​ Poitiers, Saint-Hilaire-le-Grand ​- ​. Poème funéraire pour l'évêque Jean et l'abbé Aper composé par Alcuin.  ​  ​


Poitiers, Saint-Hilaire-le-Grand ​- ​. Poème funéraire pour l'évêque Jean et l'abbé Aper composé par Alcuin.

Corpus des Inscriptions de la France Médiévale, vol. Hors-série I, nº75 ​  ​


Description générale

Inscription funéraire à caractère obituaire. 
Support inconnu ​ Chronique de rénovation des tombeaux. Composition littéraire à caractère épigraphique ; on n’en connaît pas de traces matérielles ; on peut même douter de sa réalisation effective sous forme épigraphique. Datation : proposée pour la rédaction : fin VIIIe ou début IXe siècle (avant 804) [datation par identification de l’auteur].

Bibliographie

Jullien, Perelman, Calvis Alcuin, 1557ALC 46.[13].99.13 ; Schaller, Könsgen, Initia carminum, 1977, n°7332.GC, t. II, col. 1155 et 1125 [texte] ; Largeault, « Inscription Métriques », 1884, p. 38 [texte] ; CIFM, I-1, n°44, p. 46-47 [texte d’après Dümmler ; trad. française].

Édition

Huius hic pausat praeclarus episcopus urbis
nomine Iohannes, vir pius atque bonus.
Hic requiescit Aper huius venerabiliter abbas
ecclesiae, pastor promptus in omne bonum.
Sed pedibus populi fuerant calcata sepulchra,
nec paries cinxit, ut decuit patribus.
Hoc Ato non suffert, Aperi successor honoris,
corpora calcari sacra partum pedibus,
Sed monumenta brevi placuit concingere muro,
pervia ne populi busta forent pedibus.
Addidit et nostrae statim pia signa salutis,
in quo salvator victor ab hoste redit.
Insuper altare statuit venerabile Christo,
in quo pro patribus hostia sacra foret,
Ut Deus omnipotens requiem concederet illis
cum sanctis pariter semper in arce poli.

Traduction

Ici repose l’illustre évêque de cette ville, Du nom de Jean, homme pieux et bon. Ici repose Aper, vénérable abbé De cette église, pasteur prompt à toute sorte de bien. Mais les tombeaux avaient été piétinés par la foule, Et nulle paroi ne les entourait, comme il eût convenu pour des Pères. Aton, successeur de la charge d’Aper, ne souffre pas Que les corps sacrés des Pères soient foulés aux pieds. Aussi lui plut-il d’entourer le monument d’un petit mur, Afin que les sépultures ne fussent plus exposées à être piétinées. Et aussitôt il y a ajouté les signes vénérés de notre salut, La Croix, sur laquelle le Sauveur est devenu vainqueur de l’Ennemi. En outre, il éleva au Christ un vénérable autel Sur lequel la victime sacrée serait offerte pour les Pères, Afin que Dieu Tout-Puissant leur accorde le repos Avec tous les saints à jamais dans la citadelle céleste[1].

Commentaire

Le contenu de ce texte d'Alcuin est original ; s'il mentionne effectivement au début du poème le lieu d'inhumation des deux grands personnages de l'Église poitevine, il est difficile de considérer cette composition comme proprement funéraire. Les informations sont en ce sens fort limitées et Alcuin dresse plutôt une petite chronique des travaux entrepris par le successeur d'Aper, Aton, pour la mise en valeur esthétique et liturgique des tombeaux des prestigieux défunts ; les données architectuales constituent d'ailleurs le principal intérêt de ce poème et expliquent pourquoi le texte est à rapprocher davantage des compositions métriques d'Alcuin pour des autels[2] que des textes funéraires qui lui sont attribués. Pour le reste, cette inscription fournit un bon exemple de la poésie alcuinienne avec un certain nombre d'expressions courantes sous la plume de l'auteur ; on pense en particulier aux expressions promptus in omne bonum (v. 4), pia signa salutis (v. 11), victor ab hoste (v. 12) ou arce poli (v. 16).

Les deux défunts mentionnés dans le texte sont Jean II, évêque de Poitiers, et Aper, abbé de Saint-Hilaire. Morts tous les deux avant 785, leur tombeau fut restauré par Aton, successeur d'Aper, mentionné dans d'autres poèmes d'Alcuin pour Saint-Hilaire-le-Grand, qui insiste sur son rôle de bâtisseur et de restaurateur[3]. On ne manque pas d'être surpris par le peu de temps qui sépare la mise en place des tombeaux et le moment de la reconstruction.




[1] Trad. CIFM, I-1, p. 6-47.
[2] Voir, par exemple pour Saint-Hilaire-le-Grand de Poitiers, ibid., p. 49-51.
[3] Ibid., p. 47.