Six distiques élégiaques composent cette deuxième épitaphe pour Audebert. Comme dans la précédente, le thème du double siège (gemine sedes), à Bourges et Déols, est très présent, mais l’accent est mis sur l’unité. Le conflit est clairement exposé (mala discidia, rapuit, jurgia litis) ; cette dernière formule jurgia litis provient d’un poème très diffusé, car d’usage liturgique, d’Eugène de Tolède[1]. Cependant la réunion l’emporte (conexi sunt, unus, uno pastore). La rime homonyme des vers 9 et 10 (honere et onere) montre que cette charge a été un honneur. De même que Baudri de Bourgueil l’avait fait dans l’inscription précédente, il interpelle le défunt dans le dernier vers. Ce pentamètre final sert de clôture à un autre texte du poète[2].
106-112 : Ensemble des sept inscriptions funéraires pour l’archevêque Audebert par Baudri de Bourgueil.
Audebert de Montmorillon fut archevêque de Bourges (1092-1097) et abbé de Déols (nommé en 1087). Il meurt à la fin de 1096 ou au début de 1097. Audebert fait l’objet de plusieurs écrits de la part de Baudri de Bourgueil : deux poèmes évoquant les rouleaux des morts (poèmes n° 22-23) et sept épitaphes retranscrites ici. Chacune est différente, que ce soit dans les formes poétiques employées (hexamètres, distiques élégiaques) ou la longueur du poème (de six à douze vers) et propose une variation sur deux sujets : la biographie d’Audebert avec son double statut, et la réalité présente de son corps mort. D’autres variations d’inscription funéraire pour un même défunt ont été éditées dans les volumes 24 et 25 du CIFM, mais il s’agissait au maximum de quatre textes[3]. Audebert est donc particulièrement privilégié par l’abbé de Bourgueil. Les deux hommes semblent avoir été proches. Les raisons du cumul peu canonique des deux statuts, qui sont parfois évoquées dans les épitaphes, ne sont pas claires : peut-être Urbain II a-t-il voulu régler de cette façon habile le différend qui avait opposé les moines de Déols à l’archevêque de Bourges, Richard, prédécesseur d’Audebert. Selon la Gallia christiana, la nomination d’Audebert comme archevêque aurait servi à résoudre un conflit entre les moines de Déols et les chanoines de Limoges.