L’épitaphe inscrite sur cette tombe est particulièrement brève, réduite à deux formules funéraires. La première des expressions formulaires est celle du repos du corps hic jacet qui introduit le nom du défunt, la seconde est la prière pour le repos de l’âme[1]. La date du décès n’est pas mentionnée. Le nom et les armoiries viennent identifier le mort. C’est d’ailleurs une des rares inscriptions accompagnées d’armoiries : le seul autre exemple recensé jusqu’ici est la dalle de Gautier de Meinneabeuf mort à Acre en 1278, conservée au Musée de Cluny à Paris. Le blason n’est pas ici relégué dans un angle, mais occupe la place centrale de la dalle.
Philippe d’Aubigny (c. 1166-1236)[2] était un chevalier anglais issu d’une famille d’origine bretonne. Il fut gardien de Guernesey à partir de 1207, puis de Jersey à partir de 1212[3]. Son nom apparaît dans le préambule de la Magna Carta en 1215. Tuteur puis conseiller du roi Henri III (1207-1272), il vint à trois reprises au Levant : en 1221, il arriva à Damiette alors que prenait fin la cinquième croisade, il reprit ensuite la croix en 1228, et en 1234-35 il prépara à nouveau une expédition vers l’Orient et mourut à Jérusalem en 1236. Philippe d’Aubigny incarne l'archétype du croisé zélé et idéaliste[4]. Le chroniqueur anglais, Matthieu Paris, lui consacra plusieurs passages dans la Chronica Major, notamment à sa mort, comme une sorte de court éloge funèbre : « Circa illos dies, nobilis ac Deo devotus in armis strenuus miles Philippus de Albineto, postquam militaverat Deo in Terra Sancta peregrinando pluries, tandem in eadem diem claudens extremum et finem faciens laudabilem, sanctam meruit in Terra Sancta, quod vivus diu desideraverat, sepulturam[5]. »
C’est grâce à Matthieu Paris que l’on connaît la date du décès ; la tombe a dû être réalisée au même moment, comme le confirme l’analyse paléographique. De plus, c’est la décennie pendant laquelle Jérusalem revient aux mains des Francs, après le traité de Jaffa de 1229. Alors que l’intérieur de la basilique du Saint-Sépulcre était la nécropole des rois latins de Jérusalem, le parvis semble avoir accueilli d’autres tombes, mais seule celle de Philippe d’Aubigny portait une épitaphe.