​ Poitiers, église Saint-Hilaire ​- ​Inscription pour l'autel Saint-Jean  ​  ​


Poitiers, église Saint-Hilaire ​- ​Inscription pour l'autel Saint-Jean

Corpus des Inscriptions de la France Médiévale, vol. Hors-Série II, nº12 ​  ​


Description générale

Inscription pour un autel. Composition littéraire à caractère épigraphique. 
 ​ Datation : inscription composée à la demande d'Aton, abbé de Saint-Hilaire à partir de 793-794 (comme l'ensemble des notices 4-25).

Bibliographie

Patrologie latine, 101751, n°98 ; Pœtæ latini ævi carolini, I, p. 327 n°XIX ; Largeault, « Inscriptions métriques », 1884, p. 57 ; CIFM, 1, 1974, p. 43 n°39 ; Clavis Alcuin, 1999, n°ALC 61.99.19, p. 426-427.

Édition

Hoc altare tenet Christi symmista Johannes,
qui super in cæna pectora sancta cubat,
qui secreta poli sacro de fonte bibebat.
Hanc totam precibus protegat ille domum.

Traduction

Jean, compagnon du Christ, possède cet autel,
Lui qui, à la Cène, s'appuie sur le sein divin,
Lui qui buvait à la source sainte les secrets du ciel.
Qu'il protège par ses prières l'ensemble de cette maison.

Commentaire

Dans cette inscription en deux distiques élégiaques Alcuin renvoie à la Cène où il est dit qu'« un des disciples, celui que Jésus aimait, se trouvait à table couché sur la poitrine de Jésus » (Jean 13, 23), ou à la troisième manifestation de Jésus resssuscité aux disciples : « le disciple que Jésus aimait, celui qui, pendant le repas, s'était couché sur le sein de Jésus », recubuit in cena super pectus ejus (Jean 21, 20). Dans deux autres inscriptions Alcuin emploie l'expression symmista Johannes, que Rabin Maur reprendra après lui[1].

L'existence de cet autel à Saint-Hilaire est attestée par une charte de mai 988-996 qui est souscrite in ecclesia Sancti Hylarii, juxta altare Sancti Johannis evangeliste, "près de l'autel de saint Jean l'évangéliste"[2]. Une chapelle Saint-Jean-l'Évangéliste est signalée en 1577[3]. Alcuin a envoyé la même inscription à Salzbourg[4].


Commentaire commun aux notices du CIFM Hors-Série II, 4-25 :

Alcuin est né en Northumbrie vers 735. Il a été le maître de l'école épiscopale d'York, puis s'est installé vers 782 à Aix-la-Chapelle à la demande de Charlemagne. Il y a dirigé l'école palatine et il fut un très proche conseiller du souverain. Nommé abbé de Saint-Martin de Tours en 796, il s'installa à Tours en 801 et y resta jusqu'à sa mort en 804.


Les œuvres de cet écrivain prolifique ont été publiées par dom Froben Forster en 1777. Cette édition a été reprise par J.-P. Migne dans sa Patrologie latine, au tome CI, en 1863. On y trouve, col. 747-752, 28 inscriptions « pour un certain monastère, peut-être Nouaillé », en raison de la mention d'Aton, "fondateur" du monastère de Nouaillé en 793 d'après la note de la col. 747. En 1884 l'abbé Alfred Largeault a étudié ces inscriptions et a eu le mérite de repérer que la plupart d'entre elles concernaient l'église Saint-Hilaire de Poitiers. Il n'a pas eu, à l'époque, connaissance de l'édition des œuvres poétiques d'Alcuin par Ernest Duemmler dans le tome I des Pœtæ latini ævi carolini, 1881, où l'on trouve sous le n°XCIX, p. 323-327, 22 inscriptions, que le titre courant donne « pour le monastère de Nouaillé ». Ce sont bien, en fait, des inscriptions pour Saint-Hilaire de Poitiers, composée par Alcuin, à la demande d'Aton, "parent" de Louis le Pieux, roi d'Aquitaine, abbé de Saint-Hilaire en 793-794, abbé et aussi évêque de Saintes en 799. Ce sont ces 22 inscriptions de l'édition de Duemmler qui seront ici étudiées.


Si aucune preuve matérielle n'établit que ces textes aient été effectivement gravés, ils sont composés dans une forme épigraphique, et ils apportent pour l'histoire de Saint-Hilaire de premiers et précieux témoignages sur des autels et des chapelles connus par les textes postérieurs. Alcuin a de même composé des séries d'inscriptions pour d'autres monastères, Saint-Vaast d'Arras, Saint-Amand-les-Eaux, Salzbourg, qui ont beaucoup de points communs avec celles de Saint-Hilaire[5]. Il faut, semble-t-il écarter le monastère de Nouaillé pour ces compositions métriques d'Alcuin, car la celle n'en est qu'à ses débuts, et est dirigée par le prêtre Hermembert, même si il y a eu au départ des liens avec la communauté hilarienne.


Pour les bibliographies, éditions, traductions des œuvres d'Alcuin, il faut se référer au volume consacré à Alcuin dans la Clavis scriptorum latinorum Medii Aevi[6].




[1] Pœtæ latini ævi carolini, I, p. 311 et 335, II, p. 209.
[2] Documents Saint-Hilaire, 1847, p. 67.
[3] Documents Saint-Hilaire, 1852, p. 256.
[4] Clavis Alcuin, 1999, p. 426.
[5] Voir sur Alcuin et l'épigraphie l'article de Cécile ​Treffort, « La place d'Alcuin dans la rédaction épigraphique carolingienne », 2004.
[6] Jullien, Perelman, Clavis Alcuin, 1999.