​ Bourges ​- ​Première inscription funéraire pour l’archevêque Audebert par Baudri de Bourgueil  ​  ​


Bourges ​- ​Première inscription funéraire pour l’archevêque Audebert par Baudri de Bourgueil

Corpus des Inscriptions de la France Médiévale, vol. 26, nº106 ​  ​


Description générale

Inscription funéraire pour un archevêque de Bourges. 
Sans doute cette inscription n’a-t-elle jamais été gravée. ​ Localisation inconnue. Datation : 1097 [par identification du personnage et de l’auteur : Baudri de Bourgueil compose la majorité de ses « épitaphes » durant son abbatiat à Bourgueil (1078/82-1107)].

Bibliographie

Baudri de Bourgueil, Poèmes, éd. 1998, t. II, p. 98 n°155 [texte, traduction].

Édition

Audebertus ​erat vir sanctus, presul et abbas.
Pontificem Biturix, abbatem Dolis habebat ;
dictis et factis ambobus suffitiebat
en sanctorum modico corpus concluditur antro.
Munere nunc duplici, duplici decoratus honore,
Audeberte, vale, sit pax tibi luxque peremnis.

Traduction

Audebert était un saint homme, évêque et abbé.
Il possédait le pontificat de Bourges et l’abbatiat de Déols ;
Il comblait l’un et l’autre par ses paroles et ses actions.
Voici que son saint corps est enfermé dans cette humble fosse.
Double récompense aujourd’hui pour qui fut auréolé d’un double honneur ;
Audebert, adieu ; à toi la paix et la lumière éternelles.

Commentaire

Cette première épitaphe est composée de six vers hexamétriques. Elle évoque le double statut du défunt, à la fois évêque et abbé, et joue du thème de la dualité par le vocabulaire employé, par exemple avec les mots ambobus et duplici (ce dernier mot est d’ailleurs répété deux fois). Baudri a utilisé de nombreux balancements : presul/abbas, Biturix/Dolis, dictis/factis, munere/honore qui viennent encore renforcer ce trait. Enfin, le nom d’Audebert est répété deux fois, par anaphore au nominatif au début du premier et au vocatif au début du dernier vers.

Très personnel, ce poème à caractère épigraphique emploie cependant des expressions formulaires, par exemple dans l’allusion au tombeau au vers 4 (modico antro). Cette formule se lit dans l’épitaphe du clerc Rainaud[1] et les mots se trouvent à la même place, à la fin de chaque hémistiche ; elle est aussi utilisée pour Rahier[2]. D’autres formules synonymes reprennent l’adjectif modicus en l’associant à fossa, urna, scrobis.

Comme nombre d’épitaphes rédigées par Baudri de Bourgueil, ce texte et les suivants relèvent davantage de l’exercice voire du jeu littéraire restant dans le domaine manuscrit, que de la production épigraphique en vue d’une matérialisation monumentale. Cet exercice littéraire prisé par les poètes médiolatins des XIe-XIIe siècles trouve chez l’abbé de Bourgueil un accueil particulier, par le jeu de variations auquel il se prête autour d’un même thème ou d’un même personnage.


106-112 : Ensemble des sept inscriptions funéraires pour l’archevêque Audebert par Baudri de Bourgueil.

Audebert de Montmorillon fut archevêque de Bourges (1092-1097) et abbé de Déols (nommé en 1087). Il meurt à la fin de 1096 ou au début de 1097. Audebert fait l’objet de plusieurs écrits de la part de Baudri de Bourgueil : deux poèmes évoquant les rouleaux des morts (poèmes n° 22-23) et sept épitaphes retranscrites ici. Chacune est différente, que ce soit dans les formes poétiques employées (hexamètres, distiques élégiaques) ou la longueur du poème (de six à douze vers) et propose une variation sur deux sujets : la biographie d’Audebert avec son double statut, et la réalité présente de son corps mort. D’autres variations d’inscription funéraire pour un même défunt ont été éditées dans les volumes 24 et 25 du CIFM, mais il s’agissait au maximum de quatre textes[3]. Audebert est donc particulièrement privilégié par l’abbé de Bourgueil. Les deux hommes semblent avoir été proches. Les raisons du cumul peu canonique des deux statuts, qui sont parfois évoquées dans les épitaphes, ne sont pas claires : peut-être Urbain II a-t-il voulu régler de cette façon habile le différend qui avait opposé les moines de Déols à l’archevêque de Bourges, Richard, prédécesseur d’Audebert. Selon la Gallia christiana, la nomination d’Audebert comme archevêque aurait servi à résoudre un conflit entre les moines de Déols et les chanoines de Limoges.




[1] Carmen, 163, 5.
[2] Carmen, 62, 9.
[3] CIFM, 24, n°42-43 pour Noël et n°73 pour Frodon et n°130 pour Guillaume de Montsoreau et n°225-230 pour Hoël ; CIFM, 25, n°13-17 pour Pierre, prieur de l’abbaye de Déols et n°105-108 pour Alexandre, un jeune homme.