​ Celle (La), église Saint-Blaise ​- ​Inscription de donation et prière  ​  ​


Celle (La), église Saint-Blaise ​- ​Inscription de donation et prière

Corpus des Inscriptions de la France Médiévale, vol. 26, nº134 ​  ​


Description générale

Inscription de donation et prière. 
Peintures murales.  Dimensions du champ épigraphique 162 x 40 x cm. État de conservation : très médiocre. Le texte a certainement subi des restaurations, comme en témoignent les traces de lettres parasites à la première ligne et à la troisième ligne. Inscription conservée in situ. L’inscription était recouverte de plâtre jusqu’en 1923, date de sa découverte fortuite par Jean Aubrun, moine de Ligugé. ​ Localisation : bas-côté sud, quatrième travée à partir de l’entrée, à 2,17 m du sol, en-dessous de la peinture du Christ dans une mandorle.
Datation : XIe ou XIIe siècle [datation par l’analyse paléographique].

Bibliographie

Texte d’après l’original vu en place le 21 mai 1991 et le 12 juin 2012.
Villepelet, Une visite à l’église de la Celle-Bruère, 1929, p. 18 [mention] ; Kupfer, Romanesque Wall Painting in Central France, 1993, fig. 48 [illustration].

Description paléographique

Disposition horizontale, sur six lignes, entre réglures de couleur rouge. Lettres noires ou rouges sur fond gris. Écriture régulière capitale avec quelques onciales, module étroit, tracé fin, pleins et déliés marqués. Les A ont un plateau débordant ; les deux boucles des B ne se touchent pas, la boucle et le trait oblique des R ne se touchent pas non plus ; les D ont une forme très arrondie et un module plus large que les autres caractères ; les C et les G sont arrondis, les O sont en navette, les Q ont une forme minuscule. Nombreux empattements avec de longs filets fins. Le trait de la traverse du N de responsum est redoublé. Abréviations de la finale de pater et adque par élision (certainement aussi de meque), de celle de placet et scelerum grâce à un signe diacritique, par contraction dans prorsus avec un P barré, par élision du S final dans filius signalé par une apostrophe. Nombreuses conjonctions de lettres : M et E dans sume, Q et V dans quid, V et E dans queso, M et E dans meque, N et du E de fine. Entrelacement des deux V dans vultu. Absence de ponctuation. Un élément de décor est placé à la fin du deuxième vers comme justification en fin de ligne. Interligne de 6 cm environ (mais inférieur pour la troisième ligne) ; B de tibi : 5,5 cm de hauteur, 3,5 cm de largeur ; G de virgo : 5,5 cm de hauteur, 4 cm de largeur.





Édition imitative


1 ​[..]SE[..]O ​SVME ​PAT ​QVID ​VIRGO ​PLAC3 ​TIBI ​[.]ATE[.] ​
2 ​[.]TE ​NATE ​PETO ​SIS ​VVLTV ​QVESO ​QVIETO ​/ 
3 ​HIS ​QVI ​PRSVS ​AMANT ​HOC ​TEMPLO ​MEQ; ​REC[..]MA[..] ​
4 ​CVM ​FVERIS ​SCELE ​VINDEX ​IN ​FINE ​[---]VM ​
5 ​[.]ILIV ​ADQ; ​PATER ​RESPONSVM ​DO ​TIBI ​[---]
6 ​ QVIB[---] ​XORAS ​SEDES ​PREBEBO ​DECOR[..] ​

1 ​[..]SE[..]O ​SVME ​PAT ​qVID ​VIRGO ​PLAC3 ​TIBI ​[.]ATE[.] ​
2 ​[.]TE ​NATE ​PETO ​SIS ​VVLTV ​qVESO ​qVIETO ​/ 
3 ​HIS ​qVI ​ꝒRSVS ​AMANT ​HOC ​TEMPLO ​MEq; ​REC[..]MA[..] ​
4 ​CVM ​FVERIS ​SCELE ​VINDEX ​IN ​FINE ​[---]VM ​
5 ​[.]ILIV ​ADq; ​PATER ​RESPONSVM ​DO ​TIBI ​[---]
6 ​ qVIB[---] ​XORAS ​SEDES ​PREBEBO ​DECOR[..] ​

1 ​[..]SE[..]O ​SVME ​PAT ​qVID ​VIRGO ​PLAC3 ​TIBI ​[.]ATE[.] ​
2 ​[.]TE ​NATE ​PETO ​SIS ​VVLTV ​qVESO ​qVIETO ​/ 
3 ​HIS ​qVI ​RSVS ​AMANT ​HOC ​TEMPLO ​MEq; ​REC[..]MA[..] ​
4 ​CVM ​FVERIS ​SCELE ​VINDEX ​IN ​FINE ​[---]VM ​
5 ​[.]ILIV ​ADq; ​PATER ​RESPONSVM ​DO ​TIBI ​[---]
6 ​ qVIB[---] ​XORAS ​SEDES ​PREBEBO ​DECOR[..] ​

Légende

Violet : caractères allographes.



1 ​[..]SE[..]O ​SVME ​PAT ​qVID ​VIRGO ​PLAC3 ​TIBI ​[.]ATE[.] ​
2 ​[.]TE ​NATE ​PETO ​SIS ​VVLTV ​qVESO ​qVIETO ​/ 
3 ​HIS ​qVI ​RSVS ​AMANT ​HOC ​TEMPLO ​MEq; ​REC[..]MA[..] ​
4 ​CVM ​FVERIS ​SCELE ​VINDEX ​IN ​FINE ​[---]VM ​
5 ​[.]ILIV ​ADq; ​PATER ​RESPONSVM ​DO ​TIBI ​[---]
6 ​ qVIB[---] ​XORAS ​SEDES ​PREBEBO ​DECOR[..] ​

Légende

Bleu : mot abrégé.
Violet : signe d'abréviation.



1 ​[..]SE[..]O ​SVME ​PAT ​qV ID ​VIRGO ​PLAC3 ​TIBI ​[.]ATE[.] ​
2 ​[.]TE ​NATE ​PETO ​SIS ​VVLTV ​qVESO ​qVIETO ​/ 
3 ​HIS ​qVI ​ꝒRSVS ​AMANT ​HOC ​TEMPLO ​MEq; ​REC[..]MA[..] ​
4 ​CVM ​FVERIS ​SCELE ​VINDEX ​IN ​FINE ​[---]VM ​
5 ​[.]ILIV ​ADq; ​PATER ​RESPONSVM ​DO ​TIBI ​[---]
6 ​ qVIB[---] ​XORAS ​SEDES ​PREBEBO ​DECOR[..] ​

Légende

Bleu : enclavement.
Orange : conjonction.
Violet : entrelacement.



1 ​[..]SE[..]OSVMEPATqVIDVIRGOPLAC3TIBI[.]ATE[.]
2 ​[.]TENATEPETOSISVVLTVqVESO ​qVIETOFigure
3 ​HISqVIꝒRSVSAMANTHOCTEMPLOMEq;REC[..]MA[..]
4 ​CVMFVERISSCELEVINDEX ​INFINE[---]VM
5 ​[.]ILIVADq;PATERRESPONSVMDOTIBI[---]
6 ​ qVIB[---]XORASSEDESPREBEBO ​DECOR[..]

Légende

Représentation des espaces entre les lettres tels qu'ils sont dans l'inscription.
Violet : signalement des figures qui s'interposent avec le texte.



Édition normalisée

[Ob] se[cr] o sume Pat(er) quid Virgo plac(et) tibi [M] ate[r] ,
[ a] te Nate, peto sis vultu queso, quieto,
his qui p(ro)rsus amant hoc templo meq(ue) rec[la]ma[nt]
cum fueris sceler(um) vindex in fine [seculor]um
FIliu(s) adq(ue) Pater responsum do tibi[ Mater]
quib[(us) e]xoras sedes prebebo decor[as].


Traduction

Je te supplie, ô Père suprême, que la Vierge et mère te soit agréable ; à toi Fils, je te demande de montrer un visage paisible, je t’en prie, à ceux qui aiment vraiment beaucoup ce temple et qui ont à se plaindre de moi, lorsque tu seras le vengeur des crimes à la fin des siècles, Fils et Père, je te donne une réponse, Mère, à ceux que tu apaises, j’offrirai des demeures magnifiques.

Commentaire

Cette inscription est composée de six hexamètres léonins à rimes riches, disposés ligne à ligne, que l’on peut rétablir grâce à la métrique, malgré l’état de mutilation du texte. Ce texte est avant tout une prière comme le montrent les trois verbes obsecro, peto et queso dans les deux premiers vers, ainsi que les adresses aux personnes divines, le Père, la Vierge Mère, le Fils réunis au vers 5 et déjà présents dans les vers 1 et 2 (nate pouvant être interprété comme un synonyme de filius). La rime des vers 1 et 5 rassemble d’ailleurs les figures paternelle et maternelle (au vers 5 il s’agit d’une proposition de restitution). Le Christ est également nommé scelerum vindex, expression que l’on trouve chez Prosper d’Aquitaine (Epigrammata ex sententiis sancti Augustini, 12, 2). Cette inscription est d’ailleurs placée sous l’image du Christ en gloire dans une mandorle, que l’on peut identifier par son nimbe crucifère. Le donateur était lui-même représenté agenouillé en bas en droite, mais le tout s’est dégradé et cette partie de la peinture murale n’est plus visible aujourd’hui. L’inscription fait entendre sa prière et supplique à la première personne.

Ce texte peint évoque aussi une donation pour le rachat de ses fautes (sedes prebebo decoras). L’emplacement de ce texte très personnel, peint à hauteur de vue dans un bas côté de l’église, lui confère un réel caractère public. Le donateur ne se nomme pas et rien ne permet de l’identifier. Il pourrait s’agir de l’inscription d’un seigneur de Charenton, Raoul, fils d’Ebbes qui, vers 1187, avait mis à feu et à sang plusieurs villages, dont ceux d’Epineuil et de La Celle, et en avait chassé les moines[1]. L’écriture n’est pas en contradiction avec une telle datation, mais elle pourrait également être antérieure dans le cours du XIIe siècle, voire dater de la fin du XIe.




[1] D’après la Chronique de Déols, Recueil des Historiens des Gaules et de France, t. XVIII, 1879, p. 245.