​ Tours, Saint-Martin ​- ​Inscription funéraire pour un diacre  ​  ​


Tours, Saint-Martin ​- ​Inscription funéraire pour un diacre

Corpus des Inscriptions de la France Médiévale, vol. Hors-série I, nº14 ​  ​


Description générale

Inscription funéraire à caractère tumulaire. 
Dalle funéraire. ​ Pierre, calcaire.  Collection du Musée des Beaux-Arts, n° inv. 2004.1.3. Classée MH (AOA) le 24/07/1963, PM 370000764. En 2002, l’inscription était conservée dans les collections de l’ex-Musée martinien, situé dans la chapelle Saint-Grégoire, annexe de la crypte située sous la basilique moderne de Saint-Martin ; elle fait partie des collections du Musée Saint-Martin de Tours depuis 2004. Des cinq morceaux trouvés « dans le massif du podium du côté de la rue Saint-Martin » par Mgr C. Chevalier, n’en restent plus que quatre. L’inscription est sculptée profondément dans un calcaire portant des traces du feu qui a fait fondre le plomb incrusté dans les lettres. Les quatre morceaux concordent et forment la partie gauche de l’inscription ; la partie conservée mesure environ, dans son ensemble, 61 cm de large sur 50 cm de haut, pour une épaisseur de 12 cm. L’ampleur du bloc et la taille importante des lettres laissent supposer qu’on avait à l’origine une inscription de taille bien supérieure, avoisinant voire dépassant celle de l’épitaphe d’Adalberga, dont la hauteur est moindre. Pour respecter les proportions habituelles des inscriptions rectangulaires, il faut imaginer une partie manquante aussi longue, voire plus, que la partie conservée, ce qui, bien évidemment, est d’une importance fondamentale pour la restitution du texte.
Datation : 814-840 [datation par identification du roi cité dans la formule de datation, confortée par l’analyse paléographique].

Bibliographie

Texte d’après l’original (vérifié en 2015).
Chevalier, « Les fouilles de Saint-Martin », 1888, p. 96-97 [texte] ; Vieillard-Troiekouroff, « Les sculptures et objets préromans », 1962, p. 112 [texte], fig. 34 [photo] ; Treffort, Mémoires carolingiennes, 2007, p. 347 [mention] ; CIFM, 25, 2014, n°119, p. 136-137 [notice abrégée].

Description paléographique

Le texte est parfaitement réglé, même si on ne voit plus aucun trait de préparation. Le module des lettres, d’une hauteur de 6 cm, est très régulier et très ample ; les capitales romaines sont très bien formées, leur trait étant alourdi par la gravure épaisse destinée à l’incrustation de plomb. L’inscription commence par une croix. Les mots ne sont pas séparés, mais on observe une ponctuation (formée de trois points superposés) après le nom du défunt. Aucune abréviation n’est visible dans la partie conservée, mais on peut noter quelques enclavements[1] et une conjonction[2].





Édition imitative


1 ​✝HIC ​REQVIE[--- ​
2 ​DI ​⁝ ​DIACONI ​CV[--- ​
3 ​REATV[.] ​HABE[..] ​
4 ​ ​OBIIT ​ ​[---] ​ ​AC[--- ​
5 ​HLVDOV[.]CO ​ ​RE ​[---

1 ​✝HIC ​REQVIE[--- ​
2 ​DI ​⁝ ​DIACONI ​CV[--- ​
3 ​REATV[.] ​HABE[..] ​
4 ​ ​OBIIT ​ ​[---] ​ ​AC[--- ​
5 ​HLVDOV[.]CO ​ ​RE ​[---

1 ​HIC ​REQVIE[--- ​
2 ​DI ​⁝ ​DIACONI ​CV[--- ​
3 ​REATV[.] ​HABE[..] ​
4 ​ ​OBIIT ​ ​[---] ​ ​AC[--- ​
5 ​HLVDOV[.]CO ​ ​RE ​[---

Légende

Violet : caractères allographes.



1 ​✝HIC ​REQVIE[--- ​
2 ​DI ​⁝ ​DIACONI ​CV[--- ​
3 ​REATV[.] ​HABE[..] ​
4 ​ ​OBIIT ​ ​[---] ​ ​AC[--- ​
5 ​HLVDOV[.]CO ​ ​RE ​[---

Légende

Bleu : mot abrégé.
Violet : signe d'abréviation.



1 ​✝HIC ​REQVIE[--- ​
2 ​DI ​⁝ ​DIACONI ​CV[--- ​
3 ​REATV[.] ​HABE[..] ​
4 ​ ​OBIIT ​ ​[---] ​ ​AC[--- ​
5 ​H LV DOV[.]CO ​ ​RE ​[---

Légende

Bleu : enclavement.
Orange : conjonction.
Violet : entrelacement.



1 ​✝HICREQVIE[---
2 ​DIDIACONICV[---
3 ​REATV[.]HABE[..]
4 ​OBIIT[---]AC[---
5 ​HLVDOV[.]CORE[---

Légende

Représentation des espaces entre les lettres tels qu'ils sont dans l'inscription.
Violet : signalement des figures qui s'interposent avec le texte.



Édition normalisée

Hic requie[scunt membra - - - (début du nom)] di diaconi cu[jus anima requiem me]reatu[r] habe[re.- - - (jour et mois)]  ​obiit [in p]ac[e anno Domini incarnationis - - -(800 + décimales)] Hludov[i]co re [---].

Traduction

Proposition de traduction d'après la restitution : Ici repose le corps de…, diacre dont l’âme mérite d’avoir le repos. Il est mort en paix le… l’an de l’incarnation du Seigneur…, sous le règne de Louis.

Commentaire

Par comparaison avec d’autres inscriptions contemporaines, notamment celle d’Adalberga, on peut proposer, dans l’édition critique, la restitution suivante : ✝ Hic requie[scunt membra - - - (début du nom)]di diaconi cu[jus anima requiem me]reatu[r] habe[re. - - - (jour et mois)] obiit [in p]ac[e anno Domini incarnationis --- (800 + décimales)] Hludov[i]co re[gnante].

Si la proposition de restitution proposée est bonne, ce texte n’est pas d’une très grande qualité littéraire. Ni versifié, ni même marqué par une recherche poétique quelconque, il se présente en revanche en latin réformé. La restitution met en lumière l’importance de l’usage de formules stéréotypées, y compris dans un grand centre de culture comme Saint-Martin de Tours. La formule cujus anima requiem mereatur habere est inspirée de la liturgie funéraire sans en être directement extraite. Elle peut se retrouver sous forme d’incipit en d’autres lieux pour la même période[3].

Les capitales romaines très amples sont proches de celles utilisées dans l’inscription d’Adalberga dont la technique d’exécution (lettres incrustées de plomb) est identique. On a le choix entre plusieurs Louis, le premier, dit le Pieux, roi d’Aquitaine depuis 778 et qui régna comme empereur de 814 à 840 ; le suivant appelé Louis, dit le Bègue, a régné entre 877 et 878, ce qui s’accorde mal avec la paléographie ; dans le dernier quart du IXe siècle en effet, on aurait au moins quelques lettres carrées et des modules plus allongés. Le roi Louis mentionné à la dernière ligne ne peut donc guère être que Louis le Pieux[4], ce qui permet de placer l’inscription sous son règne. On ne connaît pas le nom de ce diacre et, dans l’ignorance du jour précis de sa mort, on ne doit guère cultiver l’espoir de le retrouver un jour dans un document quelconque. Le commentaire historique est donc nécessairement réduit. Il convient toutefois ici de préciser que l’interprétation proposée par Mgr C. Chevalier et reprise par M. Vieillard-Troiekouroff de voir en ce diacre un personnage chargé de la diaconie et d’une probité louée par l’inscription ne reposait que sur une restitution fautive du texte[5], et qu’elle ne saurait désormais être retenue.




[1] I dans D de …]di et O dans D de diaconi l. 1., O dans D et O dans C de Hludovico l. 5.
[2] HL de Hludovico l. 5.
[3] Inscription de Teucinna à Arles : cf. CIFM, 14, n°42 AM, p. 78-79.
[4] La mention impériale n’apparaît pas dans la partie conservée, où on ne lit que re-, restitué en re[gnante] ; il est toutefois improbable de devoir le développer en re[ge], Tours n’étant pas intégré dans le royaume d’Aquitaine dont Louis fut roi de 778 à 814. La mention Hludovico était peut-être précédée, à l’origine, de imp[eratore].
[5] Diaconicu(m) au lieu de diaconi cu(ius) et (nullum) reatu(m) au lieu de (me)reatu(r).