​ Tours, Marmoutier ​- ​Fragment d'inscription  ​  ​


Tours, Marmoutier ​- ​Fragment d'inscription

Corpus des Inscriptions de la France Médiévale, vol. Hors-série I, nº5 ​  ​


Description générale

Inscription funéraire à caractère tumulaire. 
Dalle funéraire. ​ Pierre, calcaire.  Collection du Musée des Beaux Arts, n° inv. 2004.1-1. Inscription découverte en 1980 par Ch. Lelong dans les fouilles de l’église de Marmoutier ; elle était réemployée comme pierre de seuil pour le tombeau de l’abbé Charles de Bourbon († 1610) situé dans les ruines de la nef, à l’entrée du sanctuaire. Conservée jusqu’en 2003 sur le site de Marmoutier, elle fut présentée en 2004 à l’exposition « Inscriptions carolingiennes » au château de Tours en marge du colloque consacré à Alcuin, avant d’être déposée au Musée Saint-Martin où elle est aujourd’hui exposée. L’inscription a été réalisée dans une pierre calcaire portant une trace de louve que le texte a soigneusement évitée, preuve de sa présence antérieure. L’épitaphe de Dodenus correspond donc au second usage de ce bloc, vraisemblablement d’origine romaine vues ses dimensions monumentales (91 cm de large et 49,5 de haut pour 11 à 16 cm d’épaisseur) et celles de la trace de louve (plus de 10 cm de large). La pierre est entière, mais la partie basse est en mauvais état de conservation et a souffert des coups donnés pour libérer l’inscription de sa gangue de mortier. Elle ne porte ni décor, ni cadre et occupe l’ensemble de la surface de la pierre, mis à part au niveau de la trace de louve. Les lettres, profondément gravées, ne portent pas trace de remplissage de plomb à l’origine.
Datation : 834 [datation interne qui peut correspondre à la paléographie].

Bibliographie

Lecture d’après l’original (vu en 2004).
Archéologie médiévale, 1980, p. 384 [mention] ; Indre-et-Loire, 1982, p. 117 + fig. 77 [photo et trad. partielle] ; Lelong, L'abbaye de Marmoutier, 1989, n°pl. IV-4 [photo] ; Treffort, Mémoires carolingiennes, 2007, p. 149 [dessin] et p. 298 [mention] ; CIFM, 25, 2014, n°110, p. 129-130 [notice abrégée].

Description paléographique

L’écriture est composée de belles capitales romaines antiquisantes, au module très ample, mis à part le D oncial de la date. Malgré l’absence de réglure apparente, le texte est parfaitement préparé. Les mots ne sont pas séparés ; un signe de ponctuation marque la séparation entre la date et la demande de prière. Plusieurs abréviations sont visibles, marquées par un tilde droit (Subdiac(oni) l. 2, venia(m) l. 6, les éléments de datation l. 3 et les nomina sacra : D(omi)ni l. 3, D(e)o l. 5, Chr(ist)e l. 6.), mais on note un seul enclavement (I dans H de hic l. 1) et une seule conjonction (M et A de humatus l. 1).





Édition imitative


1 ​HIC ​IACET ​HVMATVS ​DODENI ​
2 ​SVBDIAC̅ ​CORPVS ​QVI ​OBIT ​
3 ​XIIII ​KL̅ ​IAN̅ ​ANNO ​DN̅I ​
4 ​DCCCXXXV ​· ​OMNIS ​QVESO ​
5 ​LEGENS ​DEVOTA ​MENTE ​D̅M ​
6 ​ROGET ​XP̅E ​DA ​HVIC ​VENI[.]̅ ​

1 ​HIC ​IACET ​HVMATVS ​DODENI ​
2 ​SVBDIAC̅ ​CORPVS ​QVI ​OBIT ​
3 ​XIIII ​KL̅ ​IAN̅ ​ANNO ​DN̅I ​
4 ​CCCXXXV ​· ​OMNIS ​QVESO ​
5 ​LEGENS ​DEVOTA ​MENTE ​D̅M ​
6 ​ROGET ​XP̅E ​DA ​HVIC ​VENI[.]̅ ​

1 ​HIC ​IACET ​HVMATVS ​DODENI ​
2 ​SVBDIAC̅ ​CORPVS ​QVI ​OBIT ​
3 ​XIIII ​KL̅ ​IAN̅ ​ANNO ​DN̅I ​
4 ​CCCXXXV ​· ​OMNIS ​QVESO ​
5 ​LEGENS ​DEVOTA ​MENTE ​D̅M ​
6 ​ROGET ​XP̅E ​DA ​HVIC ​VENI[.]̅ ​

Légende

Violet : caractères allographes.



1 ​HIC ​IACET ​HVMATVS ​DODENI ​
2 ​SVBDIAC̅ ​CORPVS ​QVI ​OBIT ​
3 ​XIIII ​KL̅ ​IAN̅ ​ANNO ​DN̅I ​
4 ​CCCXXXV ​· ​OMNIS ​QVESO ​
5 ​LEGENS ​DEVOTA ​MENTE ​D̅M ​
6 ​ROGET ​XP̅E ​DA ​HVIC ​VENI[.]̅ ​

Légende

Bleu : mot abrégé.
Violet : signe d'abréviation.



1 ​HIC ​IACET ​HVMATVS ​DODENI ​
2 ​SVBDIAC̅ ​CORPVS ​QVI ​OBIT ​
3 ​XIIII ​KL̅ ​IAN̅ ​ANNO ​DN̅I ​
4 ​CCCXXXV ​· ​OMNIS ​QVESO ​
5 ​LEGENS ​DEVOTA ​MENTE ​D̅M ​
6 ​ROGET ​XP̅E ​DA ​HVIC ​VENI[.]̅ ​

Légende

Bleu : enclavement.
Orange : conjonction.
Violet : entrelacement.



1 ​HICIACETHVMATVSDODENI
2 ​SVBDIAC̅CORPVSQVIOBIT
3 ​XIIIIKL̅IAN̅ANNODN̅I ​ ​ ​ ​
4 ​CCCXXXV·OMNISQVESO
5 ​LEGENSDEVOTAMENTED̅M
6 ​ROGETXP̅EDAHVICVENI[.]̅

Légende

Représentation des espaces entre les lettres tels qu'ils sont dans l'inscription.
Violet : signalement des figures qui s'interposent avec le texte.



Édition normalisée

Hic jacet humatus Dodeni subdiac(oni) corpus qui obit XIIII k(a)l(endas) jan(uarii) anno D(omi)ni DCCCXXXV ; omnis queso legens devota mente D(eu)m roget Chr(ist)e da huic veni[a](m).

Traduction

Ici gît, inhumé, le corps de Dodenus, sous-diacre, qui mourut le quatorze des calendes de janvier [19 décembre], l’an de l’incarnation 835. Je prie toute personne qui lira ceci de demander d’un esprit plein de dévotion : Christ, donne-lui le pardon.

Commentaire

Le texte est court mais assez recherché sans toutefois être métrique. La langue utilisée est un latin réformé. Les formules utilisées rappellent les vers de certaines épitaphes littéraires du temps : le Hic jacet humatus... fait écho au Hoc jacet humatus… de l’épitaphe d’Ardo, du IXe siècle[1] ou au Hic jacet… humatus… de celle de Tutinus, rédigée par Raban Maur vers le milieu du même siècle[2], même si, par ailleurs, on ne le trouve pas sous cette forme dans les inscriptions lapidaires françaises avant la fin du XIe siècle. Devota mente est mentionné dans divers carmina[3]. Quant à la prière d’intercession, elle rappelle une expression biblique (Ecclésiastique, 3, 15 : veniam da) et surtout la liturgie contemporaine ; on la trouve dans des inscriptions antérieures[4] ainsi que, sans décalque servile toutefois, dans celle d’Alcuin, mort à Tours en 804 : Dic Da veniam Christe tuo famulo[5].

La date de l’épitaphe est portée par le texte lui-même : l’an de l’incarnation 835, ce qui concorde parfaitement avec l’analyse paléographique (comparaison avec l’inscription d’Adalberge, sensiblement contemporaine). Dodenus est mort le 14 des calendes de janvier 835, soit le 19 décembre de l’année précédente : 834. Dodenus, sous-diacre de Marmoutiers n’est connu que par cette inscription ; ce nom, peu courant[6], ne se retrouve malheureusement pas dans le reste de la documentation tourangelle de l’époque.




[1] MGH, Poet. Lat., IV, p. 140.
[2] MGH, Poet. Lat., II, p. 243.
[3] Schumann O., Lateinisches Hexameter Lexikon. Dichterisches Formelgut von Ennius bis zum Archipoeta , Munich, 1979, vol. 2, p. 50-51, on trouve des exemples chez Eugène de Tolède ou Alcuin par exemple.
[4] Bücheler F., Carmina latina epigraphica , Amsterdam, 1964, t. II, p. 432 n°935, ligne 15.
[5] MGH, Poet. Lat., I, p. 350.
[6] Morlet, Les noms de personne, 1972, t. I, p. 73 a.