​ Jérusalem, basilique du Saint-Sépulcre ​- ​Inscription funéraire pour Philippe d'Aubigny  ​  ​  ​  ​


Jérusalem, basilique du Saint-Sépulcre ​- ​Inscription funéraire pour Philippe d'Aubigny

Inscriptions du Royaume latin de Jérusalem CIFM, vol. Hors-série III ​  ​


Description générale

Inscription funéraire pour un chevalier anglais. 
Dalle. ​ Pierre (marbre).  État de conservation : moyen (restaurée).  ​ Cette tombe est placée au sol sur le parvis de la basilique du Saint-Sépulcre, devant les colonnes entre les deux portes d’entrée. Elle a été découverte in situ en 1867, alors que, à la demande du consul général de France Edmond de Barrère, était déplacé un grand banc de pierre qui bloquait en partie l’entrée dans l’église. D’abord exposée dans sa position initiale, elle se dégrada rapidement par le piétinement quotidien des pèlerins. En 1925, le gouverneur britannique Ronald Storrs demanda à ce qu’elle soit descendue dans le sol et protégée par une grille en fer. Elle est aujourd’hui toujours en place sur le parvis, mais elle n’est plus visible car recouverte par une trappe en bois. Gravée en creux. Dalle plate, de forme trapézoïdale et aux bords biseautés.
Datation : 1236 [par identification du personnage, en accord avec l’analyse paléographique].

Bibliographie

Texte d’après les relevés et photos réalisés avant 1925.
HAVET ​Julien, CLERMONT-GANNEAU ​Charles, « Philippe d'Aubigny » Revue critique d’histoire et de littérature, 1876, n°2, p. 173-174, 206-207, 398-399 [texte et commentaire] ; VAUX Ludovic (DE), La Palestine, Paris : Ernest Leroux éditeur, 1883, note III, p. XXVII-XXX [texte et commentaire] ; HANAEUR ​James Edward, « The Tomb of Philip D’Aubigné at Jerusalem » Palestine Exploration Quarterly, 1887, 19:2, p. 76-78 [texte, dessin, commentaire] ; CLERMONT-GANNEAU ​Charles, « The Tomb of Philippe d'Aubigné : Master and Tutor of Henry III, King of England, Governor of Jersey and the Channel Islands » Archaeological researches in Palestine, during the years 1873-1874, 1 , Londres : Palestine Exploration Fund, 1899, p. 106-112 [texte, dessin, commentaire] ; JEFFERY ​George, A Brief Description of the Holy Sepulchre Jerusalem and Other Christian Churches in the Holy City : With Some Account of the Mediaeval Copies of the Holy Sepulchre Surviving in Europe , Cambridge : Cambridge University Press, 1919, p. 125-127 [texte, dessin, commentaire] ; FOLDA ​Jaroslav, Crusader Art in the Holy Land. From the Third Crusade to the Fall of Acre, 1187-1291 , Cambridge : Cambridge University Press, 2005, p. 162-163 [texte, image] ; PRINGLE ​Denys, The churches of the Crusader Kingdom of Jerusalem : a corpus. Volume III: the city of Jerusalem , New York/Cambridge : Cambridge University Press, 2007, p. 68 [texte].

Description paléographique

Disposition horizontale du texte sur trois lignes. Écriture régulière, de module large, alternant capitales (tous les V) et onciales (tous les E et les H), parfois pour une même lettre, tels les M (oncial et fermé dans amen) et les N (oncial pour le 2eN de Aubingni). Les A présentent une traverse brisée et un plateau débordant dans certains cas (1erA de anima, et amen) et dans d’autres ont le trait vertical gauche redoublé (jacet, 2eA de anima et pace). Les P ont une panse très développée, s’étendant sur les deux tiers du trait vertical. Les mots sont régulièrement séparés par trois points, avec quelques exceptions (un seul point entre hic et jacet ; aucun point entre anima et requiescat, et in et pace). Le texte était encadré par deux croix, indiquées sur plusieurs dessins, mais non visibles sur les photographies.





Édition imitative


1 ​---HIC ​· ​IACET ​⁝ ​PHILIPPVS ​⁝ ​DE ​
2 ​AVBIGNI ​⁝ ​CVIVS ​ANIMA ​RE
3 ​QVIESCAT ​⁝ ​IN ​PACE ​⁝ ​AMEN ​[.]

1 ​---IC ​· ​IACT ​⁝ ​PILIPPVS ​⁝ ​D ​
2 ​AVBIGI ​⁝ ​CVIVS ​ANIMA ​R
3 ​QVISCAT ​⁝ ​IN ​PAC ​⁝ ​AN ​[.]

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1 ​---IC ​· ​IACT ​⁝ ​PILIPPVS ​⁝ ​D ​
2 ​AVBIGI ​⁝ ​CVIVS ​ANIMA ​R
3 ​QVISCAT ​⁝ ​IN ​PAC ​⁝ ​AN ​[.]

Légende

Rouge : caractères allographes.



1 ​---IC ​· ​IACT ​⁝ ​PILIPPVS ​⁝ ​D ​
2 ​AVBIGI ​⁝ ​CVIVS ​ANIMA ​R
3 ​QVISCAT ​⁝ ​IN ​PAC ​⁝ ​AN ​[.]

Légende

Bleu : mot abrégé.
Rouge : signe d'abréviation.



1 ​---IC ​· ​IACT ​⁝ ​PILIPPVS ​⁝ ​D ​
2 ​AVBIGI ​⁝ ​CVIVS ​ANIMA ​R
3 ​QVISCAT ​⁝ ​IN ​PAC ​⁝ ​AN ​[.]

Légende

Cette inscription ne contient pas de jeux de lettres.



1 ​---IC·IACTPILIPPVSD
2 ​AVBIGICVIVSANIMAR
3 ​QVISCATINPACAN[.]

Légende

Représentation des espaces entre les lettres tels qu'ils sont dans l'inscription.
Rouge : signalement des figures qui s'interposent avec le texte.



Édition critique

[.] Hic jacet Philippus de Aubigni cujus anima requiescat in pace. Amen.[.]

Traduction

Ici gît Philippe d’Aubigny. Que son âme repose en paix. Amen.

Commentaire

L’épitaphe inscrite sur cette tombe est particulièrement brève, réduite à deux formules funéraires. La première des expressions formulaires est celle du repos du corps hic jacet qui introduit le nom du défunt, la seconde est la prière pour le repos de l’âme[1]. La date du décès n’est pas mentionnée. Le nom et les armoiries viennent identifier le mort. C’est d’ailleurs une des rares inscriptions accompagnées d’armoiries : le seul autre exemple recensé jusqu’ici est la dalle de Gautier de Meinneabeuf mort à Acre en 1278, conservée au Musée de Cluny à Paris. Le blason n’est pas ici relégué dans un angle, mais occupe la place centrale de la dalle.

Philippe d’Aubigny (c. 1166-1236)[2] était un chevalier anglais issu d’une famille d’origine bretonne. Il fut gardien de Guernesey à partir de 1207, puis de Jersey à partir de 1212[3]. Son nom apparaît dans le préambule de la Magna Carta en 1215. Tuteur puis conseiller du roi Henri III (1207-1272), il vint à trois reprises au Levant : en 1221, il arriva à Damiette alors que prenait fin la cinquième croisade, il reprit ensuite la croix en 1228, et en 1234-35 il prépara à nouveau une expédition vers l’Orient et mourut à Jérusalem en 1236. Philippe d’Aubigny incarne l'archétype du croisé zélé et idéaliste[4]. Le chroniqueur anglais, Matthieu Paris, lui consacra plusieurs passages dans la Chronica Major, notamment à sa mort, comme une sorte de court éloge funèbre : « Circa illos dies, nobilis ac Deo devotus in armis strenuus miles Philippus de Albineto, postquam militaverat Deo in Terra Sancta peregrinando pluries, tandem in eadem diem claudens extremum et finem faciens laudabilem, sanctam meruit in Terra Sancta, quod vivus diu desideraverat, sepulturam[5]. »

C’est grâce à Matthieu Paris que l’on connaît la date du décès ; la tombe a dû être réalisée au même moment, comme le confirme l’analyse paléographique. De plus, c’est la décennie pendant laquelle Jérusalem revient aux mains des Francs, après le traité de Jaffa de 1229. Alors que l’intérieur de la basilique du Saint-Sépulcre était la nécropole des rois latins de Jérusalem, le parvis semble avoir accueilli d’autres tombes, mais seule celle de Philippe d’Aubigny portait une épitaphe.




[1] Sur le développement de ces formules, voir Estelle  ​Ingrand-Varenne, « Formule épigraphique et langue : le cas de "hic jacet" » La formule au Moyen Âge, Élise Louviot dir., Turnhout : Brepols, 2012, p. 171-190.
[2] Dans les sources médiévales, ce nom s’écrit avec des graphies variées : Daubeney, Philippus de Albeneio, Philippus de Albineto chez Matthieu Paris, Philippus de Albignei sur son sceau.
[3] Julien ​Havet, « Série chronologique des gardiens et seigneurs des îles normandes (1198-1461) » Bibliothèque de l'École des chartes, 1876, t. 37, p. 190-191.
[4] Sur la carrière de Philippe d’Aubigny, voir Nicholas ​Vincent, dans Oxford Dictionary of National Bibliography (https://doi.org/10.1093/ref:odnb/47227) et Christopher ​Tyerman, England and the Crusades, 1095-1588, Chicago/London : University of Chicago Press, 1996, p. 97-99.
[5] Matthæi Parisiensis, monachi sancti Albani Chronica majora, ed. Henry Richards Luard, London : Longman and Trübner, 1872-1883, 7 t., t. 3, p. 373.