​ Tours, Saint-Martin ​- ​Inscription funéraire pour Bodo [ou Bodolaicus]  ​  ​


Tours, Saint-Martin ​- ​Inscription funéraire pour Bodo [ou Bodolaicus]

Corpus des Inscriptions de la France Médiévale, vol. Hors-série I, nº10 ​  ​


Description générale

Inscription funéraire à caractère tumulaire. 
Dalle funéraire. ​ Pierre, calcaire.  Cette inscription fut découverte en 1822 lors de la démolition d’une des portes du cloître de Saint-Martin. Son texte a été recopié par Chalmel, qui considère la tombe encore en place, opinion que ne suit pas Mgr C. Chevalier, qui la pense réemployée comme toutes les autres trouvées lors des travaux de Saint-Martin. Elle semble avoir disparu au moins depuis la fin du XIXe siècle. Aucune description précise ni représentation graphique de la pierre ne nous est parvenue. Chalmel précise seulement qu’elle présentait les mêmes caractères que celle d’Adalberga. On peut en déduire qu’il s’agissait vraisemblablement d’une pierre calcaire avec incrustation de plomb dans les lettres, sans plus de précision.
Datation : 852 [datation interne].

Bibliographie

Lecture restituée à partir de la copie fournie par Chalmel.
Tours, Bibliothèque municipale, ms. 1296 (Chalmel, Histoire et antiquités de Saint-Martin1807), p. 242 [texte].Chevalier, « Les fouilles de Saint-Martin », 1988, p. 97 [texte d’après le précédent] ; Gasnaud, « Le tombeau de saint Martin », 1961, p. 52-53 [texte] ; Vieillard-Troiekouroff, « Les sculptures et objets préromans », 1962, p. 113 [texte, étude] ; Treffort, « Alcuin, rédacteur d’inscriptions », 2004, p. 14 [texte] ; Treffort, Mémoires carolingiennes, 2007, p. 200 [texte partiel] ; CIFM, 25, 2014, n°115, p. 134-135 [notice abrégée].

Description paléographique

Les remarques paléographiques sont limitées du fait de la disparition de la pierre. Relevée par Chalmel, la similitude des caractères avec l’épitaphe d’Adalberga invite à penser que l’inscription de Bodo était en capitales romaines. L’inscription commençait par une croix.


Édition imitative



1 ​✝HIC ​REQVIESCIT ​BONE ​ME
2 ​MORIE ​BODO ​LAICVS ​O ​[1]CVI
3 ​VS ​ANIMA ​CREDIMVS ​[.] ​PIVM ​
4 ​[.]ES ​AELVMOSINE ​ET ​P ​AMOR ​
5 ​EM ​SCI ​MARTINI ​IN ​REQVIEM ​
6 ​ESSE ​OBIIT ​IN ​PACE ​OCTAVO ​
7 ​KL ​SETB ​S ​[2]XII ​REG ​CARLO ​


1 ​✝HIC ​REQVIESCIT ​BONE ​ME
2 ​MORIE ​BODO ​LAICVS ​O ​[1]CVI
3 ​VS ​ANIMA ​CREDIMVS ​[.] ​PIVM ​
4 ​[.]ES ​AELVMOSINE ​ET ​P ​AMOR ​
5 ​EM ​SCI ​MARTINI ​IN ​REQVIEM ​
6 ​ESSE ​OBIIT ​IN ​PACE ​OCTAVO ​
7 ​KL ​SETB ​S ​[2]XII ​REG ​CARLO ​


1 ​HIC ​REQVIESCIT ​BONE ​ME
2 ​MORIE ​BODO ​LAICVS ​O ​[1]CVI
3 ​VS ​ANIMA ​CREDIMVS ​[.] ​PIVM ​
4 ​[.]ES ​AELVMOSINE ​ET ​P ​AMOR ​
5 ​EM ​SCI ​MARTINI ​IN ​REQVIEM ​
6 ​ESSE ​OBIIT ​IN ​PACE ​OCTAVO ​
7 ​KL ​SETB ​S ​[2]XII ​REG ​CARLO ​

Légende

Violet : caractères allographes.




1 ​✝HIC ​REQVIESCIT ​BONE ​ME
2 ​MORIE ​BODO ​LAICVS ​O ​[1]CVI
3 ​VS ​ANIMA ​CREDIMVS ​[.] ​PIVM ​
4 ​[.]ES ​AELVMOSINE ​ET ​P ​AMOR ​
5 ​EM ​SCI ​MARTINI ​IN ​REQVIEM ​
6 ​ESSE ​OBIIT ​IN ​PACE ​OCTAVO ​
7 ​KL ​SETB ​S ​[2]XII ​REG ​CARLO ​

Légende

Bleu : mot abrégé.
Violet : signe d'abréviation.




1 ​✝HIC ​REQVIESCIT ​BONE ​ME
2 ​MORIE ​BODO ​LAICVS ​O ​[1]CVI
3 ​VS ​ANIMA ​CREDIMVS ​[.] ​PIVM ​
4 ​[.]ES ​AELVMOSINE ​ET ​P ​AMOR ​
5 ​EM ​SCI ​MARTINI ​IN ​REQVIEM ​
6 ​ESSE ​OBIIT ​IN ​PACE ​OCTAVO ​
7 ​KL ​SETB ​S ​[2]XII ​REG ​CARLO ​

Légende

Bleu : enclavement.
Orange : conjonction.
Violet : entrelacement.




1 ​✝HICREQVIESCITBONEME
2 ​MORIEBODOLAICVSO[1]CVI
3 ​VSANIMACREDIMVS[.]PIVM
4 ​[.]ESAELVMOSINEETPAMOR
5 ​EMSCIMARTINIINREQVIEM
6 ​ESSEOBIITINPACEOCTAVO
7 ​KLSETBS[2]XIIREGCARLO

Légende

Représentation des espaces entre les lettres tels qu'ils sont dans l'inscription.
Violet : signalement des figures qui s'interposent avec le texte.



Édition normalisée

Hic requiescit bone memorie Bodo, laicus o[1] cujus anima credimus [p(er)] pium [a]es aelumosine et p(er) amor em s(an)c(t)i Martini in requiem esse ; obiit in pace octavo k(a)l(endas) se(p)t(em)b(ris) s[2] XII reg(nante) Carlo.

Traduction

Ici repose Bodo, laïc de bonne mémoire, dont nous croyons que l’âme est en repos grâce aux pieuses largesses des aumônes et à l’amour de saint Martin. Il est mort en paix le huit des calendes de septembre [25 août], la douzième année du règne de Charles.

Commentaire

Lecture de Chalmel : cette transcription semble fautive, à moins que ce ne soit le texte. Cependant, si l’on compare avec le reste de la production tourangelle de l’époque, cette dernière hypothèse est peu vraisemblable. On peut plutôt penser que Chalmel a éprouvé des difficultés à transcrire un texte altéré par les vicissitudes du temps.


1 ​✝ HIC REQVIESCIT BONE ME
2 ​MORIE BODOLAICVS O CVI
3 ​US ANIMĀ CREDIMVS PIVM
4 ​ES AELVMOSINE ET P. AMOR
5 ​EM SCI MARTINI IN REQVIEM
6 ​ESSE OBIIT IN PACE OCTAVO
7 ​KL SETB. ANNO S. XII REG. CARLo.


La forme est recherchée, et si on laisse de côté les erreurs de lecture signalées plus haut, la structure latine semble tout à fait correcte. Si la formule hic requiescit bone memorie est relativement courante à cette période, la suite est plus originale, et sans équivalent épigraphique ou liturgique reconnu.

Les auteurs, suivant la transcription de Chalmel, ont donné au défunt le nom de Bodolaicus. Cependant, on peut supposer que l’inscription ne marquait pas de séparation entre les mots, même s’il n’est pas exclu que – laicus, dérivé du goth laiks, soit utilisé ici comme suffixe (exemple de Vulfolaicus, cité par M.-Th. Morlet[3]), à l’instar du suffixe –laicis utilisé pour les femmes (Adalaicis, par exemple[4]). Le nom de Bodo est cependant beaucoup plus courant, hypocoristique dérivé de la racine Bod-[5], qu’on retrouve dans Botmerus[6]. On pourrait alors séparer Bodo de laicus, simple qualificatif accolé au nom propre, comme on le voit à Angers pour une autre inscription, malheureusement anonyme[7]. Aucune information complémentaire ne vient nous renseigner sur les origines ou la fonction de ce pieux laïc.

La date est donnée par l’inscription elle-même : la douzième année du roi Charles. S’il s’agissait de Charlemagne, la 12e année de son règne correspondait à 780, date qui ne correspond guère à la graphie décrite par Chalmel. Si l’on admet la similitude de l’écriture avec l’épitaphe d’Adalberga qui invite à placer l’inscription de Bodo au IXe siècle, il pourrait s’agir plutôt de Charles le Chauve. Si l’on considère la pratique diplomatique contemporaine, ses années de règne sont comptées à partir du 21 juin 840[8] ; le décès de Bodo peut donc dater du 25 août 852.




[1] Ce O provient soit d’une ponctuation mal comprise (mais les textes tourangeaux ne sont pas ponctués à cette période), soit d’un O ou d’un qui commencé par erreur par un lapicide habitué aux formules O vos qui legitis… ou qui obiit…, fréquentes dans la région, soit encore, plus simplement, d’un accident de la pierre pris pour une lettre.
[2] Ce S n’a aucun sens dans une formule de datation ; il peut provenir de la contamination d’une formule du type vixit annos…, ou avoir été suggéré au transcripteur par un accident de la pierre.
[3] Morlet, Les noms de personne, 1972, t. I, p. 230.
[4] Ibid., p. 14.
[5] Ibid., p. 59-60.
[6] CIFM, HSI, n°20.
[7] CIFM, HSI, n°47.
[8] Giry A., Manuel de diplomatique : diplômes et chartes, chronologie technique, éléments critiques et parties constitutives de la teneur des chartes, les chancelleries, les actes privés , Paris, 1894, p. 720.