L’inscription est fragmentaire, mais les traces de cadre perceptibles en haut et sur le côté gauche du bloc indiquent que nous possédons le début du texte, sans doute amputé uniquement d’une croix initiale. On lit ensuite clairement Sub ho[... à la première ligne, et mulo à la deuxième : on reconnaît donc sans problème la formule Sub hoc tumulo, prouvant qu’il ne manque, sur la partie droite des trois premières lignes, que quelques lettres, et aucune à gauche, contrairement aux restitutions publiées précédemment.
L’identification traditionnelle du défunt avec Justus, troisième abbé du lieu, doit elle-même être discutée. Elle remonte à la première publication de l’inscription : A. Barbier, dans son article, explique d’ailleurs clairement comment il a procédé[1] : persuadé d’avoir affaire à un personnage important de la grande abbaye carolingienne, il chercha dans la liste abbatiale un dignitaire dont le nom pourrait s’accorder avec le texte et l’époque avec la graphie de l’inscription. Justus est un personnage important au début du IXe siècle : il semble avoir séjourné plusieurs mois à Aix-la-Chapelle en 815[2], auprès de Louis le Pieux qui confirma, à sa demande, l’immunité et la liberté d’élection abbatiale de son monastère[3]. Avant d’en repartir pour le Poitou, il demanda un commentaire de l’évangile de Matthieu à Claude, futur évêque de Turin, qui s’exécuta et lui dédia l’œuvre, comme le montre une de ses lettres[4]. A. Barbier restitua alors quelques lettres à la fin de la deuxième ligne pour faire apparaître le nom de Jus]tus. Toutefois, la formule ainsi créée, Sub hoc tumulo Justus jacet..., avec un sujet précédant le verbe sans contrainte métrique particulière, ne laisse d’étonner. En outre, les trois lettre IVS restituées à la 2e ligne ne suffisent pas à remplir l’espace restant, qui permettrait de placer encore deux voire trois lettres. Un dessin du Père de la Croix, conservé dans ses archives mais manifestement non publié[5], montre d’ailleurs qu’il n’avait pas adopté cette proposition de restitution. On ne peut pas non plus retenir celle proposée par E. Jarry, Sub hoc tumulo sepultus jacet[6], car la lettre qui suit mulo est constituée ou commence par un trait vertical, ce qui exclut un S. La proposition de lire humatus, que nous retenons ici, est compatible avec ce trait vertical (formant la première haste du H), avec l’espace disponible sur la pierre, avec les formules contemporaines[7] et avec l’ordre habituel des mots en latin.
La conséquence principale de cette nouvelle proposition est de remettre en question l’identification du défunt avec Justus, surtout si on retient la restitution du qualificatif famulus Dei, qui convient mieux à un moine qu’à un abbé. D’autre part, même si la qualité de la gravure est excellente (avec un beau profil en V), on remarquera la barre brisée du A et surtout, la forme carrée du C, qui pourrait renvoyer à une date un peu plus tardive que 817, date supposée de la mort de Justus. La numérisation récente des archives du Père de la Croix a permis de retrouver un autre de ses dessins, qui juxtapose au fragment étudié un autre, malheureusement disparu, mais d’apparence similaire et qui présente également une lettre carrée (G dans ...otgarius..), sans qu’on sache s’il faisait à l’origine partie ou non de la même inscription. On gardera donc pour cette inscription qui, pour l’instant, reste anonyme, une datation large du IXe siècle, peut-être de la première moitié, en attendant d’autres éventuelles découvertes sur le site.