​ Melle, église Saint-Pierre ​- ​Inscription funéraire pour Arnulfus  ​  ​


Melle, église Saint-Pierre ​- ​Inscription funéraire pour Arnulfus

Corpus des Inscriptions de la France Médiévale, vol. Hors-série I, nº59 ​  ​


Description générale

Inscription funéraire à caractère tumulaire. 
Dalle funéraire. ​ Pierre, calcaire.  Inscription portée sur une tombe d’enfant, découverte dans les fouilles menées par B. Farago-Szekeres en 1992 au sud de l’église Saint-Pierre de Melle (sépulture n° 20). La dalle était encadrée, à la tête et aux pieds, par une stèle verticale. L’inscription se compose de deux textes ; celui qui donne le nom du défunt (appelé principal) se développe sur 6 lignes au milieu de la pierre ; celui qui appelle le lecteur à la prière se présente de manière plus complexe, les deux premières séquences se croisant à angles droits et les quatre autres étant réparties dans des carrés surcreusés aux angles de la croix ainsi formée. Le jeu graphique de composition, inédit, n’est pas sans rappeler certaines pages de manuscrits. Dimensions de la dalle = 114 x 46/35 cm ; épaisseur = 23 cm. La dalle réalisée en calcaire blanc local, a été parfaitement préparée pour recevoir le texte : on voit encore, à certains endroits, les traits de réglures (même s’ils n’ont pas forcément toujours été suivis par le lapicide, ce qui donne à l’écriture un caractère un peu irrégulier). Certaines lettres portent encore trace d’incrustations de plomb vraisemblablement destinée à accentuer le contraste entre le calcaire et le métal terni, de couleur sombre. Inscription complète ; état de conservation : moyen.
Datation : fin VIIIe ou début IXe siècle [datation paléographique et linguistique].

Bibliographie

Texte établi d’après l’original vu en place en 2009.
Bilan scientifique, 1993, p. 47-48 [photo] ; Farago-Szekeres, « Les fouilles Saint-Pierre Melle », 1993, p. 435 [texte, traduction, photo, étude] ; Vareille, « Les épitaphes médiévales de Melle », 2004, p. 94 [texte, traduction, dessin, étude] ; Treffort, Mémoires carolingiennes, 2007, p. 132 [photo de détail] et p. 328 [mention] ; Jarry, Corpus des inscriptions, 2009, p. 116 [texte, traduction, dessin] ; Une société de pierre, 2009, p. 33 [texte et cliché].

Description paléographique

L’écriture ne présente aucun signe typiquement mérovingien (barres horizontales à l’oblique, ancrage des barres horizontales en retrait sur les hastes verticales, etc.). Mis à part le Q (dans le texte principal comme dans l’annexe) qui adopte une forme minuscule, peut-être inspirée par la pratique manuscrite, le reste des lettres est en capitale monumentale romaine. Hauteur moyenne des lettres = entre 4 et 5, 5 cm. La technique utilisée pour graver des caractères destinés à recevoir une incrustation de plomb, différente de la taille en biseau très nette sur les dalles d’Alradus ou Leuterius, accentue l’impression d’irrégularité donnée par une légère variation de module et, surtout, de taille de lettre. La dernière ligne du texte principal semble moins profondément gravée.





Édition imitative


Texte principal
1 ​✝IN ​VNC ​
2 ​TVMVLV̅ ​
3 ​REQVIES
4 ​CET ​ARNVL
5 ​[..]S ​PVER ​
6 ​OBIT ​DIE ​

Texte annexe
Branche horizontale de la croix :
QVI ​LEGIS ​ORA ​P ​EV̅ ​
Branche verticale de la croix :
VT ​DONET ​EI ​
Carré en haut à droite :
DS̅ ​
Carré en bas à droite :
RE
Carré en haut à gauche :
QVI ​
Carré en bas à gauche :
EM ​

Texte principal
1 ​✝IN ​VNC ​
2 ​TVMVLV̅ ​
3 ​REQVIES
4 ​CET ​ARNVL
5 ​[..]S ​PVER ​
6 ​OBIT ​DIE ​

Texte annexe
Branche horizontale de la croix :
QVI ​LEGIS ​ORA ​Ꝓ ​EV̅ ​

Branche verticale de la croix :
VT ​DONET ​EI ​

Carré en haut à droite :
DS̅ ​

Carré en bas à droite :
RE

Carré en haut à gauche :
QVI ​

Carré en bas à gauche :
EM ​

Texte principal
1 ​IN ​VNC ​
2 ​TVMVLV̅ ​
3 ​REQVIES
4 ​CET ​ARNVL
5 ​[..]S ​PVER ​
6 ​OBIT ​DIE ​

Texte annexe
Branche horizontale de la croix :
QVI ​LEGIS ​ORA ​ ​EV̅ ​
Branche verticale de la croix :
VT ​DONET ​EI ​
Carré en haut à droite :
DS̅ ​
Carré en bas à droite :
RE
Carré en haut à gauche :
QVI ​
Carré en bas à gauche :
EM ​

Légende

Violet : caractères allographes.



Texte principal
1 ​✝IN ​VNC ​
2 ​TVMVLV̅ ​
3 ​REQVIES
4 ​CET ​ARNVL
5 ​[..]S ​PVER ​
6 ​OBIT ​DIE ​

Texte annexe
Branche horizontale de la croix :
QVI ​LEGIS ​ORA ​ ​EV̅ ​
Branche verticale de la croix :
VT ​DONET ​EI ​
Carré en haut à droite :
DS̅ ​
Carré en bas à droite :
RE
Carré en haut à gauche :
QVI ​
Carré en bas à gauche :
EM ​

Légende

Bleu : mot abrégé.
Violet : signe d'abréviation.



Texte principal
1 ​✝IN ​VNC ​
2 ​TVMVLV̅ ​
3 ​REQVIES
4 ​CET ​ARNVL
5 ​[..]S ​PVER ​
6 ​OBIT ​DIE ​

Texte annexe
Branche horizontale de la croix :
QVI ​LEGIS ​ORA ​Ꝓ ​EV̅ ​
Branche verticale de la croix :
VT ​DONET ​EI ​
Carré en haut à droite :
DS̅ ​
Carré en bas à droite :
RE
Carré en haut à gauche :
QVI ​
Carré en bas à gauche :
EM ​

Légende

Bleu : enclavement.
Orange : conjonction.
Violet : entrelacement.



Texte principal
1 ​✝INVNC
2 ​TVMVLV̅
3 ​REQVIES
4 ​CETARNVL
5 ​[..]SPVER
6 ​OBITDIE

Texte annexe
Branche horizontale de la croix :
QVILEGISORAꝒEV̅
Branche verticale de la croix :
VTDONETEI
Carré en haut à droite :
DS̅
Carré en bas à droite :
RE
Carré en haut à gauche :
QVI
Carré en bas à gauche :
EM

Légende

Représentation des espaces entre les lettres tels qu'ils sont dans l'inscription.
Violet : signalement des figures qui s'interposent avec le texte.



Édition normalisée

In unc tumulu(m) requiescet Arnul[fu] s puer. Obit die. Qui legis ora p(ro) eu(m) ut donet ei D(eu)s requiem.

Traduction

Dans ce tombeau repose Arnulf, enfant. Il est mort au jour… Toi qui lis, prie pour lui afin que Dieu lui donne le repos.

Commentaire

Autant dans la graphie que dans la langue, cette inscription est le témoin d’une situation hétérogène, ou de transition ; elle appartiendrait ainsi à la fin du VIIIe siècle ou au début du IXe. Le texte principal est en latin de type nettement « mérovingien » (ou du moins avant la réforme) : hunc sans h, in hunc tumulum au nominatif au lieu de hoc tumulo, requiescet au lieu de requiescit, obit pour obiit tandis que le texte annexe (appel au lecteur et demande de prière) est en latin réformé, sans erreur. Peut-être est-ce dû au caractère stéréotypé de la formule, que l’on retrouve, sous une forme plus ou moins proche, dans d’autres inscriptions carolingiennes, et qui intègre une séquence quasiment liturgique (ut donet ei Deus requiem).

On remarque d’ailleurs que le jeu graphique savant, destiné sans doute à attirer l’attention du fidèle lettré, sur son contenu, s’applique justement à cette partie. L’épitaphe en latin « mérovingien », plus proche de la pratique linguistique contemporaine sans doute, est d'ailleurs incomplète ; il manque l’indication de la date du décès du défunt, pourtant annoncée par la formule obiit die. A-t-elle finalement été omise ou inscrite sous une forme périssable ? Toujours est-il que les deux niveaux de langue cohabitent sur la même pierre, avec une graphie identique.

L’ensemble est remarquablement agencé, fait d’autant plus notable que la dalle a été réalisée pour un jeune enfant (puer). L’association d’un parler encore mérovingien, d’une formule d’appel à la prière avec formule liturgique en latin de type classique et d’une écriture reformée plaide pour le début de la réforme carolingienne, peut-être le règne de Charlemagne ou, au plus tard, celui de Louis le Pieux. Le nom Arnulfus est relativement commun pendant toute la période carolingienne[1], particulièrement prisé – sans exclusive toutefois – dans la famille royale et ses fidèles. L’usage de ce nom dans un lieu particulièrement important pour l’empire carolingien – un des principaux lieux d’extraction de l’argent et atelier de frappe monétaire – pourrait inviter à chercher l’origine d’Arnulfus ailleurs que dans un milieu strictement local ou régional.




[1] Voir Morlet, Les noms de personne, t. I, 41a.