​ Angers, collégiale Saint-Martin ​- ​Inscription funéraire pour Balthadus  ​  ​


Angers, collégiale Saint-Martin ​- ​Inscription funéraire pour Balthadus

Corpus des Inscriptions de la France Médiévale, vol. Hors-série I, nº25 ​  ​


Description générale

Inscription funéraire à caractère tumulaire. 
Dalle funéraire. ​ Pierre, ardoise.  Cette inscription a été découverte en fermeture d’une sépulture construite en ardoise dans le vaisseau central de la collégiale Saint-Martin d’Angers (US 2697), lors des fouilles réalisées sous la direction de Daniel Prigent. Actuellement présentée dans l’absidiole nord de l’église, elle est fragilisée par plusieurs brisures. La dalle mesure au maximum 180 cm de long pour 44 cm au pied et près de 70 cm à la tête (épaisseur = 4,5 cm). Le texte, inscrit dans la plaque avec une grande maîtrise, est entouré d’un cadre et structuré par une réglure horizontale très apparente. Taille du cadre : 47 x 52 cm. Inscription complète ; état de conservation : moyen.
Datation : 771 [datation interne partielle, appuyée par la paléographie].

Bibliographie

Texte établi d’après l’original vu en place en janvier 2008.
Treffort, Mémoires carolingiennes, 2007, p. 316 [mention] ; Treffort, Paroles inscrites, 2008, p. 34 [photo] ; CIFM, 24, 2010, n°79, p. 100-101 [notice abrégée].

Description paléographique

Malgré l’aspect irrégulier de l’inscription, dû à la diversité des modules et accentué par l’espacement de certains mots (sic obiet, l.6) ou parties de mots pour éviter les accidents de la pierre, le champ épigraphique a été préparé par une réglure encore apparente et on peut se demander si certains traits perceptibles à la surface de la pierre ne correspondent pas à des lettres d’attente, comme cela a pu être repéré sur la dalle d’Autbertus. L’écriture, très anguleuse et utilisant de nombreux empattements triangulaires, est très proche de celle que l’on trouve sur les inscriptions d’Erdramnus, qui lui est parfaitement contemporaine, ou d’Autbertus, légèrement postérieure, toutes deux découvertes sur le même site, à proximité. Hauteur des lettres comprise entre 4, 5 et 6 cm. De nombreux traits paléographiques sont ainsi antérieurs à la réforme carolingienne de l’écriture, à commencer par le fait que les barres horizontales viennent s’ancrer en retrait sur les hastes verticales, dans les L ou les E par exemple, ainsi que dans certains N. Le caractère anguleux de l’écriture conduit à des formes carrées pour les C, composés de trois barres se croisant à angle droit, ou pour les O, pratiquement tous de forme losange ; seul celui qui termine la première ligne est parfaitement rond tandis que celui de tercio, rond lui aussi, a reçu deux petites « ailettes » formées par des petits triangles. On remarquera également la forme des G, dans regnante (l.1) et regi (l. 2), composés de trois lignes disposées à la manière d’un C, et d’un quatrième, qui revient vers la gauche, formant le bas de la lettre, l’ensemble du ductus étant inspiré d’un g manuscrit. La forme du S à la fin de junias évoque également une culture manuscrite. Le lapicide a multiplié les jeux d’enclavements (I et O dans C, à la ligne 1 ; I dans G à la ligne 2, I dans R à la ligne 4), de conjonction (TE et AR à la ligne 1 ; MV à la ligne 2 ; RE, AL, AD, VS à la ligne 3 ; NE, ME à la ligne 4 ; AS à la ligne 5) et d’entrelacement (DVS à la ligne 3 ; MO à la ligne 4), sans user de beaucoup d’abréviations (on n’en compte qu’une, pour kalendas).





Édition imitative


1 ​IN ​ANNO ​TERCIO ​REGNANTE ​CARO[..] ​
2 ​REGI ​IN ​HVNC ​TVMVLVM ​HIC ​
3 ​REQVIESCIT ​BALTHADV̅ ​
4 ​BONE ​MEMORIA ​MENS ​IVLIO ​
5 ​HOCTAVA ​KLD ​IVNNIAs ​
6 ​SIC ​OBIET ​IN ​PACE ​

1 ​IN ​ANNO ​TERIO ​REGNANTE ​ARO[..] ​
2 ​REGI ​IN ​HVN ​TVMVLVM ​HI ​
3 ​REQVIESIT ​BALTHADV̅ ​
4 ​BONE ​MEMORIA ​MENS ​IVLIO ​
5 ​HOTAVA ​KŁD ​IVNNIAſ ​
6 ​SI ​OBIET ​IN ​PAE ​

1 ​IN ​ANNO ​TERIO ​REGNANTE ​ARO[..] ​
2 ​REGI ​IN ​HVN ​TVMVLVM ​HI ​
3 ​REQVIESIT ​BALTHADV̅ ​
4 ​BONE ​MEMORIA ​MENS ​IVLIO ​
5 ​HOTAVA ​KŁD ​IVNNIAſ ​
6 ​SI ​OBIET ​IN ​PAE ​

Légende

Violet : caractères allographes.



1 ​IN ​ANNO ​TERIO ​REGNANTE ​ARO[..] ​
2 ​REGI ​IN ​HVN ​TVMVLVM ​HI ​
3 ​REQVIESIT ​BALTHADV̅ ​
4 ​BONE ​MEMORIA ​MENS ​IVLIO ​
5 ​HOTAVA ​KŁD ​IVNNIAſ ​
6 ​SI ​OBIET ​IN ​PAE ​

Légende

Bleu : mot abrégé.
Violet : signe d'abréviation.



1 ​IN ​ANNO ​TERIO ​REGNANTE ​ARO[..] ​
2 ​RE GI ​IN ​HVN ​TVMVLVM ​HI ​
3 ​REQVIESIT ​BA LTHA DV̅ ​
4 ​BONE ​ME MO RIA ​MENS ​IVLIO ​
5 ​HOTAVA ​KŁD ​IVNNIAſ ​
6 ​SI ​OBIET ​IN ​PAE ​

Légende

Bleu : enclavement.
Orange : conjonction.
Violet : entrelacement.



1 ​INANNOTERIOREGNANTEARO[..]
2 ​REGIINHVNTVMVLVMHI
3 ​REQVIESITBALTHADV̅ ​
4 ​BONEMEMORIAMENSIVLIO ​ ​
5 ​HO ​TAVAKŁDIVNNIAſ ​ ​ ​
6 ​SIOBIET ​ ​ ​INPAE ​ ​ ​

Légende

Représentation des espaces entre les lettres tels qu'ils sont dans l'inscription.
Violet : signalement des figures qui s'interposent avec le texte.



Édition normalisée

In anno tercio regnante Caro[lo] regi, in hunc tumulum hic requiescit Balthadu(s), bone memoria, mens julio ; hoctava k(a)l(en)d(as) junnias sic obiet in pace.

Traduction

La troisième année du règne du roi Charles, dans ce tombeau, ici repose Balthadus de bonne mémoire, au mois de juillet ; à l’octave des calendes de juin, il est mort en paix.

Commentaire

L’état linguistique de l’épitaphe de Balthadus est nettement pré-carolingien : in hunc tumulum pour in hoc tumulo, memoria pour memoriae, obiet pour obiit. On remarque le mélange de deux types de formules, in anno…obiit N et in hoc tumulo requiescit N, qui donne un texte un peu bancal quoique parfaitement compréhensible. Ce qui l’est moins est la manière de noter la date : l’octave (hoctava) correspond en effet normalement à la célébration liturgique qui suit, huit jours après, une fête (on parle de l’octave de Pâques par exemple). Si l’on imagine une contamination du système romain de datation par la logique des calendriers liturgique, le comptage rétrograde des jours pourrait avoir été remplacé par une progression chronologique. Dans ce cas, l’octave des calendes de juin pourrait alors correspondre au 8 juin, ce qui n’explique malheureusement pas la mention du mois de juillet. Si l’on applique la logique rétrograde du calendrier romain à la mention de l’octave, huit jours avant les calendes de juin correspondrait au 25 mai, ce qui n’explique toujours pas la mention du mois de juillet. On pourrait imaginer que le défunt est mort fin mai ou début juin et qu’il a été enterré en juillet, ce qui n’est pas impossible (en cas de décès au loin) mais serait exceptionnel. Nous laisserons ici la question ouverte, tout en signalant que la confusion qui règne dans la datation de l’inscription de Balthadus se retrouve dans d’autres inscriptions carolingiennes, y compris dans des productions de haut niveau artistique[1]. Remarquons pour finir l’usage de la formule très régionale sic obiit, qu’on retrouve à Angers, Poitiers ou encore Ligugé, et très rarement – sinon en Catalogne – ailleurs que dans l’Ouest de la France.

L’inscription est datée de la troisième année du règne du roi Charles ; la paléographie invite à reconnaître en celui-ci Charlemagne, roi des Francs depuis la mort de son père Pépin en 768 ; son couronnement à Noyon le 9 octobre de cette même année marque dans la pratique diplomatique le début de son règne ; on peut donc considérer que Balthadus est mort en 771. On ne connaît malheureusement pas par ailleurs ce personnage ; le nom est toutefois attesté dans la documentation carolingienne, notamment dans le polyptyque d’Irminon[2].




[1] Inscription fragmentaire découverte à Nevers en 1990 et portant la mention ...]ridii idus ka[..., les ides et les calendes étant parfaitement incompatibles dans le système romain ; publiée dans 30 ans d’archéologie, 1996, notice 55, p. 152-153.
[2] Cf. Morlet, Les noms de personne, 1971-1972, t. I, p. 50a.