​ Angers, ancienne église Saint-Pierre (auj. : Musée des Beaux-Arts) ​- ​Inscription funéraire pour Ingelsen  ​  ​


Angers, ancienne église Saint-Pierre (auj. : Musée des Beaux-Arts) ​- ​Inscription funéraire pour Ingelsen

Corpus des Inscriptions de la France Médiévale, vol. Hors-série I, nº46 ​  ​


Description générale

Inscription funéraire à caractère tumulaire. 
Dalle funéraire. ​ Pierre, ardoise.  Inscription découverte en 1868 lors des fouilles de la Place du Ralliement, à l’endroit de l’ancienne église Saint-Pierre. Elle est conservée dans les réserves du Musée des Beaux-Arts d’Angers sous le numéro d’inventaire GF 3. Inscription sur une dalle d’ardoise (longueur = 139 cm ; hauteur = 35, 5 cm ; épaisseur = 9 cm) enchâssée depuis le XIXe siècle dans un cadre de bois supporté par 4 pieds. La dalle semble entière, mais elle présente une grosse fracture au centre et une plus fine dans la partie droite. Elle est ornée d’un cadre à double raie. À droite, on observe un jeu de marelle profondément gravé. Le champ épigraphique se développe sur la majeure partie de la dalle, mise à part cette marge de 19 cm où l’on peut également voir des essais d’outils. La double réglure est encore en partie apparente. Inscription complète ; état de conservation : moyen.
Datation : fin du IXe siècle [datation paléographique].

Bibliographie

Lecture d’après l’original vu en place en janvier 2008.
Paris, BnF, ms. nouv. acq. fr. 5569 (collection Ramé), liasse 1, VIII, n° 709-710 [estampage] ; Soland, « Tablettes contemporaines », 1868, p. 281-282 [mention] ; Chambouillet, « Chronique », 1868, p. 246 [mention] ; Godard-Faultrier, Étude sur quelques pierres, 1869, n°3, p. 12-13 [texte, traduction, étude] ; Godard-Faultrier, Ville d’Angers, 1884, n°23, p. 103 [texte, traduction, étude] ; Souvenir de musée, 1992, n°74, p. 84 [texte, traduction, photo, étude] ; Treffort, « Un témoin de la vie politique Ato », n°3 [texte] ; Treffort, Mémoires carolingiennes, 2007, p. 102 [texte], p. 314 [mention, bibliographie].

Description paléographique

L’écriture utilise essentiellement des capitales romaines, mises à part quelques lettres carrées (le G, ligne 1 et ligne 4) ; certains A ont la barre transversale brisée. Le module des lettres est très régulier, ce qui dénote une bonne maîtrise de la préparation[1]. Les mots ne sont pas séparés et la seule ponctuation sert pour la date : des points en forme de triangle encadrent le chiffre et le mot kalendas. On ne remarque ni enclavement, ni conjonction. Les abréviations portent sur Christum (nomen sacrum) et sur kalendas (date) ; le tilde abréviatif est droit dans les deux cas. On avait également suspendu la fin de l’adjectif benignum, sans signe diacritique cette fois.





Édition imitative


1 ​✝CONDITA ​SVNT ​TVMVLO ​DE ​INGELSEN ​FEMINA ​
2 ​MEMRA ​SV ​ISTO ​· ​XVII ​· ​K̅L ​· ​IVL ​ASTRA ​PETIVIT ​
3 ​OVANS ​O ​LECTOR ​SVPLEX ​XP̅M ​DEPOSCE ​
4 ​ENIGN ​VT ​DET ​ILLI ​DOMVM ​IN ​CELIS ​QVI ​HIC ​
5 ​REQVIESCIT ​IN ​ARVIS ​

1 ​✝CONDITA ​SVNT ​TVMVLO ​DE ​INELSEN ​FEMINA ​
2 ​MEMRA ​SV ​ISTO ​· ​XVII ​· ​K̅L ​· ​IVꝈ ​ASTRA ​PETIVIT ​
3 ​OVANS ​O ​LECTOR ​SVPLEX ​XP̅M ​DEPOSCE ​
4 ​ENIN ​VT ​DET ​ILLI ​DOMVM ​IN ​CELIS ​QVI ​HIC ​
5 ​REQVIESCIT ​IN ​ARVIS ​

1 ​CONDITA ​SVNT ​TVMVLO ​DE ​INELSEN ​FEMINA ​
2 ​MEMRA ​SV ​ISTO ​· ​XVII ​· ​K̅L ​· ​IV ​ASTRA ​PETIVIT ​
3 ​OVANS ​O ​LECTOR ​SVPLEX ​XP̅M ​DEPOSCE ​
4 ​ENIN ​VT ​DET ​ILLI ​DOMVM ​IN ​CELIS ​QVI ​HIC ​
5 ​REQVIESCIT ​IN ​ARVIS ​

Légende

Violet : caractères allographes.



1 ​✝CONDITA ​SVNT ​TVMVLO ​DE ​INELSEN ​FEMINA ​
2 ​MEMRA ​SV ​ISTO ​· ​XVII ​· ​K̅L ​· ​IVꝈ ​ASTRA ​PETIVIT ​
3 ​OVANS ​O ​LECTOR ​SVPLEX ​XP̅M ​DEPOSCE ​
4 ​ENIN ​VT ​DET ​ILLI ​DOMVM ​IN ​CELIS ​QVI ​HIC ​
5 ​REQVIESCIT ​IN ​ARVIS ​

Légende

Bleu : mot abrégé.
Violet : signe d'abréviation.



1 ​✝CONDITA ​SVNT ​TVMVLO ​DE ​INELSEN ​FEMINA ​
2 ​MEMRA ​SV ​ISTO ​· ​XVII ​· ​K̅L ​· ​IVꝈ ​ASTRA ​PETIVIT ​
3 ​OVANS ​O ​LECTOR ​SVPLEX ​XP̅M ​DEPOSCE ​
4 ​ENIN ​VT ​DET ​ILLI ​DOMVM ​IN ​CELIS ​QVI ​HIC ​
5 ​REQVIESCIT ​IN ​ARVIS ​

Légende

Bleu : enclavement.
Orange : conjonction.
Violet : entrelacement.



1 ​✝CONDITASVNTTVMVLODEINELSENFEMINA ​ ​ ​ ​
2 ​MEMRASVISTO·XVII·K̅L·IVꝈASTRAPETIVIT
3 ​OVANSOLECTORSVPLEXXP̅MDEPOSCE
4 ​ENINVTDETILLIDOMVMINCELISQVIHIC
5 ​REQVIESCITINARVIS

Légende

Représentation des espaces entre les lettres tels qu'ils sont dans l'inscription.
Violet : signalement des figures qui s'interposent avec le texte.



Édition normalisée

Condita sunt tumulo de Ingelsen femina memra su isto. XVII ​k(a)l(endas) jul(i) astra petivit. Ovans o lector suplex Chr(istu)m deposce benign(um) ut det illi domum in celis, qui hic requiescit in arvis.

Traduction

Sous ce tombeau sont enfermés les membres d’Ingelsen, femme. Triomphante, elle gagna les astres le 17 des calendes de juillet [16 juin]. O lecteur, demande en suppliant au Christ bienveillant qu’il lui donne une demeure dans les cieux, elle qui repose en cette terre.

Commentaire

Ce texte, complet, montre une certaine recherche littéraire. La formule tumulaire condita sunt tumulo membra sub isto (qui forme un pentamètre) est empruntée au répertoire poétique (on la trouve par exemple chez Venance Fortunat[2]). Quant à la formule astra petivit ovans, elle pourrait être empruntée à Raban Maur[3]. Quelques maladresses de construction se sont toutefois glissées dans la rédaction ; l’ajout de la préposition de avant Ingelsen est-il une erreur ou manifeste-il déjà une évolution linguistique (abandon du génitif), qui expliquerait le cas de femina, qui devrait être au génitif lui aussi ? Comme dans l’inscription précédente, le mot supplex est écrit avec un seul P.

La régularité de l’écriture, l’absence presque totale d’onciales et la rareté des lettres carrées conduisent à dater cette inscription de la fin du IXe siècle. Découverte le même jour et au même emplacement que celle de Dominicus, cette inscription pourrait sortir du même atelier ; c’est en tout cas ce que laissent penser les similitudes paléographiques et l’emploi de formules très proches. Malheureusement, aucun document ne permet d’identifier plus précisément cette femme dont le nom, d’origine germanique, est formé de la racine Ingel-, dérivé de Ing-, et du suffixe –sen, dérivé de –sendis, tous deux attestés dans la documentation contemporaine[4].




[1] Dans plusieurs O, on peut observer des croix légèrement gravées, qui pourraient faire penser à des traits de préparation ; une observation attentive montre que ces traits ont en fait été réalisés après gravure de la lettre et peuvent être mis dans la catégorie des graffitis, nombreux sur cette dalle.
[2] MGH, Scriptores, Auctores antiquissimi, t. 4-1 , Berlin, 1881, p. 93, c. 4, 23, v. 1.
[3] MGH, Poet. lat., t. 2, p. 181, c. 16, v. 89 et 90.
[4] Morlet, Les noms de personne, 1972, t. I, col. 146a et 14b.