Ce texte en prose se rapproche des éloges versifiés contemporains qui louent de manière générale et stéréotypée la foi et la charité du défunt. La mention de la fondation de l’édifice par le défunt se retrouve à plusieurs reprises dans des épitaphes carolingiennes, par exemple celle de l’abbé anonyme de Ligugé à la fin du VIIIe ou au début du IXe[2], celles de Mundretus à Mondrainville ou d’Adso et Alberga à Poussy-la-Campagne dans le Calvados, des IXe-Xe siècles[3], celle de l’abbé de Saint-Savin Dodo, mort en 853[4] ou, enfin, celle du vicomte Maubert à Vagnas en Ardèche, au Xe siècle[5]. Le latin utilisé est excellent et s’inscrit parfaitement dans la réforme carolingienne. En ce qui concerne l’orthographe, on notera l’absence d’un deuxième M à imo, l. 6, et surtout le H de charitatis, signe d’une évolution de la caritas latine vers la charité française, s’il ne s’agit pas d’une erreur de copie.
L’inscription paraît puiser dans des expressions à la fois bibliques et poétiques. Le verae vitae amator (l. 2/3) rappelle 1 Tim. VI, 19 et le fide plenus (l. 3) se rapproche de l’expression biblique virum plenum fide (Actes, VI, 5). Dans la France de l’Ouest, entre la fin du VIIIe et le début du XIe siècle, on trouve dans diverses inscriptions funéraires des expressions similaires. À Ligugé, à la fin du VIIIe[6], le cui fuit alma fides vita beata satis, ou, à Château-Gontier en 876[7], le cui fides vera et vita fuit beata font écho au vir verae vitae amator fide plenus de Saunay. On pourrait trouver dans l’ensemble de la production carolingienne bien d’autres expressions proches de celles utilisées dans l’épitaphe d’Adelramnus même si aucune source précise n’a pour l’instant pas pu être identifiée.
L’inscription porte sa date, donnée par l’année de l’Incarnation du Seigneur : 874. Il s’agit d’un des plus anciens témoins épigraphiques de l’usage de ce mode de datation au nord des Alpes[8], après l’épitaphe d’Ato à Angers (835)[9], celle d’Adalberga à Tours (830 ou 840)[10], quelques inscriptions disparues découvertes au XVIIe siècle à Saint-Riquier (844 à 868)[11] et celle, également détruite, de l’abbé Dodo de Saint-Savin, mort en 853[12]. La paléographie, pour autant qu’on puisse en juger par la modicité des éléments originaux conservés, peut parfaitement correspondre à cette date.