​ Tours ​- ​Inscription funéraire pour Botmerus  ​  ​


Tours ​- ​Inscription funéraire pour Botmerus

Corpus des Inscriptions de la France Médiévale, vol. Hors-série I, nº17 ​  ​


Description générale

Inscription funéraire à caractère tumulaire. 
Cette inscription semble avoir disparu ; elle fut découverte lors de la démolition et du déblaiement d’une partie de l’ancienne muraille gallo-romaine (angle nord-est, à la limite entre Tours et Saint-Pierre-des-Corps). Un estampage fut présenté quelques temps après, en 1885, par L. Palustre à la Société archéologique de Touraine qui, malheureusement, ne semble pas l’avoir conservé dans ses archives[1] ; en 1888, Mgr C. Chevalier la dit encastrée dans les murs de la faïencerie Durand. On ignore où elle se trouve aujourd’hui. Selon Mgr C. Chevalier encore, elle provenait vraisemblablement de l’église Saint-Libert. En raison de la disparition du relevé, il est difficile de se faire une idée de l’aspect matériel initial de l’inscription. On sait seulement qu’elle avait été retaillée pour être réemployée, d’où la mutilation, légère toutefois, du texte.
Datation : IXe siècle [datation paléographique].

Bibliographie

Transcription : lecture de L. Palustre en 1885.
Palustre, « Estampage Saint-Pierre-des-Corps », 1883-1885, p. 318-319 [texte] ; Chevalier, « Les fouilles de Saint-Martin », 1888, p. 99 [texte d’après le précédent] ; Vieillard-Troiekouroff, « Les sculptures et objets préromans », 1962, p. 116, note 5 [texte d’après Palustre] ; Treffort, Mémoires carolingiennes, 2007, p. 347 [mention] ; CIFM, 25, 2014, n°122, p. 138 [notice abrégée].

Description paléographique

Les remarques paléographiques sont impossibles, en l’absence de tout relevé. La publication de L. Palustre signale seulement que le texte utilise des abréviations (voir dans l’édition critique, avec les notes). L’inscription commençait par une croix.


Édition imitative



1 ​[...]VLVS ​BOTMERI ​PRB[.] ​[2]
2 ​---]NS ​VT ​ORETIS ​P ​EI ​[3]ANI
3 ​---] ​ ​MEREAT ​ABERE ​[4]PER ​
4 ​---]TV ​ONORIS ​[5]PPETVA ​PAC[.] ​[6]
5 ​---] ​VIII ​IDVS ​OCTOBRIS ​


1 ​[...]VLVS ​BOTMERI ​PRB[.] ​[2]
2 ​---]NS ​VT ​ORETIS ​P ​EI ​[3]ANI
3 ​---] ​ ​MEREAT ​ABERE ​[4]PER ​
4 ​---]TV ​ONORIS ​[5]PPETVA ​PAC[.] ​[6]
5 ​---] ​VIII ​IDVS ​OCTOBRIS ​


1 ​[...]VLVS ​BOTMERI ​PRB[.] ​[2]
2 ​---]NS ​VT ​ORETIS ​P ​EI ​[3]ANI
3 ​---] ​ ​MEREAT ​ABERE ​[4]PER ​
4 ​---]TV ​ONORIS ​[5]PPETVA ​PAC[.] ​[6]
5 ​---] ​VIII ​IDVS ​OCTOBRIS ​

Légende

Violet : caractères allographes.




1 ​[...]VLVS ​BOTMERI ​PRB[.] ​[2]
2 ​---]NS ​VT ​ORETIS ​P ​EI ​[3]ANI
3 ​---] ​ ​MEREAT ​ABERE ​[4]PER ​
4 ​---]TV ​ONORIS ​[5]PPETVA ​PAC[.] ​[6]
5 ​---] ​VIII ​IDVS ​OCTOBRIS ​

Légende

Bleu : mot abrégé.
Violet : signe d'abréviation.




1 ​[...]VLVS ​BOTMERI ​PRB[.] ​[2]
2 ​---]NS ​VT ​ORETIS ​P ​EI ​[3]ANI
3 ​---] ​ ​MEREAT ​ABERE ​[4]PER ​
4 ​---]TV ​ONORIS ​[5]PPETVA ​PAC[.] ​[6]
5 ​---] ​VIII ​IDVS ​OCTOBRIS ​

Légende

Bleu : enclavement.
Orange : conjonction.
Violet : entrelacement.




1 ​[...]VLVSBOTMERIPRB[.][2]
2 ​---]NSVTORETISPEI[3]ANI
3 ​---]MEREATABERE[4]PER
4 ​---]TVONORIS[5]PPETVAPAC[.][6]
5 ​---]VIIIIDVSOCTOBRIS

Légende

Représentation des espaces entre les lettres tels qu'ils sont dans l'inscription.
Violet : signalement des figures qui s'interposent avec le texte.



Édition normalisée

[Tum]ulus (ou) [tit]ulus Botmeri pr(es)b[(iteri)[2] roga]ns ut oretis p(ro) ej(us)[3] ani[ma ut] mereat(ur) abere[4] per [fruc]tu(m) onoris[5] p(er)petua(m) pac[e(m)[6]. Obiit] VIII idus octobris.

Traduction

Tombeau ou Inscription de Botmerus, prêtre, vous demandant de prier pour son âme afin qu’il mérite d’avoir, grâce aux fruits de [sa] charge (honor), la paix éternelle. Il est mort le huit des ides d’octobre [8 octobre].

Commentaire

Lecture de L. Palustre (donnée sans modification) :


1 ​(+ Tit)VLVS BOTMERI PRE(sbyteri)
2 ​(roga)NS VT ORETIS P(ro) E(ius) ANI
3 ​(ma ut) MEREAT (h)ABERE PER
4 ​(fruc)TV(m h)ONORIS P(er)PETUA(m) PAC(em)
5 ​(obiit) VIII IDVS OCTOBRIS.


Si la lecture globale semble satisfaisante, on peut toutefois déplorer que les restitutions soient notées de la même manière que les développements d’abréviations ; en outre, l’éditeur semble avoir ajouté des lettres (notamment les H de habere et honoris) pour conformer le texte au latin classique, ce qu’on ne peut maintenir.

La conception de cette inscription est tout à fait originale. La première proposition manque d’un verbe principal : on attendrait par exemple : Hic est tumulus (ou titulus) Botmeri, ce qui manifestement est trop long pour convenir. Le terme de tumulus se trouve dans les inscriptions contemporaines, mais toujours intégré dans des formules du type Continet hic tumulus[7] ou Hic colligit tumulus[8]. Le terme de titulus s’applique aux inscriptions, mais également aux titres précédant divers textes, en particulier poétiques, dans les manuscrits. On peut se demander si cette pierre ne jouait pas ce rôle pour un texte versifié qui lui aurait été associé, gravé sur une autre pierre, comme on le trouve parfois inscrit sur le parchemin. Cela expliquerait la forme inhabituelle du début, Titulus Botmeri, et la construction de la phrase qui manque d’un verbe dans la proposition principale. On doit signaler l’existence à Angers, de l’épitaphe d’Ermenberga qui commence par le terme Epitaphion utilisé seul avant la courte mention signalant l’inhumation de la défunte[9].

L’inscription ne porte pas de date, hormis celle du jour du décès. On doit rapporter ici la seule indication chronologique, due à L. Palustre : « Les abréviations de même que la forme de certaines lettres démontrent clairement qu’il faut reculer la date de cette épitaphe, tout au plus à la fin du VIIIe ou au commencement du IXe siècle ». On ne peut que regretter le manque de précision de ces arguments paléographiques ; en outre, on ne comprend pas bien si la date proposée est un terminus ad ou ante quem. Cependant, cette pierre, découverte dans les travaux de démolition de l’enceinte du Bas Empire, avait primitivement été attribuée par M. de Grandmaison à l’Antiquité, ce qui aurait été impossible dans le cas d’une écriture aux caractéristiques mérovingiennes (barres descendantes ou montantes, s’ancrant en retrait du trait vertical) ou dans celui de l’écriture très anguleuse caractéristique de la fin du VIIIe siècle (comme on le voit à Poitiers ou Angers, par exemple). L’inscription était tenue pour antique vraisemblablement parce qu’elle était écrite en capitales romaines relativement classiques, ce qui inciterait à la dater, sans plus de précisions, du IXe siècle.

Ce Botmerus ne semble pas connu dans la documentation régionale conservée. Son nom est formé à partir de la racine Bodo-, dérivée en Bot- (d’autres cas sont attestés dans la documentation contemporaine[10]), qui évoque le Bodo laicus dont l’épitaphe a été découverté à Saint-Martin[11]. L’épitaphe a été réemployée dans un édifice qui ne peut être, de fait, la muraille antique, mais pourrait être une réfection médiévale de cette même enceinte.




[1] Selon M. Vieillard-Troiekouroff, le relevé portait la cote Fonds Palustre, n° 4006 (non retrouvé par elle non plus).
[2] Si la dernière lettre lue par L. Palustre était mutilée par la cassure de la pierre, il pourrait s’agir d’un B et non d’un E ; on aurait alors l’abréviation plus habituelle PRBRI pour pr(es)b(ite)ri.
[3] Si le I était écrit en plus petit sous la petite virgule d’abréviation de -us et si, usé, il a échappé à la lecture, on aurait l’abréviation plus habituelle de ei(us).
[4] Il n’y a aucune raison pour restituer là l’existence d’un H ; dans l’épitaphe d’Adalberga, par ailleurs fort belle, abere s’écrit sans H.
[5] La disparition du H au début de honoris peut relever du même phénomène que dans la note précédente.
[6] Il serait étonnant de voir pacem abrégé en pac(em), ce qui n’arrive jamais ; la mutilation du mot provient sans doute de la cassure de la pierre, et il faut plus sûrement restituer pace(m).
[7] Dans l’épitaphe de Teobaldus à Cavaillon (CIFM, 13, p. 156-157) ou de Wifredus à Saint-Victor de Marseille (CIFM, 14, p. 97-99) et dans celle de l’empereur Lothaire rédigée par Raban Maur (MGH, Poet. lat., II, p. 241).
[8] À Oviedo, sur les tombes de la reine Elvira et de l’infant Ramirus. Voir en dernier lieu Diego Santos Fr., Inscripciones medievales de Asturias , Oviedo, 1994, n°36 et 37, p. 70-71.
[9] CIFM, HSI, n°39.
[10] Morlet, Les noms de personne, 1972, t. I, p. 59.
[11] CIFM, HSI, n°13.