​ Saint-Satur, collection particulière ​- ​Inscription funéraire pour un homme  ​  ​


Saint-Satur, collection particulière ​- ​Inscription funéraire pour un homme

Corpus des Inscriptions de la France Médiévale, vol. 26, nº173 ​  ​


Description générale

Inscription funéraire pour un laïc. 
Pierre (dalle de calcaire oolithique).  Dimensions de la plaque de pierre : 0,53 m de largeurx 0,67 m de longueurcm. État de conservation : médiocre, trois fragments jointifs. Inscription découverte en octobre 1977 lors de travaux d’urbanisme dans la rue E. Audonnet près de l’église de Saint-Satur. Elle est actuellement conservée chez un particulier[1].
Datation : viiie ou début du ixe siècle [critère paléographique].

Bibliographie

Texte d’après l’original, vu le 5 novembre 2012.
Bulot, Cobolet, « Une épitaphe du haut Moyen Àge à Saint-Satur », 1980, p. 23-26 [texte, commentaire et illustration] ; Kisch, Cobolet, « Saint-Satur », 1980, p. 316-317 [texte et illustration] ; Provost, et al.Cobolet, Le Cher, 1992, p. 311 [texte d'après Kisch].

Description paléographique

Disposition horizontale sur huit lignes, la cinquième étant anépigraphe. La dalle a été préalablement réglée horizontalement et verticalement ; néanmoins, les réglures ne sont pas droites et une dernière ligne a dû être ajoutée en dehors du cadre (elle est règlée horizontalement mais non verticalement). Écriture irrégulière en lettres capitales, très droites. Le tracé est épais et le module des lettres est variable : certains caractères sont étroits (C, E, F, R) et d’autres larges (M, N, T, V). Les lettres sont assez espacées les unes des autres et le texte est justifié à gauche et à droite. Les O sont en losange, les C sont carrés et le Q a une forme de lettre minuscule ; les jambages du M de aman sont écartés et les S sont le plus souvent inclinés vers la droite. Dimensions des lettres : premier N de nomine : 3 cm ; I de ic : 4,5 cm, A de ama : 4 cm. Abréviation pour in réduit à la première lettre, sans signe particulier, et pour aman, signalée par tilde à renflement carré sur le M. Le I de requiescit est enclavé dans le V. Les signes de ponctuation sont variés : une croix grecque ouvre le texte, trois points disposés en triangle terminent la première ligne, on relève trois points verticaux de chaque coˆté du nom du défunt, à nouveau trois points en triangle entre la formule conclusive et l’amen.





Édition imitative


1 ​✝IC ​REQVIESCIT ​PIE ​: ​
2 ​VMILISSIMVS ​OMO ​
3 ​NOMINE ​: ​A[---]
4 ​VS ​: ​INNOCE[---] ​
5 ​(anépigraphe)
6 ​PRO ​SENIORE ​SVO ​
7 ​INTERFECTVS ​EST ​IC ​
8 ​REQVIESCAT ​I ​PACE ​: ​AM̅A ​

1 ​✝I ​REQVIESIT ​PIE ​: ​
2 ​VMILISSIMVS ​◊M◊ ​
3 ​NOMINE ​: ​A[---]
4 ​VS ​: ​INN◊E[---] ​
5 ​(anépigraphe)
6 ​PR◊ ​SENI◊RE ​SV◊ ​
7 ​INTERFETVS ​EST ​IC ​
8 ​REQVIESCAT ​I ​PACE ​: ​AM̅A ​

1 ​I ​REQVIESIT ​PIE ​: ​
2 ​VMILISSIMVS ​M ​
3 ​NOMINE ​: ​A[---]
4 ​VS ​: ​INNE[---] ​
5 ​(anépigraphe)
6 ​PR ​SENIRE ​SV ​
7 ​INTERFETVS ​EST ​IC ​
8 ​REQVIESCAT ​I ​PACE ​: ​AM̅A ​

Légende

Violet : caractères allographes.



1 ​✝I ​REQVIESIT ​PIE ​: ​
2 ​VMILISSIMVS ​◊M◊ ​
3 ​NOMINE ​: ​A[---]
4 ​VS ​: ​INN◊E[---] ​
5 ​(anépigraphe)
6 ​PR◊ ​SENI◊RE ​SV◊ ​
7 ​INTERFETVS ​EST ​IC ​
8 ​REQVIESCAT ​I ​PACE ​: ​AM̅A ​

Légende

Bleu : mot abrégé.
Violet : signe d'abréviation.



1 ​✝I ​REQVIESIT ​PIE ​: ​
2 ​VMILISSIMVS ​◊M◊ ​
3 ​NOMINE ​: ​A[---]
4 ​VS ​: ​INN◊E[---] ​
5 ​(anépigraphe)
6 ​PR◊ ​SENI◊RE ​SV◊ ​
7 ​INTERFETVS ​EST ​IC ​
8 ​REQVIESCAT ​I ​PACE ​: ​AM̅A ​

Légende

Bleu : enclavement.
Orange : conjonction.
Violet : entrelacement.



1 ​✝IREQVIESITPIE:
2 ​VMILISSIMVS◊M◊
3 ​NOMINE:A[---]
4 ​VS:INN◊E[---]
5 ​(anépigraphe)
6 ​PR◊SENI◊RESV◊
7 ​INTERFETVSESTIC
8 ​REQVIESCATIPACE:AM̅A

Légende

Représentation des espaces entre les lettres tels qu'ils sont dans l'inscription.
Violet : signalement des figures qui s'interposent avec le texte.



Édition normalisée

Ic requiescit pie umilissimus omo nomine A[---]us innoce[---] pro seniore suo interfectus est ic. Requiescat i(n) pace. Ama(n).

Traduction

Ici repose pieusement l’homme très humble, innocent, du nom d’A... Il a été tué pour son seigneur. Qu’il repose en paix. Amen.

Commentaire

Tout en reprenant des expressions conventionnelles, cette inscription présente un texte au contenu particulièrement original. Elle est encadrée par une double formule de repos : la première, hic requiescit (notamment accompagné de nomine), est une formule connue, utilisée déjà à la période mérovingienne, et qui continue d’être en usage au Moyen Âge central (on la trouve notamment à Bourges à plusieurs reprises dans la série des platestombes du haut Moyen Âge[2]) ; la seconde, requiescat in pace amen, formule liturgique de souhait pieux, est aussi très présente à l’époque carolingienne et connaît une grande fortune au Moyen Âge central et au bas Moyen Âge. Par ailleurs, le nom du défunt débute par A et s’achève en –us, ce qui est trop peu pour formuler des hypothèses.

Les circonstances du décès ont semblé assez exceptionnelles pour devoir être mentionnées et justifiées, dans une certaine mesure. L’homme a été tué pour son seigneur (pro seniore suo interfectus est). La mort violente par homicide évoquée par le verbe interficio est en opposition avec le vocabulaire des quatre premières lignes : l’adverbe pie, l’adjectif au superlatif umilissimus et le mot incomplet à la ligne 4 évoquant l’innocence. Il est donc probable que cette inscription garde la mémoire d’un événement tragique qui a justifié la réalisation d’une épitaphe pour un homme d’humble condition.

Il est difficile de proposer une datation précise pour cette pierre ; Kisch parle d’une épitaphe paléochrétienne et Guy Cobolet évoque le viiie siècle. Aucune date de décès n’est donnée, à moins qu’elle n’ait été prévue sur la ligne restée anépigraphe, et l’absence d’indication archéologique force à s’appuyer sur les critères linguistiques et paléographiques. L’analyse linguistique montre un état intermédiaire du latin, marqué par un usage fluctuant du H (il est systématiquement omis en position initiale des mots hic, humilis et homo) et une orthographe originale pour amen. Les formes carrées des lettres, l’emploi du O losangé et le module étroit incitent à proposer une datation peu avancée au viiie siècle, on ne peut néanmoins exclure une datation plus tardive au cours du viiie siècle, voire au début du ixe siècle[3].




[1] Nous avons le plaisir de remercier très chaleureusement messieurs Albert Hesse et Guy Cobolet pour leur aide et leur recherche fructueuse en vue de retrouver cette inscription.
[2] Voir les notices nº 70 à 95.
[3] Nous avons le plaisir de remercier Morgane Uberti pour son aide précieuse dans l’analyse de cette inscription.