​ Souvigné-sur-Sarthe, cimetière ​- ​Fragment d'inscription funéraire  ​  ​


Souvigné-sur-Sarthe, cimetière ​- ​Fragment d'inscription funéraire

Corpus des Inscriptions de la France Médiévale, vol. Hors-série I, nº54 ​  ​


Description générale

Inscription funéraire à caractère mixte. 
Dalle funéraire. ​ Pierre.  Inscription disparue, découverte vers 1880 dans le dallage du perron du presbytère de Souvigné-sur-Sarthe par l’abbé Ledru. Lors de sa découverte, la plaque mesurait 0,20 x 0,70 cm, taillée dans une dalle plus grande, d’où la mutilation du texte. Déposée chez l’abbé R. Charles, qui devait la remettre au Musée du Mans, elle avait déjà disparu au début du XXe siècle. Aucun estampage n’est conservé[1], mais un dessin a été publié par l’abbé Ledru dans sa monographie sur la cathédrale du Mans et un autre, inédit, avait été envoyé au moment de la découverte au Père Camille de la Croix, archéologue poitevin dont les archives sont conservées aux Archives départementales de la Vienne. Au moment de sa découverte, l’inscription présentait cinq lignes, tronquée à droite et à gauche, avec une importante surface vierge d’écriture en partie inférieure. La double réglure semble avoir été aussi profondément gravée que les lettres elles-mêmes.
Datation : VIIIe siècle ? [datation paléographique].

Bibliographie

Texte établi d’après le dessin manuscrit conservé à Poitiers, aux Archives départementales de la Vienne[2].
AD 86, Fonds SAO, archives De la Croix, dossier A 39-5 [dessin de Ledru] ; Ledru, La cathédrale du Mans, 1900, p. 62-64 [dessin et texte partiel] ; Ledru, Répertoire des monuments, 2001, t. II, p. 1354 [mention] ; Treffort, Mémoires carolingiennes, 2007, p. 344 [mention].

Description paléographique

Écriture irrégulière malgré la présence d'une double réglure très marquée (elle était signalée par A. Ledru). Module étroit et tracé fin. Graphie assez disparate présentant des caractères mérovingiens très nets : barres horizontales s'accrochant en retrait du sommet des hastes, O en navette, R aux panses très déséquilibrées, Q avec la barre placée à la verticale sous la panse ovale. A à traverse brisée. Conjonction : T et E à la troisième ligne. On repère trois abréviations sur le dessin : idus, maii (elle est superflue), et Dominus, signalées par un long tilde tracé au centre du mot abrégé, comme on le lisait dans les inscriptions d'Ermdramnus ou d'Autbertus à Angers ; l'écriture de la pierre de Souvigné-sur-Sarthe présente d'ailleurs un certain nombre de points communs avec ces deux textes (en particulier les terminaisons triangulaires très marquées à la fin des traits horizontaux). On remarquera l’usage, par deux fois, d’un signe commun avec l’écriture manuscrite () pour abréger et. Pas de décor particulier sur le dessin du fragment découvert en 1880 que l'abbé Ledru décrit comme étant assez grossier.





Édition imitative


Lecture du fragment :
1 ​---] ​ONA ​ ​MEMOR[--- ​
2 ​---] ​D̅ ​ ​MAII ​ ​ANNV[--- ​
3 ​---] ​ERANTE ​ ​REQV[--- ​
4 ​---] ​DONT ​ ​EI ​DN̅S ​ ​ ​ ​LV[--- ​
5 ​ ​---]A ​ ​LVCIAT ​ ​EIS ​

Lecture du fragment :
1 ​---] ​ONA ​ ​MEMOR[--- ​
2 ​---] ​D̅ ​ ​MAII ​ ​ANNV[--- ​
3 ​---] ​ERANTE ​ ​REQV[--- ​
4 ​---] ​DONT ​ ​EI ​DN̅S ​ ​ ​ ​LV[--- ​
5 ​ ​---]A ​ ​LVCIAT ​ ​EIS ​

Lecture du fragment :
1 ​---] ​ONA ​ ​MEMOR[--- ​
2 ​---] ​D̅ ​ ​MAII ​ ​ANNV[--- ​
3 ​---] ​ERANTE ​ ​REQV[--- ​
4 ​---] ​DONT ​ ​EI ​DN̅S ​ ​ ​ ​LV[--- ​
5 ​ ​---]A ​ ​LVCIAT ​ ​EIS ​

Légende

Violet : caractères allographes.



Lecture du fragment :
1 ​---] ​ONA ​ ​MEMOR[--- ​
2 ​---] ​D̅ ​ ​MAII ​ ​ANNV[--- ​
3 ​---] ​ERANTE ​ ​REQV[--- ​
4 ​---] ​DONT ​ ​EI ​DN̅S ​ ​ ​ ​LV[--- ​
5 ​ ​---]A ​ ​LVCIAT ​ ​EIS ​

Légende

Bleu : mot abrégé.
Violet : signe d'abréviation.



Lecture du fragment :
1 ​---] ​ONA ​ ​MEMOR[--- ​
2 ​---] ​D̅ ​ ​MAII ​ ​ANNV[--- ​
3 ​---] ​ERANTE ​ ​REQV[--- ​
4 ​---] ​DONT ​ ​EI ​DN̅S ​ ​ ​ ​LV[--- ​
5 ​ ​---]A ​ ​LVCIAT ​ ​EIS ​

Légende

Bleu : enclavement.
Orange : conjonction.
Violet : entrelacement.



Lecture du fragment :
1 ​---]ONAMEMOR[---
2 ​---]D̅MAIIANNV[---
3 ​---]ERANTEREQV[---
4 ​---]DONTEIDN̅SLV[---
5 ​---]ALVCIATEIS

Légende

Représentation des espaces entre les lettres tels qu'ils sont dans l'inscription.
Violet : signalement des figures qui s'interposent avec le texte.



Édition normalisée

[ Hic requiescit ​b]ona memor[ie qui obiit id(us) maii annu [--- ]erante requ[iem aeternam] donet ei D(omi)n(u)s (et) lu[x perpetu]a luciat eis.

Traduction

Ici repose…de bonne mémoire…qui est mort le…des ides de mai l'an… Que le Seigneur lui donne le repos éternel et que la lumière perpétuelle brille pour eux.

Commentaire

Le formulaire funéraire restitué à partir des quelques éléments encore lisibles sur le dessin de l'abbé Ledru est conforme aux usages de l'épigraphie funéraire carolingienne de l'Ouest et se rapproche en particulier de ce que l'on peut lire à Angers sur les dalles d'Autbertus ou d'Ermdramnus. La partie la plus difficile à restituer concerne la datation du décès ; on peut supposer qu'elle passait par l'année de règne d'un souverain comme c'est le cas à Angers. La fin du texte est en revanche plus originale et plus complexe que les exemples angevins. L'introït de la messe pour les défunts (Requiem aeternam dona eis, Domine, et lux perpetua luceat eis) a été transposé à la troisième personne du singulier ; si la reprise d'éléments liturgiques est fréquente dans les épitaphes, il est toutefois assez rare, surtout pour des époques aussi hautes, que la séquence soit citée dans son intégralité, les auteurs préférant emprunter des expressions ou des images plus courtes. Comme le faisait déjà remarquer A. Ledru, la fin du texte de Souvigné-sur-Sarthe se retrouve exactement dans l'épitaphe d'un évêque du Mans, Francon Ier mort en 816[3].

Les similitudes entre cette inscription et les deux exemples angevins évoqués ci-dessus, les données paléographiques et linguistiques (luciat pour luceat, annum ou annus pour anno, l'absence du E de donet) pourraient inviter à dater la dalle de Souvigné-sur-Sarthe de la seconde moitié du VIIIe siècle.




[1] Contrairement à ce qu’affirme la notice publiée dans Le patrimoine des communes de la Sarthe, t. II, p. 354, qui mentionne un estampage sur papier conservé au Centre de documentation archéologique de Sablé, par confusion avec un autre objet. Je remercie vivement Mr Jean Rioufreyt pour cette information.
[2] Il existe un petit opuscule dû à l'abbé Charles Robert qui mentionne peut-être l'inscription. Cet ouvrage n'a cependant pas pu être consulté. Robert Ch., Étude historique et archéologique sur l’église et la paroisse de Souvigné-sur-Même (Sarthe) , Mamers, 1876.
[3] CIFM, 24, n°225.