Le premier vers a une consonance biblique. C'est Jacob disant : « C'est bien ici la maison de Dieu et la porte du ciel » (domus Dei et porta cæli, Genèse 28, 17), formule qui sera reprise dans la dédicace d'une église, ou le psaume 118 (117), 20, « Voici la porte du Seigneur » (hæc porta Domini), ou Jérémie qui dit : « Tiens-toi à la porte de la maison du Seigneur » (sta in porta domus Domini, 7, 2). Le Deus omnipotens de la dernière ligne est aussi mentionné dans de nombreux livres de la Bible, de la Genèse (17, 1) à l'Apocalypse (21, 22). Alcuin utilise également les premiers poètes chrétiens, Prosper d'Aquitaine (corde pio), Juvencus (prostrato corpore), Paulin de Nole (pia gratia). A l'avant-dernier vers l'ingrediens templum est l'incipit d'une inscription de Saint-Martin de Tours, reprise dans la Sylloge de Saint-Martin.
De cette composition en hexamètres on retiendra surtout qu'elle nous apprend que ces portes ont été commandées par Aton, abbé de Saint-Hilaire, et, en 799, évêque de Saintes, et qu'elles ont ont été réalisées sous l'autorité d'un "abbé-ministre". L'abbé Largeault a proposé d'y voir Bodosindus, qui souscrit aussitôt après Aton dans la charte de mars 799 où Aton est dit abbé de Saint-Hilaire, évêque de Saintes, et qui y est qualifié de custos sepulchri sancti Hilarii[1]. Il est, en effet, vraisemblable qu'Aton se soit choisi un suppléant (minister) pour diriger les clercs de Saint-Hilaire, lorsqu'il est devenu évêque. L'attribution de ce texte à Nouaillé ne tient pas, car la celle était dirigée par le prêtre Hermembert (rector) qui n'est cité dans aucune de ces inscriptions.
Commentaire commun aux notices du CIFM Hors-Série II, 4-25 :
Alcuin est né en Northumbrie vers 735. Il a été le maître de l'école épiscopale d'York, puis s'est installé vers 782 à Aix-la-Chapelle à la demande de Charlemagne. Il y a dirigé l'école palatine et il fut un très proche conseiller du souverain. Nommé abbé de Saint-Martin de Tours en 796, il s'installa à Tours en 801 et y resta jusqu'à sa mort en 804.Les œuvres de cet écrivain prolifique ont été publiées par dom Froben Forster en 1777. Cette édition a été reprise par J.-P. Migne dans sa Patrologie latine, au tome CI, en 1863. On y trouve, col. 747-752, 28 inscriptions « pour un certain monastère, peut-être Nouaillé », en raison de la mention d'Aton, "fondateur" du monastère de Nouaillé en 793 d'après la note de la col. 747. En 1884 l'abbé Alfred Largeault a étudié ces inscriptions et a eu le mérite de repérer que la plupart d'entre elles concernaient l'église Saint-Hilaire de Poitiers. Il n'a pas eu, à l'époque, connaissance de l'édition des œuvres poétiques d'Alcuin par Ernest Duemmler dans le tome I des Pœtæ latini ævi carolini, 1881, où l'on trouve sous le n°XCIX, p. 323-327, 22 inscriptions, que le titre courant donne « pour le monastère de Nouaillé ». Ce sont bien, en fait, des inscriptions pour Saint-Hilaire de Poitiers, composée par Alcuin, à la demande d'Aton, "parent" de Louis le Pieux, roi d'Aquitaine, abbé de Saint-Hilaire en 793-794, abbé et aussi évêque de Saintes en 799. Ce sont ces 22 inscriptions de l'édition de Duemmler qui seront ici étudiées.
Si aucune preuve matérielle n'établit que ces textes aient été effectivement gravés, ils sont composés dans une forme épigraphique, et ils apportent pour l'histoire de Saint-Hilaire de premiers et précieux témoignages sur des autels et des chapelles connus par les textes postérieurs. Alcuin a de même composé des séries d'inscriptions pour d'autres monastères, Saint-Vaast d'Arras, Saint-Amand-les-Eaux, Salzbourg, qui ont beaucoup de points communs avec celles de Saint-Hilaire[2]. Il faut, semble-t-il écarter le monastère de Nouaillé pour ces compositions métriques d'Alcuin, car la celle n'en est qu'à ses débuts, et est dirigée par le prêtre Hermembert, même si il y a eu au départ des liens avec la communauté hilarienne.
Pour les bibliographies, éditions, traductions des œuvres d'Alcuin, il faut se référer au volume consacré à Alcuin dans la Clavis scriptorum latinorum Medii Aevi[3].