Quoique très fragmentaire – seuls six mots sont visibles – cette inscription contient deux formules qui ont permis d’identifier son contexte. En effet, l’expression semper augustus de la première ligne constitue une partie du titre de Frédéric II, comme l’a remarqué Clermont-Ganneau en suivant une suggestion de M. Schlumberger. Frédéric II de Hohenstaufen (1194-1250) était dit empereur auguste des Romains, roi de Jérusalem et de Sicile, Fredericus Dei gratia Romanorum imperator semper augustus, Jerusalem et Sicilie rex. La deuxième ligne donne à lire une formule de datation : anno Dominice incarnationis. On peut interpréter la première barre verticale comme un élément de la lettre N de Dominice. Cette expression se trouve tout au long du xiie dans le cartulaire du Saint-Sépulcre.
L’identification de Frédéric II permit à Clermont-Ganneau de conclure que l’inscription n’était certainement pas funéraire, mais devait davantage être une mention de construction ou une dédicace d’un édifice important. Elle permit également de fournir une date approximative du texte. Frédéric II devint roi de Jérusalem par son mariage, en novembre 1225, avec Isabelle-Yolande de Brienne, héritière du trône duquel il évinça son beau-père Jean de Brienne. Il n’y séjourna que pendant la croisade de 1228-1229. Jaffa était l’un des ports croisés utilisés pour l'acheminement des biens et des personnes et le centre administratif d’une des principales seigneuries La ville ayant été détruite en 1197, l’empereur entreprit des travaux de fortification et les murs de la citadelle furent relevés de novembre-décembre 1228 à janvier 1229. C’est également là, le 18 février 1229, que Frédéric II conclut un traité avec le sultan d’Égypte Al-Malik al-Kâmil, une trêve de dix ans prévoyant la restitution de Jérusalem et d’un couloir aboutissant à Jaffa. Que commémorait exactement l’inscription ? Il est impossible d’y répondre, mais le soin apporté à la gravure, qui d’après le dessin était fine, avec une écriture élégante, faite de pleins et de déliés, et le type de caractères utilisés confirment la datation.
L’histoire de ce fragment a été renouvelée et confortée par l’analyse d’une autre inscription de Jaffa, mais en arabe, par Moshe Sharon en 2016. Ce bloc de pierre trouvé dans un des murs du sanctuaire de Shaykh Murād près de Jaffa, mentionné dès 1932, n’avait pas jusque-là attiré l’attention car on le pensait d’époque ottomane. Il porte pourtant lui aussi la titulature de Frédéric II et est l’unique témoignage épigraphique croisé écrit en arabe. Réparti sur quatre lignes, le texte a été recomposé ainsi (grâce au préambule d’une lettre de l’empereur de 1229 en arabe) : [L’auguste César], Empereur de Rome, Fré[déric, victorieux par (l’aide de) Dieu, roi d’Allemagne] et de Lombardie, et de Toscane, et d’Italie, et [de Longobardie, et de Calabre et de Sicile et du Royaume syrien] de Jérusalem; défenseur du pape de Rome, protecteur de la communauté des Chrétiens [au mois de février (?) de l’an mil] deux cent vingt-neuf de l’incarnation de notre Seigneur Jésus-Christ…
Quel lien unit les deux textes ? Il est difficile d’être aussi affirmatif que Moshe Sharon et de dire qu’il s’agit d’inscriptions « jumelles », bien que cela soit très tentant. Certes, elles ont été retrouvées dans les ruines de la Jaffa médiévale, probablement lors de la reconstruction des murs modernes au début du xixe siècle, et appartiennent sans aucun doute au même contexte. Toutefois, le type de pierre et les techniques de gravure employées différent profondément : l’inscription en arabe a été sculptée en relief sur un bloc de marbre gris (35.6 × 51 (56 cm max.) × 25 cm), peut-être le linteau monumental au-dessus de la porte de la citadelle comme le suggère Moshe Sharon, alors qu’on a gravé le texte latin en creux sur une plaque fine. Si elles avaient le même commanditaire et portaient peut-être les mêmes informations (au moins la titulature et une date), ces deux pierres ne s’adressaient pas au même public et n’avaient ni les mêmes fonctions, ni les mêmes supports.
Ajoutons pour finir que Clermont-Ganneau signale une autre « prétendue » inscription, un fragment intégré dans le mur de la ville dont on lui a parlé, et qui d’après la description qui lui a été faite, lui paraît médiéval. Il n’a pu vérifier les faits et se demande s’il ne s'agit pas d'un fragment qu’il a trouvé en en 1881, se référant au roi d'Angleterre.