​ Angers, Belle-Beille, ferme de la Lande ​- ​Inscription funéraire pour Flavia  ​  ​


Angers, Belle-Beille, ferme de la Lande ​- ​Inscription funéraire pour Flavia

Corpus des Inscriptions de la France Médiévale, vol. Hors-série I, nº52 ​  ​


Description générale

Inscription funéraire à caractère tumulaire. 
Dalle funéraire. ​ Pierre, calcaire.  Inscription découverte en 1928 siècle dans la ferme de la Lande, dans la localité de Belle-Beille, au nord-ouest d’Angers. Elle fut pendant longtemps conservée dans la collégiale Saint-Martin et classée au titre des Monuments Historiques le 23 avril 1981. Au moment des fouilles du site, elle fut rapportée au dépôt du Service archéologique départemental du Maine-et-Loire (sans numéro d’inventaire). Inscription gravée sur deux blocs de calcaire dont la séparation (au centre) paraît accidentelle et liée à un réemploi ; on remarque également une feuillure de 6 cm de profondeur à droite. Mises à part ces modifications, la pierre est relativement bien conservée. Elle ne possède ni ornement, ni décor. L’ensemble du bloc reconstitué présente les dimensions suivantes : H = 45 cm ; l. = 43 cm ; ép. = 28 cm. Le champ épigraphique se trouve sur la face principale du bloc, sans marge ni cadre apparent. Le texte a été préparé par une double réglure dont quelques traits sont encore perceptibles en haut à droite. Les interlignes sont parfaitement réguliers. L’inscription semble complète, la cassure centrale ayant sans doute la largeur d’une lettre.
Datation : IXe siècle, plutôt seconde moitié [datation paléographique].

Bibliographie

Lecture d’après l’original vu en place en janvier 2008.
Blanchet, « Une inscription chrétienne », 1928, p. 248-251 [photo, texte] ; DACL, VII-2, col. 322-323 [mention] et fig. 7942 [dessin] ; Treffort, Mémoires carolingiennes, 2007, p. 317 [mention, bibliographie].

Description paléographique

L’écriture utilise des capitales romaines pour la plupart. On ne remarque qu’un E oncial (l. 3), un O en losange (l. 5) et deux lettres minuscules dans la date (D de idus et b de novembris), liées aux abréviations. Hauteur moyenne des lettres = 6 cm. Le module des lettres est régulier, même si l’on remarque l’emploi de quelques caractères plus petits. Une lettre semble avoir été ornée (premier A de Flaviane dont la barre transversale est remplacée par une ligne courbe revenant vers la première haste). Seule la dernière ligne montre des abréviations dans la date et pour le nomen sacrum du Seigneur. Les tildes abréviatifs sont droits. On remarque quelques conjonctions de lettres et des enclavements assez nombreux : IT dans le C de requiescit, O dans le C et V sous le P de corpus, O suscrit dans bone, I entre les boucles du R et A et E conjoints dans memoriae, II entre les deux boucles du B dans obiit, O et N enclavés dans novembris.





Édition imitative


1 ​HIC ​R[.]QVII
2 ​ESCIT ​CO[.]PVS ​FLA
3 ​VIANE ​ONE ​ME
4 ​MORIAE ​S[.]C ​OIIT ​
5 ​ID̅ ​NOVE̅BS ​[.]N ​DN̅O ​

1 ​HIC ​R[.]QVII
2 ​ESCIT ​CO[.]PVS ​FLA
3 ​VIANE ​ONE ​M
4 ​MORIAE ​S[.] ​OIIT ​
5 ​I̅ ​NOVE̅bS ​[.]N ​DN̅O ​

1 ​HIC ​R[.]QVII
2 ​ESCIT ​CO[.]PVS ​FLA
3 ​VIANE ​ONE ​M
4 ​MORIAE ​S[.] ​OIIT ​
5 ​I̅ ​NOVE̅bS ​[.]N ​DN̅O ​

Légende

Violet : caractères allographes.



1 ​HIC ​R[.]QVII
2 ​ESCIT ​CO[.]PVS ​FLA
3 ​VIANE ​ONE ​M
4 ​MORIAE ​S[.] ​OIIT ​
5 ​I̅ ​NOVE̅bS ​[.]N ​DN̅O ​

Légende

Bleu : mot abrégé.
Violet : signe d'abréviation.



1 ​HIC ​R[.]QVII
2 ​ESCIT ​CO[.]PVS ​FLA
3 ​VIANE ​ONE ​M
4 ​MORIAE ​S[.] ​OIIT ​
5 ​I̅ ​NOVE̅bS ​[.]N ​DN̅O ​

Légende

Bleu : enclavement.
Orange : conjonction.
Violet : entrelacement.



1 ​HICR[.]QVII
2 ​ESCITCO[.]PVSFLA
3 ​VIANEONEM
4 ​MORIAE ​S[.]OIIT
5 ​I̅NOVE̅bS[.]NDN̅O

Légende

Représentation des espaces entre les lettres tels qu'ils sont dans l'inscription.
Violet : signalement des figures qui s'interposent avec le texte.



Édition normalisée

Hic r[e]quii escit co[r]pus Flaviane one memoriae. S[i] c oiit id(us) nove(m)b(ri)s [i]n D(omi)no.

Traduction

Ici repose le corps de Flavia de bonne mémoire. Elle est morte le jour des ides de novembre, dans le Seigneur.

Commentaire

Mis à part le redoublement fautif du I dans requiiescit, l’inscription présente une forme de latin carolingien réformé ; deux diphtongues en ae ont été contractées en e mais celle de memoriae a été maintenue. Le formulaire utilisé est très simple et ne permet pas de développer une réflexion en ce domaine. On remarquera la construction de la formule obituaire sic obiit in Domino à partir de deux expressions courantes les épitaphes contemporaines : sic obiit et obiit in Domino.

Le nom de Flaviana n’a pas été repéré pour l’instant dans la documentation du haut Moyen Âge[1] ; même s’il peut se présenter comme le féminin de Flavianus, quant à lui attesté bien que rare ; il est plus vraisemblable d’avoir ici un génitif en –ane de la 6e déclinaison[2] du nom Flavia, d’origine latine et présent dans la documentation des IXe-Xe siècles.

La régularité de l’écriture, l’usage massif de capitales romaines et la qualité de la langue conduisent à considérer l’épitaphe de Flavia comme un produit de la réforme carolingienne. La présence d’un E oncial et d’un O en losange suggère la seconde moitié du IXe siècle pour la date de sa réalisation, sans que la première moitié du même siècle soit exclue. En tous cas, elle ne présente aucun caractère paléographique permettant de l’attribuer à l’époque mérovingienne comme cela avait été fait dans la bibliographie antérieure. En l’absence d’informations plus précises concernant les circonstances de la découverte de la pierre, les commentaires historiques sont nécessairement réduits. Notons toutefois que la localité de Belle-Beille se trouve à proximité non seulement d’une importante route romaine, mais également de l’abbaye Saint-Nicolas, propriétaire de la ferme de la Lande jusqu’à la Révolution.




[1] Morlet, Les noms de personne, t. II, p. 52.
[2] Stotz, P., Handbuch zur lateinischen Sprache des Mittelalters, Tome 4 : Formenlehre, Syntax und Stilistik , Munich, 1998.