saint-Cyprien de Poitiers (✝ 1100) » Revue historique du Centre-Ouest, t. VII, 2008, p. 211-212.
[3] CIFM, 22, n°246, p. 323-324, fig. 111 n°247, p. 325-326, fig. 112 n°253, p. 329-330, fig. 113 n°254, p. 331-332, fig. 114 n°255, p. 332, fig. 115.
[4] CIFM, II, n°8, Corrèze, p. 9.