Cette inscription funéraire est très sobre, lapidaire au sens propre comme au sens figuré. Elle rappelle l’épitaphe de Philippe d’Aubigny, à l’entrée du Saint-Sépulcre, avec les deux mêmes formules. La première, hic jacet, évoque le repos du corps du défunt au présent, tandis que la seconde, requiescat anima in pace, est une prière pour le repos de l’âme[1]. Rien n’est dit sur le défunt, son statut, ni sur la date de son décès. Il est simplement présenté par rapport à son frère Adam. La forme Adae est une des formes de génitif du nom Adam. Le patronyme des deux frères permet de conclure qu’ils sont d’origine française, et certainement de l’Aunis. Plusieurs familles portaient ce nom, notamment le théologien franciscain, collaborateur d’Alexandre de Halès, Jean de La Rochelle (Johannes de Rupella, c. 1190-1245). Pour Pierre-Vincent Claverie, avec la mention des deux frères, il est tentant d’en faire un paumier inhumé dans la capitale judéenne par son frère à l’issue d’un pèlerinage tragique, car de nombreuses chartes de croisade françaises mentionnent le départ en Orient de binômes fraternels au cours des xiie et xiiie siècles.
Clermont-Ganneau, constatant l’existence d’une « vide fruste » entre hic et jacet, alors qu’il essayait d’ajuster les deux estampages réalisés, émet l’hypothèse que l’inscription était surmontée d’une grande croix dont le pied descendait au milieu de cette première ligne. Cela paraît néanmoins peu probable. Le fragment restant permet en revanche d’avancer qu’il s’agissait d’une tombe plate, sans doute. L’épaisseur de la pierre et la grande taille des caractères sont davantage l’indice d’une dalle mise au sol que d’une plaque encastrée dans le mur. Elle fut plus tard débitée et remployée.
Cette épitaphe a été réalisée dans la première moitié du xiiie siècle, comme incite à le penser l’écriture gothique (notamment la forme des A). On ne peut souscrire à la proposition de Clermont-Ganneau qui voyait des similitudes avec les inscriptions de l’église de la Nativité de Bethléem et les mentions de sainte Anne au marché, et s’appuyait surtout sur les « probabilités historiques », avec un décès avant la prise de cette ville par Saladin. L’exemple bien daté d l’épitaphe Philippe d’Aubigny (1236) montre que des inscriptions ont été réalisées dans la décennie où les Francs avaient de nouveau accès à Jérusalem. Le plus probable est que le texte pour Jean de La Rochelle ait été gravé à cette même époque.