​ Charroux, abbaye ​- ​Fragment d’inscription funéraire, attribuée à Justus  ​  ​


Charroux, abbaye ​- ​Fragment d’inscription funéraire, attribuée à Justus

Corpus des Inscriptions de la France Médiévale, vol. Hors-série I, nº69 ​  ​


Description générale

Inscription funéraire à cartactère tumulaire. 
Dalle funéraire. ​ Pierre.  Inscription donnée à la Société des antiquaires de l’Ouest pour le Musée de l’Échevinage en février 1888 par Albert de Prin, maire de Charroux. Elle provenait des ruines de l’ancienne abbaye (on ignore la localisation originale précise). Conservée au Musée Sainte-Croix de Poitiers sous le numéro d’inventaire 888.4 bis. Dimensions du fragment = 46 x 47 cm. L’inscription semble tracée de façon régulière même si l’on n’observe plus aucune trace de réglure. On distingue aujourd’hui encore 4 lignes de texte. Inscription fragmentaire ; état de conservation du fragment : bon.
Datation : IXe siècle, peut-être première moitié [datation paléographique]

Bibliographie

Lecture établie d’après l’original étudié en 2018.
Poitiers, AD Vienne, Archives SAO, Fonds De la Croix, 16J3 [2 dessins] ; Barbier, « L'inscription tumulaire de Justus », 1889-1891, p. 22-31 [reproduction, commentaire] ; Chartes et documents de Charroux, 1910, p. XXXVI [texte] ; Deschamps, Etude sur la paléographie, 1929, n°3 [mention], p. 18 ; CIFM, I/1, 1974, p. 118-119, fig.72 [texte, traduction, commentaire, bibliographie ancienne] ; Haubrichs, « Aspekte des philologischen Nachweises », 2001, n°19, p. 66 [mention] ; Treffort, Mémoires carolingiennes, 2007, p. 323 [mention, bibliographie] ; Jarry, Corpus des inscriptions, 2007, p. 133-134 [texte] ; CIFM-HS. Favreau, Les inscriptions de Poitiers, 2017, n°186, p. 195-196 [photo, texte, traduction, étude].

Description paléographique

L’écriture est parfaitement régulière et se compose majoritairement de capitales romaines soignées ; seul le C de jacet, à la ligne 3, est carré. A à traverse brisé. Hauteur moyenne des lettres = 5, 8 cm. En l’état actuel du fragment, on ne repère aucune abréviation ni aucun signe de ponctuation. Pas de décor particulier.





Édition imitative


1 ​[.]SVB ​HO[--- ​
2 ​MVLO ​[---]
3 ​TVS ​IACET ​[..]
4 ​MVLVS ​[---] ​

1 ​[.]SVB ​HO[--- ​
2 ​MVLO ​[---]
3 ​TVS ​IACET ​[..]
4 ​MVLVS ​[---] ​

1 ​[.]SVB ​HO[--- ​
2 ​MVLO ​[---]
3 ​TVS ​IACET ​[..]
4 ​MVLVS ​[---] ​

Légende

Violet : caractères allographes.



1 ​[.]SVB ​HO[--- ​
2 ​MVLO ​[---]
3 ​TVS ​IACET ​[..]
4 ​MVLVS ​[---] ​

Légende

Bleu : mot abrégé.
Violet : signe d'abréviation.



1 ​[.]SVB ​HO[--- ​
2 ​MVLO ​[---]
3 ​TVS ​IACET ​[..]
4 ​MVLVS ​[---] ​

Légende

Bleu : enclavement.
Orange : conjonction.
Violet : entrelacement.



1 ​[.]SVBHO[---
2 ​MVLO[---]
3 ​TVSIACET[..]
4 ​MVLVS[---]

Légende

Représentation des espaces entre les lettres tels qu'ils sont dans l'inscription.
Violet : signalement des figures qui s'interposent avec le texte.



Édition normalisée

[.]  sub ho[c tu]mulo [huma]tus jacet [fa]mulus [Dei---].

Traduction

… sous ce tombeau… repose, enseveli, le serviteur de Dieu…

Commentaire

L’inscription est fragmentaire, mais les traces de cadre perceptibles en haut et sur le côté gauche du bloc indiquent que nous possédons le début du texte, sans doute amputé uniquement d’une croix initiale. On lit ensuite clairement Sub ho[... à la première ligne, et mulo à la deuxième : on reconnaît donc sans problème la formule Sub hoc tumulo, prouvant qu’il ne manque, sur la partie droite des trois premières lignes, que quelques lettres, et aucune à gauche, contrairement aux restitutions publiées précédemment.

L’identification traditionnelle du défunt avec Justus, troisième abbé du lieu, doit elle-même être discutée. Elle remonte à la première publication de l’inscription : A. Barbier, dans son article, explique d’ailleurs clairement comment il a procédé[1] : persuadé d’avoir affaire à un personnage important de la grande abbaye carolingienne, il chercha dans la liste abbatiale un dignitaire dont le nom pourrait s’accorder avec le texte et l’époque avec la graphie de l’inscription. Justus est un personnage important au début du IXe siècle : il semble avoir séjourné plusieurs mois à Aix-la-Chapelle en 815[2], auprès de Louis le Pieux qui confirma, à sa demande, l’immunité et la liberté d’élection abbatiale de son monastère[3]. Avant d’en repartir pour le Poitou, il demanda un commentaire de l’évangile de Matthieu à Claude, futur évêque de Turin, qui s’exécuta et lui dédia l’œuvre, comme le montre une de ses lettres[4]. A. Barbier restitua alors quelques lettres à la fin de la deuxième ligne pour faire apparaître le nom de Jus]tus. Toutefois, la formule ainsi créée, Sub hoc tumulo Justus jacet..., avec un sujet précédant le verbe sans contrainte métrique particulière, ne laisse d’étonner. En outre, les trois lettre IVS restituées à la 2e ligne ne suffisent pas à remplir l’espace restant, qui permettrait de placer encore deux voire trois lettres. Un dessin du Père de la Croix, conservé dans ses archives mais manifestement non publié[5], montre d’ailleurs qu’il n’avait pas adopté cette proposition de restitution. On ne peut pas non plus retenir celle proposée par E. Jarry, Sub hoc tumulo sepultus jacet[6], car la lettre qui suit mulo est constituée ou commence par un trait vertical, ce qui exclut un S. La proposition de lire humatus, que nous retenons ici, est compatible avec ce trait vertical (formant la première haste du H), avec l’espace disponible sur la pierre, avec les formules contemporaines[7] et avec l’ordre habituel des mots en latin.

La conséquence principale de cette nouvelle proposition est de remettre en question l’identification du défunt avec Justus, surtout si on retient la restitution du qualificatif famulus Dei, qui convient mieux à un moine qu’à un abbé. D’autre part, même si la qualité de la gravure est excellente (avec un beau profil en V), on remarquera la barre brisée du A et surtout, la forme carrée du C, qui pourrait renvoyer à une date un peu plus tardive que 817, date supposée de la mort de Justus. La numérisation récente des archives du Père de la Croix a permis de retrouver un autre de ses dessins, qui juxtapose au fragment étudié un autre, malheureusement disparu, mais d’apparence similaire et qui présente également une lettre carrée (G dans ...otgarius..), sans qu’on sache s’il faisait à l’origine partie ou non de la même inscription. On gardera donc pour cette inscription qui, pour l’instant, reste anonyme, une datation large du IXe siècle, peut-être de la première moitié, en attendant d’autres éventuelles découvertes sur le site.




[1] Barbier, « L'inscription tumulaire de Justus », 1889-1891, p. 24.
[2] Depreux, Prosopographie, 1997, p. 23, note 26.
[3] Kölzer, Die Urkunden Ludwigs des Frommen, 2016, t. I, n°54, p. 139-141.
[4] MGH, Ep. IV, p. 593-596.
[5] Poitiers, Archives départementales de la Vienne, 16J3.
[6] Jarry, Corpus des inscriptions, 2007, p. 133-134 [texte].
[7] Voir dans le présent volume la notice n° 5 (Tours) : Hic jacet humatus Dodenus....