La recherche littéraire et poétique est évidente, même si elle ne correspond pas aux critères de la poésie classique, métrique ou rythmique. On peut certes remarquer un pentamètre (migravi a seculo dormivi in Christo), mais il s’agit vraisemblablement d’une formule courante, qui se rapproche d’autres expressions similaires de la région[1] et fait écho à celle qu’on trouve sur les dalles melloises jumelles d’Ermenbertus et Ermeniardus, exprimé à la 3e personne du singulier. La qualité de la langue est remarquable et les fautes minimes et non significatives : un H ajouté à orate et à omnes (qui rappelle le H de obiit dans l’inscription d’Alradus), et un D au lieu du T à inveniat et indulgeat, traduction graphique d’une variation phonétique probable.
L’originalité littéraire du texte de Godemerus vient avant tout de la prise de parole alternée qu’il révèle : Godemerus, le défunt, s’adresse d’abord à ses frères très chers en leur demandant de prier pour lui, puis demande au Seigneur d’être indulgent pour ceux qui auront prié pour lui. Ensuite, sa veuve Goda s’adresse à lui – elle utilise tua, qui renvoie à son mari – puis au Seigneur pour lui demander la joie éternelle, ensemble. Le renvoi à la solidarité entre les morts et les vivants est typique de l’époque carolingienne bien que rarement évoqué aussi clairement dans le domaine épigraphique. La mention de l’amour charnel entre les époux est quant à elle unique. L’épitaphe de Godemerus, bien qu’émanant d’un milieu lettré et cultivé, répond moins aux critères ecclésiastiques d’une poésie de scriptorium qu’à l’expression du mode de vie de conjugati carolingiens. On peut de fait se demander si ce n’est pas Goda elle-même qui en a rédigé le texte, tout comme Dhuoda, vers 840, écrit un petit manuel pour son fils[2].
Il est bien difficile d’attribuer une date à cette inscription. Il existe dans le cartulaire de Saint-Maixent, d’un bail à complant de vigne fait en 950 par Eble, abbé de Saint-Maixent, à un certain Godemerus et sa femme Ermengarde[3], mais il semble difficile d'y reconnaître les personnages mentionnés dans l'inscription. D'un point de vue archéologique, la dalle de Godemerus appartient à la première phase d'inhumation dans le cimetière carolingien. D'après la paléographie et la langue du texte, on peut lui attribuer une datation à la fin du VIIIe siècle ou au début du IXe en insistant sur l'excellent niveau linguistique.