​ Châteaumeillant, église Saint-Genès ​- ​Commentaire de la scène du meurtre d’Abel  ​  ​


Châteaumeillant, église Saint-Genès ​- ​Commentaire de la scène du meurtre d’Abel

Corpus des Inscriptions de la France Médiévale, vol. 26, nº143 ​  ​


Description générale

Identification de scène. 
Chapiteau. ​ Pierre.  Longueur du champ épigraphique : 52 x x cm. État de conservation : assez bon, avec des lacunes. Conservée in situ. ​ Localisation : chevet, vaisseau central, première travée, côté nord, chapiteau au centre de la double arcade, face nord.Inscription gravée en creux.
Datation : début XIIe siècle [critère paléographique en accord avec la datation du support].

Bibliographie

Texte cité d’après l’original, vérifié en place le 9 juin 2011.
Chénon, « Notes archéologiques et historiques sur le Bas-Berry », 1907-1908, p. 67 [texte] ; Serbat, « Chronique », 1909, p. 154 [texte lacunaire] ; Deshoulières, « Châteaumeillant, église Saint-Genès », 1932, p. 239-240 fac.-sim. d’A. Chénon [texte fautif] ; Favière, Berry roman, 1970, pl. 70 [illustration].

Description paléographique

3.5 Disposition horizontale sur une seule ligne, mais en trois sections car le tailloir n’est pas uniforme. Deux réglures avaient dû être tracées. Écriture capitale ; le M et le V de primus ont une forme onciale. C carré dans hic. Module large, ductus simple. Hauteur de la première lettre : 3,5 cm. Abréviations : tilde droit au-dessus du V de martirium et du V de sumpsit pour marquer la nasale. Plusieurs jeux de lettres : conjonctions des lettres A et B dans Abel, R et V de primus, M, A et R puis R et V dans le mot martirium, le V et le P de sumpsit ; enclavements du S dans le P de primus, le I dans le R de primus, le I dans le R de martirium. Les lettres S, I, M et V de primus sont beaucoup plus petites que le corps du mot. Pas de ponctuation, ni de décor.





Édition imitative


 ​HIC ​ABEL ​PSMRIV[1] ​MARTIRIV̅ ​SV̅PSIT ​

 ​HI ​ABEL ​PSRIU[1] ​MARTIRIV̅ ​SV̅PSIT ​

 ​HI ​ABEL ​PSRIU[1] ​MARTIRIV̅ ​SV̅PSIT ​

Légende

Violet : caractères allographes.



 ​HI ​ABEL ​PSRIU[1] ​MARTIRIV̅ ​SV̅PSIT ​

Légende

Bleu : mot abrégé.
Violet : signe d'abréviation.



 ​HI ​ABEL ​ PS RIU[1] ​MAR TI RIV ̅ ​SV̅PSIT ​

Légende

Bleu : enclavement.
Orange : conjonction.
Violet : entrelacement.



 ​HIABELPSRIU[1]MARTIRIV̅SV̅PSIT

Légende

Représentation des espaces entre les lettres tels qu'ils sont dans l'inscription.
Violet : signalement des figures qui s'interposent avec le texte.



Édition normalisée

Hic Abel primus martiriu(m) su(m)psit.

Traduction

Ici Abel subit le premier le martyre.

Commentaire

La sculpture associée à l’inscription montre le meurtre d’Abel (Gn IV, 8). Caïn brandit son arme, alors qu’Abel s’effondre déjà. Il est difficile de distinguer clairement l’instrument fratricide ; il peut s’agir d’un bâton. La main d’un ange – ou de Dieu lui-même – est tendue au-dessus de la tête d’Abel. Le chapiteau présente plusieurs autres scènes de la Genèse : la Création d’Adam, la Tentation, l’Expulsion du Paradis terrestre.

Comme l’évoque le texte épigraphique, la tradition a fait d’Abel le premier des martyrs (même si c’est Étienne que l’on qualifie habituellement de « protomartyr », c’est-à-dire le premier martyr de l’ère chrétienne) et la première figure du sacrifice du Christ (notamment dans le passage de la lettre aux Hébreux, XII, 24). Ces deux mots sont particulièrement mis en évidence dans la disposition spatiale, les plaçant au centre de l’inscription, et par les jeux de lettres. La disposition des lettres du mot primus est complexe, la lecture ne peut être linéaire, mais doit s’effectuer sur deux niveaux et en diagonale (la dernière lettre S étant enclavée dans la première).

Des inscriptions accompagnent la représentation de Caïn et Abel sur des chapiteaux au XIe siècle à l’abbaye San Quirce, Los Ausines, en Espagne, ainsi que dans la galerie occidentale du cloître de Moissac[2] au XIIe siècle, et à l’église Saint-Pierre d’Aulnay[3] dans le second quart du XIIe siècle, mais elles prennent également place sur d’autres supports.




[1] La complexité des jeux de lettres dans primus ne permet pas une restitution des lettres dans l'ordre du mot mais dans l'ordre de lecture.
[2] CIFM, 8, n°51 Tarn-et-Garonne, p. 181-182, pl. CI-CII, fig. 210-213.
[3] CIFM, I-3, n°5 Charente-Maritime, p. 82, pl. XXVII, fig. 54.