​ Plaimpied-Givaudins, ancienne abbatiale Saint-Martin ​- ​Inscription obituaire pour Étienne  ​  ​


Plaimpied-Givaudins, ancienne abbatiale Saint-Martin ​- ​Inscription obituaire pour Étienne

Corpus des Inscriptions de la France Médiévale, vol. 26, nº166 ​  ​


Description générale

Inscription obituaire pour Etienne, prêtre et chanoine. 
Bloc. ​ Pierre.  Dimensions de la pierre : 23x 14,5cm. Hauteur des lignes : 2,4 cm. État de conservation : mauvais. Pierre déplacée. Provenance : mur extérieur sud de l’église, à l’emplacement du cloître. ​ Localisation actuelle : intérieur, nef, mur sud, troisième travée. Cette pierre est protégée au titre des Monuments Historiques (elle a été classée au titre objet le 18/09/1908, référence : PM18000299).Inscription gravée en creux.
Datation : milieu XIIe siècle [par l’analyse paléographique].

Bibliographie

Texte d’après l’original vu en place le 13 juin 2012.
Buhot de Kersers, « Inscriptions murales de l’église de Plaimpied », 1886-1887, p. 44-45 [texte, dessin et commentaire] ; Roffignac, Guide-album de l’église Saint-Martin de Plaimpied, 1928, p. 16 [texte] ; Buhot de Kersers, Statistique monumentale du Cher, 1977, t. V, p. 84 pl. VII, fig. 1 [texte avec variantes].

Description paléographique

Disposition horizontale sur trois lignes. Réglures horizontales et verticales. Cadre et lignes tracées à l’avance. Hauteur de la première lettre : 2 cm. Écriture irrégulière, de module étroit (mais presque carré pour D et S à la deuxième ligne), de tracé fin ; les lettres enclavées sont de plus petite taille que les autres. Écriture capitale, une seule lettre onciale (T de obiit). Les C sont carrés. Le S de sancti à la forme d’un Z à l’envers. Liaisons de lettres, par conjonction (T et E de Stephanus, A et R dans Martini) et enclavement (A dans le C, O dans le N, I dans le N, V et S dans le C du mot canonicus, I dans le T de Martini). Abréviation par élision de Stephanus, abréviation par réduction à l’initiale signalée par un S barré pour sancti. Une seule marque de ponctuation : trois points verticaux à la fin de la première ligne.





Édition imitative


1 ​III ​[---] ​EPT ​OBIIT ​⁝ ​
2 ​SACERDOS ​STEP ​
3 ​ET ​CANONICVS ​S ​MARTINI ​

1 ​III ​[---] ​EPT ​OBIIꞆ ​⁝ ​
2 ​SAERDOS ​STEP ​
3 ​ET ​ANONIVS ​S̶ ​MARTINI ​

1 ​III ​[---] ​EPT ​OBII ​⁝ ​
2 ​SAERDOS ​STEP ​
3 ​ET ​ANONIVS ​S̶ ​MARTINI ​

Légende

Violet : caractères allographes.



1 ​III ​[---] ​EPT ​OBIIꞆ ​⁝ ​
2 ​SAERDOS ​STEP ​
3 ​ET ​ANONIVS ​S̶ ​MARTINI ​

Légende

Bleu : mot abrégé.
Violet : signe d'abréviation.



1 ​III ​[---] ​EPT ​OBIIꞆ ​⁝ ​
2 ​SAERDOS ​STEP ​
3 ​ET ​A NO NI VS ​S̶ ​MAR TI NI ​

Légende

Bleu : enclavement.
Orange : conjonction.
Violet : entrelacement.



1 ​III[---]EPTOBIIꞆ
2 ​SAERDOSSTEP
3 ​ETANONIVSS̶MARTINI

Légende

Représentation des espaces entre les lettres tels qu'ils sont dans l'inscription.
Violet : signalement des figures qui s'interposent avec le texte.



Édition normalisée

III ​[k(alendas) s]ept(embris) obiit sacerdos Step(hanus) et canonicus S(ancti) Martini.

Traduction

Le 3 [des calendes] de septembre mourut Étienne, prêtre et chanoine de Saint-Martin.

Commentaire

Plus encore que dans les autres inscriptions, il est très clair que la réalisation des points sur cette pierre a précédé le tracé des lettres. Cette inscription présente quelques caractères originaux par rapport à l’ensemble. Le diamètre des points est beaucoup plus important que l’épaisseur du trait, ce qui les rend plus visibles ; en outre, les points remplacent les empattements. L’écriture est particulièrement maladroite, les arrondis ou encore le premier S de sacerdos sont mal faits. Les lettres onciales et les signes de ponctuation y sont presque absents, mais les jeux de lettres sont plus nombreux (particulièrement dans le mot canonicus).

L’inscription suit le schéma des textes obituaires en débutant par la date, le verbe obiit puis le nom du défunt. La seule variante notable est dans la place du mot sacerdos, qui précède le nom, alors qu’il le suit d’habitude. Le prêtre et chanoine commémoré se nomme Étienne, comme dans une autre inscription (notice n°161). Pour les mêmes raisons d’identification du personnage, l’abbé B. de Roffignac date cette inscription de la seconde moitié du XIIe siècle. Cependant, par comparaison avec les autres, il faudrait plutôt proposer une datation dans la première moitié, ou tout au plus au milieu de ce siècle.


157-170 : Ensemble des inscriptions de l'abbatiale

Située à une dizaine de kilomètres au sud de Bourges, l’abbaye Saint-Martin était une abbaye de chanoines réguliers de Saint-Augustin, fondée vers 1080 par l’archevêque de Bourges Richard II (1071-1093). L’église a été construite entre les dernières années du XIe siècle et le milieu du XIIe siècle. L’abbaye connaît un fort développement au cours du XIIe siècle. Le chapitre affirme son indépendance en élisant librement son premier abbé en 1100, tout en restant sous la juridiction ordinaire de l’archevêque de Bourges, et le roi Philippe Ier remet aux chanoines les droits seigneuriaux du territoire entourant l’église. Une bulle de Pascal II datée de 1110 confirme la possession de vingt-trois églises dans le sud-est du diocèse[1].


La série d’inscriptions obituaires replacées dans le mur sud de la nef provenait du cloître. L’ensemble gravé évoque un obituaire manuscrit. On trouve de tels obituaires lapidaires par exemple en Charente dans l’ancien prieuré de Marcillac-Lanville[2]. La paléographie de l’ensemble de Plaimpied-Givaudins présente des traits originaux, notamment dans l’utilisation qu’elle fait des points, non comme élément de ponctuation, mais dans l’écriture même de la lettre. Des parentés graphiques entre une charte-chirographe de l’abbaye datée entre 1129 et janvier 1136 et les inscriptions ont été trouvées[3] ; elles inciteraient à penser qu’un copiste a travaillé à la gravure des épitaphes ou, du moins, qu’une culture graphique spécifique à cette abbaye était présente. Certains noms des signataires de cette charte (Umbertus, Radulfus, Giraudus) sont aussi ceux de chanoines défunts inscrits dans la pierre. La conjonction de ces indices incite à dater l’ensemble de la série dans le deuxième quart du XIIe siècle, ou plus largement au milieu du XIIe siècle.


L’ordre dans lequel sont présentées les inscriptions reprend celui de leur localisation actuelle dans le mur (de haut en bas et de gauche à droite). À côté de cette série, une dalle de grande taille se démarque, en offrant une sculpture et deux inscriptions d’une grande qualité plastique qui n’est pas sans rappeler le chapiteau de la Tentation. C’est par elle que débute la présentation de l’ensemble épigraphique de Plaimpied-Givaudins ; elle se clôt sur des textes de fonction et de supports très différents (chapiteaux, cloche).




[1] Sur l’histoire de l’abbaye, nous renvoyons à l’article récent de Neil Stratford, qui, tout en étant centré sur le chapiteau de la Tentation, fournit une ample bibliographie (Stratford, « Le chapiteau de la Tentation du Christ à Plaimpied revisité », 2015).
[2] CIFM, I-3, n°30-55 Charente, p. 48-54, pl. XV-XVI, fig. 29-32.
[3] Arch. dép. Cher, 58 H 9 (Buhot de Kersers, Statistique monumentale du Cher, V, 1977, p. 132-133) ; voir aussi Gandilhon A., Catalogue des actes des archevêques de Bourges antérieurs à 1200 , Bourges - Paris, 1927, p. 70-71 ; Stratford, « Le chapiteau de la Tentation du Christ à Plaimpied revisité », 2015, p. 313).