​ Saunay, église Notre-Dame ​- ​Inscription funéraire pour Alderamnus  ​  ​


Saunay, église Notre-Dame ​- ​Inscription funéraire pour Alderamnus

Corpus des Inscriptions de la France Médiévale, vol. Hors-série I, nº3 ​  ​


Description générale

Inscription funéraire à caractère tumulaire. 
Dalle funéraire. ​ Pierre.  L’inscription originale, en grande partie mutilée, est conservée dans l’église Notre-Dame de Saunay, où elle est encastrée dans le mur sud, à 96 cm du sol. Elle est mentionnée pour la première fois en 1848, lors du passage des participants du Congrès scientifique de France, et dite alors « récemment découverte par l’abbé Fleurat, curé de Sonnay [sic] ». Du texte du IXe siècle ne subsiste qu’un tiers environ (six lignes sur huit, en grande partie mutilées), disposé sur un bloc de 130 x 50 cm dont la surface a été retravaillée lors de sa réutilisation. À l’entrée du choeur, une inscription réalisée vraisemblablement par l’abbé Fleurat en 1847 reproduit, à une échelle légèrement réduite (99,5 x 63 cm), l’épitaphe copiée en 1720 dans les archives de la paroisse[1]. Les lettres encore lisibles lors de la découverte ont été signalées par un point en-dessous : elles sont un peu plus nombreuses que celles aujourd’hui conservées. À partir de l’original, dont les deux extrémités latérales sont conservées, on peut proposer, comme dimensions initiales, une hauteur d’environ 75 cm (correspondant à huit lignes) pour une largeur de 130 cm.
Datation : 874 [datation interne qui semble correspondre à la paléographie visible sur l’original].

Bibliographie

Lecture d’après l’original (vu en place en 1992).
Congrès scientifique de France, 1848, vol. II, p. 191-192 [texte] ; Bourasse, « Églises mentionnées par saint Grégoire », 1855, p. 12-13 [texte, d’après le précédent] ; Bourasse, Chevalier, Recherches historiques, 1869, p. 136 [texte] ; Vieillard-Troiekouroff, « Les sculptures et objets préromans », 1962, p. 117 [mention] ; Favreau, Michaud, « La lexicographie du latin médiéval », 1981, p. 96 [mention] ; Ranjard, La Touraine archéologique, 1975, p. 641 [mention] ; Favreau, Épigraphie médiévale, 1997, p. 295-297 [texte, traduction, photo, étude] ; Patrimoine Indre-et-Loire, 2001, p. 417 [mention] ; Treffort, Mémoires carolingiennes, 200 et 304 [texte partiel] ; Treffort, « Les inscriptions funéraires », 2014, p. doc. 4 [photo, texte, trad., commentaire] ; CIFM, 25, 2014, n°77, p. 100 [notice abrégée].

Description paléographique

Le texte accompagnant la reproduction de l’inscription mentionne que lors de sa réalisation en 1847, l’original était déjà en partie altéré (partim nunc oblitterati) bien que copié en intégralité et à l’identique (modo authentico in integrum relati). Il faut donc rester prudent quant à l’analyse paléographique des parties restituées même si la comparaison entre l’original et la « copie » pour les lettres conservées montre une relative fidélité. Si le texte a pu être préparé avec une réglure générale, il reste toutefois légèrement irrégulier. Les mots ne sont pas séparés et aucune ponctuation ne subsiste, absente également sur la copie. Les abréviations sont rares ; au nombre de trois, elles semblent avoir été marquées par un tilde droit sur le A de ha(n)c et de qua(m) l. 5 et peut-être sur D(omi)ni même s’il n’apparaît pas sur la copie. Aucune conjonction n’est perceptible, mais la copie semble montrer qu’on a enclavé, à plusieurs reprises, des petites voyelles sous ou sur la barre latérale de certaines lettres. L’inscription conservée utilise exclusivement des capitales romaines au module assez large, dont la taille est variable (4 à 5 cm).





Édition imitative



1 ​[HIC  ​RE]QVIESCI[T ​ALDERAMNUS ​]
2 ​S[ACER]DOS ​VIR ​[VERA]E ​VITAE ​
3 ​A[MATOR ​FIDE ​PLENVS ​ET ​CH]ARITATIS ​
4 ​A[MORE ​PRODIGVS ​ERGA ​]PAVPERES ​
5 ​L[ARGITOR ​HA̅C ​QVOQVE ​QV]A̅ ​CERNIS ​
6 ​AEDEM ​IPSE ​[FUNDAVIT ​AB ​]I[MO] ​OBIIT ​
7 ​[IN ​]PACE ​[XVIII ​CALENDAS ​MAII ​ANNO ​
8 ​DNI ​DCCCLXXIIII ​]


1 ​[HIC  ​RE]QVIESCI[T ​ALDERAMNUS ​]
2 ​S[ACER]DOS ​VIR ​[VERA]E ​VITAE ​
3 ​A[MATOR ​FIDE ​PLENVS ​ET ​CH]ARITATIS ​
4 ​A[MORE ​PRODIGVS ​ERGA ​]PAVPERES ​
5 ​L[ARGITOR ​HA̅C ​QVOQVE ​QV]A̅ ​CERNIS ​
6 ​AEDEM ​IPSE ​[FUNDAVIT ​AB ​]I[MO] ​OBIIT ​
7 ​[IN ​]PACE ​[XVIII ​CALENDAS ​MAII ​ANNO ​
8 ​DNI ​DCCCLXXIIII ​]


1 ​[HIC  ​RE]QVIESCI[T ​ALDERAMNUS ​]
2 ​S[ACER]DOS ​VIR ​[VERA]E ​VITAE ​
3 ​A[MATOR ​FIDE ​PLENVS ​ET ​CH]ARITATIS ​
4 ​A[MORE ​PRODIGVS ​ERGA ​]PAVPERES ​
5 ​L[ARGITOR ​HA̅C ​QVOQVE ​QV]A̅ ​CERNIS ​
6 ​AEDEM ​IPSE ​[FUNDAVIT ​AB ​]I[MO] ​OBIIT ​
7 ​[IN ​]PACE ​[XVIII ​CALENDAS ​MAII ​ANNO ​
8 ​DNI ​DCCCLXXIIII ​]

Légende

Violet : caractères allographes.




1 ​[HIC  ​RE]QVIESCI[T ​ALDERAMNUS ​]
2 ​S[ACER]DOS ​VIR ​[VERA]E ​VITAE ​
3 ​A[MATOR ​FIDE ​PLENVS ​ET ​CH]ARITATIS ​
4 ​A[MORE ​PRODIGVS ​ERGA ​]PAVPERES ​
5 ​L[ARGITOR ​HA̅C ​QVOQVE ​QV]A̅ ​CERNIS ​
6 ​AEDEM ​IPSE ​[FUNDAVIT ​AB ​]I[MO] ​OBIIT ​
7 ​[IN ​]PACE ​[XVIII ​CALENDAS ​MAII ​ANNO ​
8 ​DNI ​DCCCLXXIIII ​]

Légende

Bleu : mot abrégé.
Violet : signe d'abréviation.




1 ​[HIC  ​RE]QVIESCI[T ​ALDERAMNUS ​]
2 ​S[ACER]DOS ​VIR ​[VERA]E ​VITAE ​
3 ​A[MATOR ​FIDE ​PLENVS ​ET ​CH]ARITATIS ​
4 ​A[MORE ​PRODIGVS ​ERGA ​]PAVPERES ​
5 ​L[ARGITOR ​HA̅C ​QVOQVE ​QV]A̅ ​CERNIS ​
6 ​AEDEM ​IPSE ​[FUNDAVIT ​AB ​]I[MO] ​OBIIT ​
7 ​[IN ​]PACE ​[XVIII ​CALENDAS ​MAII ​ANNO ​
8 ​DNI ​DCCCLXXIIII ​]

Légende

Bleu : enclavement.
Orange : conjonction.
Violet : entrelacement.




1 ​[HIC  ​RE]QVIESCI[TALDERAMNUS ​]
2 ​S[ACER]DOSVIR[VERA]EVITAE
3 ​A[MATORFIDE ​PLENVS ​ET ​CH]ARITATIS
4 ​A[MOREPRODIGVS ​ERGA ​]PAVPERES
5 ​L[ARGITORHA̅CQVOQVEQV]A̅CERNIS
6 ​AEDEMIPSE[FUNDAVIT ​AB ​]I[MO]OBIIT
7 ​[IN ​]PACE[XVIII ​CALENDAS ​MAII ​ANNO ​
8 ​DNI ​DCCCLXXIIII ​]

Légende

Représentation des espaces entre les lettres tels qu'ils sont dans l'inscription.
Violet : signalement des figures qui s'interposent avec le texte.



Édition normalisée

[ Hic  re]quiesci[t Alderamnus] s[acer]dos vir, [vera]e vitae a[mator, fide plenus et ch]aritatis a[more prodigus erga] pauperes l[argitor. Ha(n)c quoque qu]a(m) cernis aedem, ipse[ fundavit ab] i[mo]. Obiit[ in] pace[ XVIII calendas maii anno D(omi)n(i) DCCCLXXIIII] .

Traduction

Ici repose le prêtre Alderamnus, homme aimant la vraie vie, plein de foi et d’amour de la charité, prodigue en largesses envers les pauvres. Cette église que tu vois, il la fonda. Il mourut en paix, le dix huit des calendes de mai [14 avril], l’an du seigneur 874.

Commentaire

Ce texte en prose se rapproche des éloges versifiés contemporains qui louent de manière générale et stéréotypée la foi et la charité du défunt. La mention de la fondation de l’édifice par le défunt se retrouve à plusieurs reprises dans des épitaphes carolingiennes, par exemple celle de l’abbé anonyme de Ligugé à la fin du VIIIe ou au début du IXe[2], celles de Mundretus à Mondrainville ou d’Adso et Alberga à Poussy-la-Campagne dans le Calvados, des IXe-Xe siècles[3], celle de l’abbé de Saint-Savin Dodo, mort en 853[4] ou, enfin, celle du vicomte Maubert à Vagnas en Ardèche, au Xe siècle[5]. Le latin utilisé est excellent et s’inscrit parfaitement dans la réforme carolingienne. En ce qui concerne l’orthographe, on notera l’absence d’un deuxième M à imo, l. 6, et surtout le H de charitatis, signe d’une évolution de la caritas latine vers la charité française, s’il ne s’agit pas d’une erreur de copie.

L’inscription paraît puiser dans des expressions à la fois bibliques et poétiques. Le verae vitae amator (l. 2/3) rappelle 1 Tim. VI, 19 et le fide plenus (l. 3) se rapproche de l’expression biblique virum plenum fide (Actes, VI, 5). Dans la France de l’Ouest, entre la fin du VIIIe et le début du XIe siècle, on trouve dans diverses inscriptions funéraires des expressions similaires. À Ligugé, à la fin du VIIIe[6], le cui fuit alma fides vita beata satis, ou, à Château-Gontier en 876[7], le cui fides vera et vita fuit beata font écho au vir verae vitae amator fide plenus de Saunay. On pourrait trouver dans l’ensemble de la production carolingienne bien d’autres expressions proches de celles utilisées dans l’épitaphe d’Adelramnus même si aucune source précise n’a pour l’instant pas pu être identifiée.

L’inscription porte sa date, donnée par l’année de l’Incarnation du Seigneur : 874. Il s’agit d’un des plus anciens témoins épigraphiques de l’usage de ce mode de datation au nord des Alpes[8], après l’épitaphe d’Ato à Angers (835)[9], celle d’Adalberga à Tours (830 ou 840)[10], quelques inscriptions disparues découvertes au XVIIe siècle à Saint-Riquier (844 à 868)[11] et celle, également détruite, de l’abbé Dodo de Saint-Savin, mort en 853[12]. La paléographie, pour autant qu’on puisse en juger par la modicité des éléments originaux conservés, peut parfaitement correspondre à cette date.




[1] Elle porte l’indication suivante : « Apographum tituli petrae sepulcrali hujus eccles(iae) antiquitus insculpti in lapide quidem ipso partim nunc oblitterati sed in acta jujus parochiae pro anno 1720 modo authentico integrum relati. (litterae apice infra pos(it)o distinctae supersunt in inscript(ione) originali [suit le texte de l’inscription] Suivant cette inscription, cette église fut fondée par Alderamne, prêtre, mort l’an 874. Incis(um) operâ J.V.F. sacer(do)tis annon D(omi)ni 1847 ».
[2] CIFM, HSI, n°71.
[3] CIFM, 22resp. 32, p. 72-73, fig. 10 et n°36, p. 77-78, fig. 11.
[4] CIFM, HSI, n°83.
[5] CIFM, 16, n°38, p. 92-93, fig. 55.
[6] CIFM, HSI, n°71.
[7] CIFM, HSI, n°53.
[8] Favreau, Épigraphie médiévale, p. 174.
[9] CIFM, HSI, n°41.
[10] CIFM, HSI, n°9.
[11] Ed. Hénocque A., Histoire de l’abbaye et de la ville de Saint-Riquier. Les saints, les abbés. Le monastère et l'église. La ville et la communeMémoires de la Société des antiquaires de Picardie, t. IX, 1880, p. 258.
[12] CIFM, HSI, n°83.