​ Poitiers, église Saint-Hilaire ​- ​Inscription pour l'autel des martyrs  ​  ​


Poitiers, église Saint-Hilaire ​- ​Inscription pour l'autel des martyrs

Corpus des Inscriptions de la France Médiévale, vol. Hors-Série II, nº14 ​  ​


Description générale

Inscription pour un autel. Composition littéraire à caractère épigraphique. 
 ​ Datation : inscription composée à la demande d'Aton, abbé de Saint-Hilaire à partir de 793-794 (comme l'ensemble des notices 4-25).

Bibliographie

Patrologie latine, 101752, n°100 ; Pœtæ latini ævi carolini, I, p. 327 n°XXI ; Largeault, « Inscriptions métriques », 1884, p. 57 ; CIFM, 1, 1974, p. 44 n°41 ; Clavis Alcuin, 1999, n°ALC 61.99.21, p. 427.

Édition

Martyribus mundum quinam vicere triumphis,
omnibus hæc præsens ara dicata micat.
Per gladios, ignes, et per tormenta, flagella,
mentibus intrepidis regna beata petunt.

Traduction

Dédié à tous les martyrs, qui par leurs triomphes
Ont vaincu le monde, ce présent autel resplendit.
Par les glaives, les flammes, et par les supplices, les fouets,
D'un cœur intrépide ils gagnent les royaumes bienheureux.

Commentaire

Distiques élégiaques. Alcuin emploie pour un autel de Saint-Vaast l'expression ara sacrata micat[1], proche du ara dicata micat de Saint-Hilaire. On trouve regna beata chez Ovide, mais l'expression est surtout employée dans les inscriptions chrétiennes, et ce dès les premiers siècles[2]. Paul Diacre la cite dans l'épitaphe d'Adélaïde, fille de Charlemagne, à Saint-Arnould de Metz, et Alcuin l'utilise à de nombreuses reprises. On trouve surtout regna beata tenet, mais Alcuin dit ailleurs beata regna petit ou petunt[3].

Le pape Boniface IV avait fait rassembler les tombes des martyrs en l'église de Sainte-Marie-aux-Martyrs dont la dédicace eut lieu en 609. Au Xe siècle, sous l'influence des Eglises de Gaule qui célébraient une fête de tous les saints le 1er novembre, Rome adoptera le 1er novembre pour ce que nous appelons la Toussaint.

L'autel des martyrs n'est mentionné à Saint-Hilaire par aucun autre texte. La dédicace de l'église sera célébrée en 1049 le 1er novembre.


Commentaire commun aux notices du CIFM Hors-Série II, 4-25 :

Alcuin est né en Northumbrie vers 735. Il a été le maître de l'école épiscopale d'York, puis s'est installé vers 782 à Aix-la-Chapelle à la demande de Charlemagne. Il y a dirigé l'école palatine et il fut un très proche conseiller du souverain. Nommé abbé de Saint-Martin de Tours en 796, il s'installa à Tours en 801 et y resta jusqu'à sa mort en 804.


Les œuvres de cet écrivain prolifique ont été publiées par dom Froben Forster en 1777. Cette édition a été reprise par J.-P. Migne dans sa Patrologie latine, au tome CI, en 1863. On y trouve, col. 747-752, 28 inscriptions « pour un certain monastère, peut-être Nouaillé », en raison de la mention d'Aton, "fondateur" du monastère de Nouaillé en 793 d'après la note de la col. 747. En 1884 l'abbé Alfred Largeault a étudié ces inscriptions et a eu le mérite de repérer que la plupart d'entre elles concernaient l'église Saint-Hilaire de Poitiers. Il n'a pas eu, à l'époque, connaissance de l'édition des œuvres poétiques d'Alcuin par Ernest Duemmler dans le tome I des Pœtæ latini ævi carolini, 1881, où l'on trouve sous le n°XCIX, p. 323-327, 22 inscriptions, que le titre courant donne « pour le monastère de Nouaillé ». Ce sont bien, en fait, des inscriptions pour Saint-Hilaire de Poitiers, composée par Alcuin, à la demande d'Aton, "parent" de Louis le Pieux, roi d'Aquitaine, abbé de Saint-Hilaire en 793-794, abbé et aussi évêque de Saintes en 799. Ce sont ces 22 inscriptions de l'édition de Duemmler qui seront ici étudiées.


Si aucune preuve matérielle n'établit que ces textes aient été effectivement gravés, ils sont composés dans une forme épigraphique, et ils apportent pour l'histoire de Saint-Hilaire de premiers et précieux témoignages sur des autels et des chapelles connus par les textes postérieurs. Alcuin a de même composé des séries d'inscriptions pour d'autres monastères, Saint-Vaast d'Arras, Saint-Amand-les-Eaux, Salzbourg, qui ont beaucoup de points communs avec celles de Saint-Hilaire[4]. Il faut, semble-t-il écarter le monastère de Nouaillé pour ces compositions métriques d'Alcuin, car la celle n'en est qu'à ses débuts, et est dirigée par le prêtre Hermembert, même si il y a eu au départ des liens avec la communauté hilarienne.


Pour les bibliographies, éditions, traductions des œuvres d'Alcuin, il faut se référer au volume consacré à Alcuin dans la Clavis scriptorum latinorum Medii Aevi[5].




[1] Pœtæ latini ævi carolini, I, 1881, p. 310 ; voir aussi, p. 312, hæc ara dicata.
[2] Diehl, Inscriptiones latinæ, III, 1961, p. 396. Aussi à Séville en 641.
[3] Pœtæ latini ævi carolini, I, 1881, p. 235 et 316.
[4] Voir sur Alcuin et l'épigraphie l'article de Cécile ​Treffort, « La place d'Alcuin dans la rédaction épigraphique carolingienne », 2004.
[5] Jullien, Perelman, Clavis Alcuin, 1999.