​ Angers, collégiale Saint-Martin ​- ​Inscription funéraire pour Autbertus  ​  ​


Angers, collégiale Saint-Martin ​- ​Inscription funéraire pour Autbertus

Corpus des Inscriptions de la France Médiévale, vol. Hors-série I, nº24 ​  ​


Description générale

Inscription funéraire à caractère tumulaire. 
Dalle funéraire. ​ Pierre, ardoise.  Cette inscription, découverte en place dans les fouilles de la collégiale Saint-Martin à Angers (sarcophage US 2629, dans le vaisseau central de la nef), y est aujourd’hui exposée contre le mur sud de l’absidiole nord, près de la porte donnant accès au chœur (n° d’inventaire : L. 011). Cette inscription est gravée sur ardoise. La dalle est en grande partie conservée, mais le bas est fragmenté (feuillures d’ardoise qui se délitent). Son décor réside essentiellement en une réglure horizontale et un cadre simple autour d’un texte calligraphié. Les dimensions de la dalle sont les suivantes : H = 126 cm ; l = 52 cm ; ép. = 4,5 cm. Le texte est inscrit dans un cadre de 36 x 49 cm, sur la face supérieure de la dalle. Une réglure simple est très apparente ; légèrement irrégulière, elle semble suivre la surface de la pierre préparée de manière sommaire. La partie inscrite, encadrée par un trait simple similaire à celui qui souligne les réglures, occupe la moitié inférieure de la dalle dont la partie supérieure porte un lacis de graffitis très finement incisés. L’inscription elle-même, en partie basse, a également reçu quelques graffitis complémentaires[3]. Inscription complète ; état de conservation : bon.
Datation : 784 [datation interne partielle appuyée par la paléographie].

Bibliographie

Texte établi d’après l’original vu en place en janvier 2008.
Pringent, Hunot, La mort en Anjou, 1996, p. 35 [mention ; dessin sans les graffitis] ; Debiais, Favreau, Treffort, « L’évolution de l’écriture », 2007, p. 109 [photo] ; Koch, Inschriftenpaläographie, 2007, p. 60, ill. 28 [photo] ; Treffort, Mémoires carolingiennes, 2007, p. 145 [dessin], p. 314 [mention, bibliographie] ; Une société de pierre, 2009, p. 18 [photo] ; Treffort, « Le dossier épigraphique de Vouneuil », 2009, p. 107 [dessin] ; Treffort, « Un témoin de la vie politique Ato », 2010, n°14 [texte] ; CIFM, 24, 2010, n°78, p. 99-100 [notice abrégée].

Description paléographique

Les lettres se caractérisent par des empattements très marqués, proches parfois d’extrémités fourchues, des hastes verticales qui dépassent les barres horizontales ou les panses des lettres, des formes anguleuses (les C et G sont systématiquement carrés, les O en losange). L’inscription commence par une croix. Les lettres mesurent environ 5,2 cm. À plusieurs endroits, sont conservées des traces de la préparation des lettres elles-mêmes (lettres d’attente). Le module des lettres est relativement régulier. Les mots sont parfois séparés par un léger espace. Même si elle est irrégulière, la ponctuation, marquée par 3 ou 4 points superposés, semble toutefois assez logique : elle isole le nom, encadre les chiffres et sépare certains groupes de mots cohérents. La calligraphie ne repose ici ni sur des enclavements ou des conjonctions, qui restent relativement rares[1] ni sur les abréviations qui ne concernent que la date[2]. L’originalité de la forme des lettres et la recherche qui préside à l’ensemble de la réalisation peuvent être considérées comme une véritable ornementation.





Édition imitative


1 ​✝HIC ​REQVIESCIT ​
2 ​BONA ​MEMO
3 ​RIE ​⁞ ​AVTBERTVS ​
4 ​IN ​ANNVM ​⁝ ​XVI ​
5 ​REGNANTE ​⁞ ​CAROLO ​
6 ​REGE ​⁝ ​X ​⁞ ​KL̅D ​
7 ​IAN̅V ​⁝ ​SI[---] ​BIIT ​⁝ ​IN ​
8 ​[...]E ​⁝ ​A[...] ​

1 ​✝HI ​REQVIESIT ​
2 ​BONA ​MEMO
3 ​RIE ​⁞ ​AVTBERTVS ​
4 ​IN ​ANNVM ​⁝ ​XVI ​
5 ​REGNANTE ​⁞ ​AROLO ​
6 ​REGE ​⁝ ​X ​⁞ ​KL̅D ​
7 ​IAN̅V ​⁝ ​SI[---] ​BIIT ​⁝ ​IN ​
8 ​[...]E ​⁝ ​A[...] ​

1 ​HI ​REQVIESIT ​
2 ​BONA ​MEMO
3 ​RIE ​⁞ ​AVTBERTVS ​
4 ​IN ​ANNVM ​⁝ ​XVI ​
5 ​REGNANTE ​⁞ ​AROLO ​
6 ​REGE ​⁝ ​X ​⁞ ​KL̅D ​
7 ​IAN̅V ​⁝ ​SI[---] ​BIIT ​⁝ ​IN ​
8 ​[...]E ​⁝ ​A[...] ​

Légende

Violet : caractères allographes.



1 ​✝HI ​REQVIESIT ​
2 ​BONA ​MEMO
3 ​RIE ​⁞ ​AVTBERTVS ​
4 ​IN ​ANNVM ​⁝ ​XVI ​
5 ​REGNANTE ​⁞ ​AROLO ​
6 ​REGE ​⁝ ​X ​⁞ ​KL̅D ​
7 ​IAN̅V ​⁝ ​SI[---] ​BIIT ​⁝ ​IN ​
8 ​[...]E ​⁝ ​A[...] ​

Légende

Bleu : mot abrégé.
Violet : signe d'abréviation.



1 ​✝HI ​REQVIESIT ​
2 ​BONA ​MEMO
3 ​RIE ​⁞ ​AVTBERTVS ​
4 ​IN ​ANNVM ​⁝ ​XVI ​
5 ​REGNANTE ​⁞ ​AROLO ​
6 ​REGE ​⁝ ​X ​⁞ ​KL̅D ​
7 ​IAN̅V ​⁝ ​SI[---] ​BIIT ​⁝ ​IN ​
8 ​[...]E ​⁝ ​A[...] ​

Légende

Bleu : enclavement.
Orange : conjonction.
Violet : entrelacement.



1 ​✝HIREQVIESIT
2 ​BONAMEMO ​ ​
3 ​RIEAVTBERTVS
4 ​INANNVMXVI ​
5 ​REGNANTEAROLO
6 ​REGE ​XKL̅D ​
7 ​IAN̅VSI[---]BIITIN
8 ​[...]EA[...]

Légende

Représentation des espaces entre les lettres tels qu'ils sont dans l'inscription.
Violet : signalement des figures qui s'interposent avec le texte.



Édition normalisée

Hic requiescit bona memorie Autbertus in annum XVI regnante Carolo rege. X ​k(a)l(en)d(as) janu(arii) si[c o]biit in [pac]e. A[men] .

Traduction

Ici repose Autbertus de bonne mémoire. Il est mort en paix le dix des calendes de janvier [16 décembre], la seizième année de règne du roi Charles. Amen.

Commentaire

Le texte est simple et sans grande recherche littéraire. On peut remarquer quelques erreurs de cas (bona memorie l. 2/3, ou in annum XVI regnante Carolo l. 4/5). À la différence de la formule hic requiescit, trop courante pour qu’on puisse en tirer quelque chose d’intéressant, l’expression sic obiit est une formule assez peu fréquente ; elle ne se retrouve qu’à l’époque carolingienne et seulement à Angers, Ligugé, Poitiers, Reims (épitaphe d’Hincmar pour lui-même) pour la France, et Barcelone, Gérone pour l’Espagne[4].

Une date est portée par l’inscription : la seizième année du règne du roi Charles. Le problème est de savoir qui est ce Charles. Les caractéristiques de l’écriture, en particulier le dépassement systématique des hastes verticales, les lettres carrées ou la forme de la double panse du B, formée de deux boucles tangentes, invitent à placer cette dalle avant la réforme de l’écriture attestée au début du IXe siècle. Ce Charles pourrait donc être Charlemagne, avant son couronnement impérial à la Noël 800. Si l’on suit la pratique diplomatique contemporaine[5], le début de son règne est fixé en 768 (couronnement à Noyon le 9 octobre). Le décès d’Autbertus daterait ainsi du 16 décembre 784, précédant vraisemblablement de peu la réalisation de son épitaphe.

Le nom d’Autbertus, dérivé de Audebertus, est formé à partir de la racine Aud-[6] qu’on retrouve également dans Audoenus[7], sans qu’une telle remarque puisse toutefois être significative. Les sources manuscrites angevines ne permettent malheureusement pas pour l’instant d’identifier ce personnage. C’est d’autant plus regrettable qu’il s’agit d’une des seules inscriptions (avec celle de Balthadus[8]) découvertes en contexte d’utilisation dans les fouilles de Saint-Martin. La plaque formait le couvercle d’une sépulture construite entièrement en dalles d’ardoise et située dans la nef centrale de l’église Saint-Martin. L’analyse stratigraphique tendrait à prouver que l’inscription, très rapidement après sa mise en place, n’était plus visible, car recouverte d’une couche de terre supportant le sol de l’église. De fait, il n’y a dans ce texte aucun appel explicite au lecteur, comme on trouve dans d’autres cas contemporains. On peut alors se poser la question de la date et des circonstances de la réalisation des graffitis, dont la datation ne serait pas incompatible avec la fin du VIIIe siècle et qui pourraient être contemporains de l’inscription principale.




[1] I dans C l. 1, M et E conjoints l. 2, T et E conjoints l. 4.
[2] k(a)l(en)d(as) l. 6 et janu(arii) l. 7.
[3] Dans la partie non inscrite en haut de la pierre, on lit nettement SAL ; les lettres ressemblent à des ébauches de lettrines ornées ; deux textes en écriture cursive se développent également, l’un à l’intérieur de la boucle inférieure du B de obiit (l. 7) et l’autre en dessous du E de Amen (l. 8 ; il s’agit ici d’un fragment de Ps 76 (75), 2) ; entre le E de pace et le A de Amen (l. 8), on lit Chr(ist)i. D’autres graffitis sont également visibles, mais une étude attentive n’a pas permettre d’en reconnaître le sens. On peut signaler pour mémoire la figure de chien gravée dans le contre-poinçon du D de k(a)l(en)d(as) l. 6.
[4] Pour Angers, Ligugé, Poitiers, voir dans ce volume les notices n° 25, 38, 52, 70, 71, 79 et 80. Pour Reims, voir épitaphe d’Hincmar de Reims, PL 125, col. 17-18 ; pour l’Espagne, voir De Santiago Fernandez J., La epigrafía latina medieval en los condados catalanes (815-circ. 1150) , Madrid, 2003, n°53, p. 332-333 n°36, p. 319.
[5] Giry A., Manuel de diplomatique…, p. 718.
[6] Cf. Morlet, Les noms de personne, 1972, t. I, p. 43a.
[7] CIFM, HSI, n°34.
[8] CIFM, HSI, n°25.