​ Melle, église Saint-Pierre ​- ​Inscription funéraire pour Eberfredus  ​  ​


Melle, église Saint-Pierre ​- ​Inscription funéraire pour Eberfredus

Corpus des Inscriptions de la France Médiévale, vol. Hors-série I, nº63 ​  ​


Description générale

Inscription funéraire à caractère obituaire. 
Dalle funéraire. ​ Pierre, calcaire.  L’inscription prend place sur une place tombe découverte en 1992 dans les fouilles menées par B. Farago-Szekeres au sud de l’église Saint-Pierre de Melle (sépulture n° 46) ; elle est aujourd’hui conservée à l’intérieur de l’église. Un cadre très régulier a été tracé avec double réglure ménageant ligne d’écriture et interligne, sur une pierre extrêmement irrégulière, d’extraction locale. Dimensions = 160 x 49 cm ; épaisseur = 20 cm. Inscription complète ; état de conservation : bon.
Datation : milieu IXe siècle [datation paléographique et linguistique].

Bibliographie

Texte établi d’après l’original vu en place en 2009.
Farago-Szekeres, « Les fouilles Saint-Pierre Melle », 1993, p. 432-433 [texte, dessin photo, traduction] ; Vareille, « Les épitaphes médiévales de Melle », 2004, p. 92 [texte, traduction, photo, étude] ; Treffort, Mémoires carolingiennes, 2007, p. 180 [cliché], p. 329 [mention] ; Jarry, Corpus des inscriptions, 2009, p. 115 [texte, traduction] ; Une société de pierre, 2009, p. 32 [texte et cliché].

Description paléographique

Les lettres sont bien dessinées et aussi bien sculptées que le permet le support, les espacements des lettres étant dus aux accidents de la pierre. L’écriture est majoritairement composée de capitales monumentales romaines, de module assez allongé, excepté 2 C carrés sur 3 (dans cujus et precamur), et le U de ejus à la dernière ligne, fermé, comme sur d’autres dalles melloises, à la manière des U onciaux manuscrits. Seul le M de precamur présente des jambages très écartés, ce qui me semble donc pas significatif. Hauteur moyenne des lettres = 4, 8 cm. Pas de ponctuation. Abréviation de per- par un P barré dans perpetuam et de pro par l’allongement traditionnel de la panse. La marque –m de l’accusatif dans vitam perpetuam a été abrégée sans signe diacritique. Le mot Dominus a été abrégé DMS, forme moins courante que le nomen sacrumDNS.





Édition imitative


1 ​✝VI ​ID ​NOVEMBRIS ​OBIIT ​EBERFRE
2 ​DVS ​SACERDOS ​PRO ​CV
3 ​IVS ​MEMORIAM ​PRECAMVR ​
4 ​VT ​DET ​EI ​DM̅S ​VITA ​PPETVA̅ ​
5 ​QVI ​LEGIT ​ORAT ​P ​ANIMA ​EIVS ​✝

1 ​✝VI ​IĐ ​NOVEMBRIS ​OBIIT ​EBERFRE
2 ​DVS ​SACERDOS ​PRO ​V
3 ​IVS ​MEMORIAM ​PREAMVR ​
4 ​VT ​ET ​EI ​DM̅S ​VITA ​ꝐPETVA̅ ​
5 ​QUI ​LIT ​ORAT ​Ꝓ ​ANIMA ​IUS ​✝

1 ​VI ​IĐ ​NOVEMBRIS ​OBIIT ​EBERFRE
2 ​DVS ​SACERDOS ​PRO ​V
3 ​IVS ​MEMORIAM ​PREAMVR ​
4 ​VT ​ET ​EI ​DM̅S ​VITA ​PETVA̅ ​
5 ​QUI ​LIT ​ORAT ​ ​ANIMA ​IUS ​

Légende

Violet : caractères allographes.



1 ​✝VI ​ ​NOVEMBRIS ​OBIIT ​EBERFRE
2 ​DVS ​SACERDOS ​PRO ​V
3 ​IVS ​MEMORIAM ​PREAMVR ​
4 ​VT ​ET ​EI ​DM̅S ​VITA ​PETVA̅ ​
5 ​QUI ​LIT ​ORAT ​ ​ANIMA ​IUS ​✝

Légende

Bleu : mot abrégé.
Violet : signe d'abréviation.



1 ​✝VI ​IĐ ​NOVEMBRIS ​OBIIT ​EBERFRE
2 ​DVS ​SACERDOS ​PRO ​V
3 ​IVS ​MEMORIAM ​PREAMVR ​
4 ​VT ​ET ​EI ​DM̅S ​VITA ​ꝐPETVA̅ ​
5 ​QUI ​LIT ​ORAT ​Ꝓ ​ANIMA ​IUS ​✝

Légende

Bleu : enclavement.
Orange : conjonction.
Violet : entrelacement.



1 ​ ​ ​✝VI ​IĐNOVEMBRISOBI ​ITEB ​ER ​FRE
2 ​ ​ ​DVSSACE ​R ​ ​ ​ ​DOSPROV ​ ​ ​ ​ ​
3 ​ ​ ​IVSMEMORI ​ ​ ​ ​AMP ​REA ​MVR
4 ​ ​ ​ ​VTETEI ​ ​ ​DM̅SVITA ​ꝐPETVA̅
5 ​QUIL ​ ​ITORATꝒANIMAIUS✝

Légende

Représentation des espaces entre les lettres tels qu'ils sont dans l'inscription.
Violet : signalement des figures qui s'interposent avec le texte.



Édition normalisée

VI ​id(us) novembris obiit Eberfredus sacerdos pro cuius memoriam precamur ut det ei D(o)m(inu)s vita p(er)petua(m). Qui legit orat p(ro) anima ejus.

Traduction

Le 6 des ides de novembre [8 novembre] est mort Eberfredus, prêtre, pour la mémoire duquel nous prions afin que le Seigneur lui donne la vie éternelle. Que celui qui lit prie pour son âme.

Commentaire

Malgré le caractère ingrat du support, un calcaire local avec trous et nodules, l’inscription d’Erberfredus se distingue par sa qualité à la fois linguistique et graphique. Le contenu du texte est simple sans être totalement classique : la mention de l’obit est ainsi associée non à une demande de prière, mais à l’expression au présent de l’indicatif d’une prière communautaire, par cujus memoriam precamur. Cette forme particulière ne se retrouve qu’à Bourges, dans la formule pro cujus anima omnes precamur Deum, utilisée sur place à sept reprises[1]. Contrairement à Bourges, l’inscription melloise ne présente aucune liberté dans le latin et se distingue des autres par une langue réformée parfaite. Les caractéristiques linguistiques comme les données paléographiques pourraient ainsi inviter à placer cette inscription au IXe siècle, peut-être vers le milieu de celui-ci, ce que pourraient confirmer les conditions archéologiques de découvertes de la pierre dans le troisième niveau de sépultures.

Le nom d’Eberfredus n’est pas connu dans la documentation régionale conservée, ni répertorié par M.-Th. Morlet, mais le nom, d’origine germanique, est manifestement composé de deux racines par ailleurs parfaitement connues, Ebur-[2], dérivé selon les cas en Ebro-, Ebre-, Ever-, et Frid-[3], avec sa variante très commune Fred- ; les deux racines ont pu donner par exemple Fredebertus[4] ou Ebrorfrid, Eburfridus, Evrefridus, toujours pour l’époque carolingienne[5].




[1] Treffort, Mémoires carolingiennes, 2007, p. 188-195.
[2] Morlet, Les noms de personne, t. I, p. 77-78.
[3] Ibid., p. 93-94.
[4] Au IXe siècle, voir Duchesne L., Fastes épiscopaux de l'ancienne Gaule , Paris, 1907-1915, vol. II, 70.
[5] Morlet, Les noms de personne, t. I, p. 77a.