La première inscription peut correspondre à deux péricopes dans l’Évangile de Matthieu, seul évangéliste à mentionner la fuite en Égypte. Lorsque l’ange apparaît à Joseph dans son sommeil et l’invite à fuir (Mt II, 13) : Surge et accipe puerum et matrem ejus et fuge in Aegyptum, et lorsqu’il lui apparaît à nouveau, après la mort d’Hérode, pour lui dire de s’en retourner : (Mt II, 20) : Surge et accipe puerum et matrem ejus et vade in terram Israel. Il est plus probable que le premier départ soit représenté face gauche, tandis qu’à la face droite se trouve le voyage de retour à Nazareth, sorte de fuite en Égypte inversée. L’intérêt de ce chapiteau réside justement dans la mention des inscriptions, car ce thème très courant dans l’art roman reste le plus souvent anépigraphe, par exemple dans les peintures murales contemporaines de Brinay, pour ne citer qu’une référence géographiquement proche.
La provenance et la datation du chapiteau sont difficiles à établir : selon Roffignac, il appartenait à la façade occidentale initiale de l’église, refaite en 1740, et date de la fin du XIIe siècle. Neil Stratford voit dans le travail de ce chapiteau (notamment dans la complexité des architectures fictives et dans l’écriture des inscriptions) la main du sculpteur du chapiteau de la Tentation du Christ. L’auteur le rapproche d’un autre chapiteau de dimension similaire encastré dans le mur d’une grange du village, très mutilé et dont on ne peut identifier la scène, qui rappelle lui aussi par les draperies, le motif triponctué et le traitement délicat des têtes, le maître du chapiteau de la Tentation. Ces chapiteaux dateraient alors du deuxième quart du XIIe siècle et pourraient provenir du cloître, étant donné leur petite taille. Les ressemblances paléographiques soulignées par N. Stratford entre cette inscription et celle de Sulpice sont certaines – sans que l’on puisse les apprécier pleinement à partir du seul cliché – et elles incitent à entériner la proposition de datation.
157-170 : Ensemble des inscriptions de l'abbatiale
Située à une dizaine de kilomètres au sud de Bourges, l’abbaye Saint-Martin était une abbaye de chanoines réguliers de Saint-Augustin, fondée vers 1080 par l’archevêque de Bourges Richard II (1071-1093). L’église a été construite entre les dernières années du XIe siècle et le milieu du XIIe siècle. L’abbaye connaît un fort développement au cours du XIIe siècle. Le chapitre affirme son indépendance en élisant librement son premier abbé en 1100, tout en restant sous la juridiction ordinaire de l’archevêque de Bourges, et le roi Philippe Ier remet aux chanoines les droits seigneuriaux du territoire entourant l’église. Une bulle de Pascal II datée de 1110 confirme la possession de vingt-trois églises dans le sud-est du diocèse[2].La série d’inscriptions obituaires replacées dans le mur sud de la nef provenait du cloître. L’ensemble gravé évoque un obituaire manuscrit. On trouve de tels obituaires lapidaires par exemple en Charente dans l’ancien prieuré de Marcillac-Lanville[3]. La paléographie de l’ensemble de Plaimpied-Givaudins présente des traits originaux, notamment dans l’utilisation qu’elle fait des points, non comme élément de ponctuation, mais dans l’écriture même de la lettre. Des parentés graphiques entre une charte-chirographe de l’abbaye datée entre 1129 et janvier 1136 et les inscriptions ont été trouvées[4] ; elles inciteraient à penser qu’un copiste a travaillé à la gravure des épitaphes ou, du moins, qu’une culture graphique spécifique à cette abbaye était présente. Certains noms des signataires de cette charte (Umbertus, Radulfus, Giraudus) sont aussi ceux de chanoines défunts inscrits dans la pierre. La conjonction de ces indices incite à dater l’ensemble de la série dans le deuxième quart du XIIe siècle, ou plus largement au milieu du XIIe siècle.
L’ordre dans lequel sont présentées les inscriptions reprend celui de leur localisation actuelle dans le mur (de haut en bas et de gauche à droite). À côté de cette série, une dalle de grande taille se démarque, en offrant une sculpture et deux inscriptions d’une grande qualité plastique qui n’est pas sans rappeler le chapiteau de la Tentation. C’est par elle que débute la présentation de l’ensemble épigraphique de Plaimpied-Givaudins ; elle se clôt sur des textes de fonction et de supports très différents (chapiteaux, cloche).