​ Poitiers, église Saint-Hilaire ​- ​Inscription pour l'autel Saint-Quentin-et-Saint-Denis  ​  ​


Poitiers, église Saint-Hilaire ​- ​Inscription pour l'autel Saint-Quentin-et-Saint-Denis

Corpus des Inscriptions de la France Médiévale, vol. Hors-Série II, nº6 ​  ​


Description générale

Inscription pour un autel. Composition littéraire à caractère épigraphique. 
 ​ Datation : inscription composée à la demande d'Aton, abbé de Saint-Hilaire à partir de 793-794 (comme l'ensemble des notices 4-25).

Bibliographie

Pœtæ latini ævi carolini, I, p. 323 ; Largeault, « Inscriptions métriques », 1884, p. 17-18 ; CIFM, 1, 1974, p. 38-39 n°33 ; Clavis Alcuin, 1999, n°ALC 61.99.2, p. 421.

Édition

Quintinus martyr, pater et dionysius aram,
hanc servent precibus semper ab hoste suis,
doctores vitæ meritis vivacibus ambo
sanguine qui roseo regna beata tenent.

Traduction

Que Quentin, martyr, et Denis, père,
Protègent à jamais de l'Ennemi cet autel par leurs prières,
Maîtres l'un et l'autre pour longtemps par les mérites de leur vie,
Que par leur sang versé ils possèdent les royaumes bienheureux.

Commentaire

L'inscription comprend deux distiques élégiaques. On a semper ab hoste suis dans les inscriptions d'Alcuin pour Saint-Vaast[1]. Par hoste au deuxième vers, il faut entendre l'Ennemi, le diable, comme le comprennent plusieurs auteurs célèbres, Hilaire, Augustin, Jérôme, Grégoire le Grand. Le sanguine roseo, le sang "vermeil", est une expression pour les besoins de la versification - on trouve plutôt sanguine rubro. Les "royaumes bienheureux" sont cités aussi par Alcuin dans son épitaphe pour le pape Hadrien à Saint-Pierre du Vatican, et seront repris à Poitiers dans l'épitaphe d'Adda au IXe siècle. Quentin et Denis sont des martyrs du IIIe siècle. L'un et l'autre ont été décapités. Le premier, noble romain venu évangéliser la Gaule au nord de Paris, a été arrêté par le préfet Rictiovar et mis à mort au lieu appelé aujourd'hui Saint-Quentin (Aisne). Le second est le bien connu évêque de Paris. L'absidiole sud-est du déambulatoire de Saint-Hilaire est couverte de peintures murales de la Passion de saint Quentin[2], un saint qui n'est pas vénéré ailleurs en Poitou. Près de cette absidiole est conservée une inscription de fondation de messes par Jean de l'Hôpital, chapelain de la chapelle Saint-Denis au milieu du XVe siècle[3], et un acte de 1465 cite aussi cette chapelle[4], que mentionne toujours le Pouillé du diocèse en 1782. On voit ainsi que l'inscription d'Alcuin n'est pas un simple exercice de style. Elle est le premier témoignage du culte, à Saint-Hilaire, des martyrs Quentin et Denis.


Commentaire commun aux notices du CIFM Hors-Série II, 4-25 :

Alcuin est né en Northumbrie vers 735. Il a été le maître de l'école épiscopale d'York, puis s'est installé vers 782 à Aix-la-Chapelle à la demande de Charlemagne. Il y a dirigé l'école palatine et il fut un très proche conseiller du souverain. Nommé abbé de Saint-Martin de Tours en 796, il s'installa à Tours en 801 et y resta jusqu'à sa mort en 804.


Les œuvres de cet écrivain prolifique ont été publiées par dom Froben Forster en 1777. Cette édition a été reprise par J.-P. Migne dans sa Patrologie latine, au tome CI, en 1863. On y trouve, col. 747-752, 28 inscriptions « pour un certain monastère, peut-être Nouaillé », en raison de la mention d'Aton, "fondateur" du monastère de Nouaillé en 793 d'après la note de la col. 747. En 1884 l'abbé Alfred Largeault a étudié ces inscriptions et a eu le mérite de repérer que la plupart d'entre elles concernaient l'église Saint-Hilaire de Poitiers. Il n'a pas eu, à l'époque, connaissance de l'édition des œuvres poétiques d'Alcuin par Ernest Duemmler dans le tome I des Pœtæ latini ævi carolini, 1881, où l'on trouve sous le n°XCIX, p. 323-327, 22 inscriptions, que le titre courant donne « pour le monastère de Nouaillé ». Ce sont bien, en fait, des inscriptions pour Saint-Hilaire de Poitiers, composée par Alcuin, à la demande d'Aton, "parent" de Louis le Pieux, roi d'Aquitaine, abbé de Saint-Hilaire en 793-794, abbé et aussi évêque de Saintes en 799. Ce sont ces 22 inscriptions de l'édition de Duemmler qui seront ici étudiées.


Si aucune preuve matérielle n'établit que ces textes aient été effectivement gravés, ils sont composés dans une forme épigraphique, et ils apportent pour l'histoire de Saint-Hilaire de premiers et précieux témoignages sur des autels et des chapelles connus par les textes postérieurs. Alcuin a de même composé des séries d'inscriptions pour d'autres monastères, Saint-Vaast d'Arras, Saint-Amand-les-Eaux, Salzbourg, qui ont beaucoup de points communs avec celles de Saint-Hilaire[5]. Il faut, semble-t-il écarter le monastère de Nouaillé pour ces compositions métriques d'Alcuin, car la celle n'en est qu'à ses débuts, et est dirigée par le prêtre Hermembert, même si il y a eu au départ des liens avec la communauté hilarienne.


Pour les bibliographies, éditions, traductions des œuvres d'Alcuin, il faut se référer au volume consacré à Alcuin dans la Clavis scriptorum latinorum Medii Aevi[6].




[1] L'inscription d'Alcuin pour un autel Saint-Quentin à Saint-Vaast est proche de celle de Saint-Hilaire. Poetæ latini ævi carolini, 1, p. 316.
[2] Voir la notice n°63 du CIFM, Hors-Série II.
[3] Voir la notice n°166 du CIFM, Hors-Série II.
[4] Archives départementales de la Vienne, G 982, fol. 6.
[5] Voir sur Alcuin et l'épigraphie l'article de Cécile ​Treffort, « La place d'Alcuin dans la rédaction épigraphique carolingienne », 2004.
[6] Jullien, Perelman, Clavis Alcuin, 1999.