​ Bourges ​- ​Cinquième inscription funéraire pour l’archevêque Audebert par Baudri de Bourgueil  ​  ​


Bourges ​- ​Cinquième inscription funéraire pour l’archevêque Audebert par Baudri de Bourgueil

Corpus des Inscriptions de la France Médiévale, vol. 26, nº110 ​  ​


Description générale

Inscription funéraire pour un archevêque de Bourges. 
Sans doute cette inscription n’a-t-elle jamais été gravée. ​ Localisation inconnue. Datation : 1097 [par identification du personnage et de l’auteur : Baudri de Bourgueil compose la majorité de ses « épitaphes » durant son abbatiat à Bourgueil (1078/82-1107)].

Bibliographie

Baudri de Bourgueil, Poèmes, éd. 1998, t. II, p. 99 n°159 [texte, traduction].

Édition

Audeberte,  ​tuo Biturix pro funere marcet,
in te quam vehemens amor excitat et dolor arcet.
Non tamen inpetitur gemitu Dolis inferiore,
cujus grex in te nimio fervebat amore.
Karus eras abbas his, archiepiscopus illis ;
nam poteras plenis ambos refovere mamillis.
Vadis, te Christo per idonea signa vocante
et velut emerito tibi premia digna parante.
Omni memento nostri, patrone, memento
et sucurre gregi vitali morte redempto.

Traduction

Audebert, tu es mort et Bourges dépérit, toute animée qu’elle est par son violent amour pour toi et interdite de douleur. Il n’est pourtant pas moins profond, le chagrin qui fond sur Déols, dont les ouailles brûlaient pour toi d’un amour sans mesure. Tu étais chéri de ceux-ci comme abbé, comme archevêque de ceux-là : tu savais les réconforter, les uns comme les autres, du lait dont regorgeait ton sein. Tu t’en vas, car le Christ t’adresse son signal au moment voulu et t’assigne la récompense qu’en bon soldat tu as bien méritée. En toutes circonstances, ô protecteur, aie de nous souvenance et viens à l’aide du troupeau racheté par ta mort vivifiante.

Commentaire

Cette cinquième épitaphe est la plus longue des sept. Dix hexamètres la composent, unis deux à deux par une rime finale riche. Comme dans le troisième texte à caractère épigraphique, c’est le thème de la déploration et de la peine commune qui est mis en lumière, plus que les divisions entre la ville de Bourges et l’abbaye de Déols : dolor arcet, gemitu. Baudri ajoute ici un nouvel élément commun : l’amour de chacune de ces communautés pour son pasteur (le nom amore aux vers 2 et 4, l’adjectif karus au vers 5). Audebert n’est plus présenté en tant que père (la troisième inscription insistait beaucoup sur ce trait), mais davantage comme une mère (vers 6), qui nourrit et protège (patrone au vers 9 va dans ce même sens), et comme soldat obéissant à Dieu.


106-112 : Ensemble des sept inscriptions funéraires pour l’archevêque Audebert par Baudri de Bourgueil.

Audebert de Montmorillon fut archevêque de Bourges (1092-1097) et abbé de Déols (nommé en 1087). Il meurt à la fin de 1096 ou au début de 1097. Audebert fait l’objet de plusieurs écrits de la part de Baudri de Bourgueil : deux poèmes évoquant les rouleaux des morts (poèmes n° 22-23) et sept épitaphes retranscrites ici. Chacune est différente, que ce soit dans les formes poétiques employées (hexamètres, distiques élégiaques) ou la longueur du poème (de six à douze vers) et propose une variation sur deux sujets : la biographie d’Audebert avec son double statut, et la réalité présente de son corps mort. D’autres variations d’inscription funéraire pour un même défunt ont été éditées dans les volumes 24 et 25 du CIFM, mais il s’agissait au maximum de quatre textes[1]. Audebert est donc particulièrement privilégié par l’abbé de Bourgueil. Les deux hommes semblent avoir été proches. Les raisons du cumul peu canonique des deux statuts, qui sont parfois évoquées dans les épitaphes, ne sont pas claires : peut-être Urbain II a-t-il voulu régler de cette façon habile le différend qui avait opposé les moines de Déols à l’archevêque de Bourges, Richard, prédécesseur d’Audebert. Selon la Gallia christiana, la nomination d’Audebert comme archevêque aurait servi à résoudre un conflit entre les moines de Déols et les chanoines de Limoges.




[1] CIFM, 24, n°42-43 pour Noël et n°73 pour Frodon et n°130 pour Guillaume de Montsoreau et n°225-230 pour Hoël ; CIFM, 25, n°13-17 pour Pierre, prieur de l’abbaye de Déols et n°105-108 pour Alexandre, un jeune homme.