Bourges, Musée du Berry - Inscription funéraire pour Wandalbertus
Description générale
Inscription funéraire pour un homme.Plate-tombe. Pierre. Dimensions du support : largeur à gauche : 54 cm ; largeur à droite : 47 cm, longueur : 110 cm, épaisseur : entre 10 et 11. État de conservation : assez bon en deux fragments (il s’agissait déjà d’une pierre de remploi comme le prouvent les deux trous de fixation entre le troisième et la quatrième ligne), inscription incomplète (il manque le fragment droit, d’environ 30 cm de longueur, en comparaison des autres dalles). Inscription conservée, mais déplacée. Découverte en 1981, à Saint-Outrille-du-Château, au nord de l’ancienne église et à proximité de la crypte Sainte-Blandine, dans un espace qui peut être considéré comme un cloître. La plate-tombe recouvrait une sépulture en pleine terre. Localisation actuelle : salle d’archéologie du Musée, vitrine funéraire. Nº d'inventaire : D.1985.1.1. Gravée en creux.
Datation : Fin VIIIe-début IXe siècle [datation paléographique et linguistique].
Bibliographie
Texte d’après l’original vu le 13 juin 2012.Gallia, 42, 1984, p. 274 [texte] ; Ruffier, Recherches archéologiques à Bourges, 1980-1982, 1983, p. 40-51 [texte, illustration, commentaire] ; Jenn, Ruffier, « Les plates-tombes de Saint-Outrille-du-Château », 1986, p. 54-56 [texte, traduction, commentaire, illustration].
Description paléographique
Disposition horizontale sur cinq lignes. Lettres capitales. C carrés, G rond dans gremium, M avec première haste verticale et seconde oblique. Présence du W. Écriture large et irrégulière. Double réglure visible ; absence de ponctuation. Abréviations par élision signalées par un tilde droit pour pridie et nonas. A et L conjoints dans Wandalbertus. La hauteur des lettres : varie entre 4,4 cm et 8 cm (M de gremium : 7 cm en hauteur et en largeur). Absence de ponctuation et de décor.
Édition imitative
1 CLAVDITVR HOC GREMI[..]
2 WANDALBERTVS RITE SEPVL[...]
3 QVI STVDVIT VITAM [---
4 ABERE PIAM
5 OBIIT PRID̅ NO̅N IV[...]
1 CLAVDITVR HO GREMI[..]
2 WANDALBERTVS RITE SEPVL[...]
3 QVI STVDVIT VITAM [---
4 ABERE PIAM
5 OBIIT PRID̅ NO̅N IV[...]
Édition normalisée
Clauditur hoc gremi[um] Wandalbertus rite sepul[tus] qui studuit vitam[ semper] abere piam. Obiit prid(ie) non(as) ju[nii ou lii].Traduction
Commentaire
L’épitaphe gravée sur cette plate-tombe est fortement semblable à la précédente. Les mêmes formules sont employées, exactement sur les mêmes lignes, et seuls ont été modifiés le nom du défunt, un homme nommé Wandalbertus (prénom attesté au IXe et Xe siècle[1]) et la date du décès.
Françoise Jenn l’a interprétée comme une reprise de l’inscription funéraire de Gausberga, mais avec de nombreuses maladresses. Cette reprise à l’identique montre la mauvaise compréhension des expressions utilisées. Comme dans l’épitaphe de Gausberga, les deux premières lignes pourraient former un hexamètre, mais le nom Wandalbertus comporte un pied supplémentaire. Plusieurs indices dans la réalisation graphique témoignent d’une mauvaise compréhension du sens du texte recopié. L’espacement des lettres ne respecte pas la coupure des mots ; certains caractères ont sans doute été oubliés puis rajoutés (tel le V de Wandalbertus) ; les tildes droits d’abréviations des mots pridie et nonas à la dernière ligne ont été traités comme des tirets et intégrés à la quatrième ligne. On peut donc supposer que l’épitaphe de Wandalbertus est postérieure à celle de Gausberga qui lui a servi de modèle.
Présentation du site et informations additionnelles
Le Musée du Berry possède une collection de vingt-cinq inscriptions funéraires du haut Moyen Âge, gravées essentiellement sur des plates-tombes, mais aussi sur des couvercles de sarcophage et peut-être des stèles. Elles proviennent pour la plupart de Saint-Outrille-du-Château où se trouvait un ensemble monastique urbain de Bourges, fondé probablement avant le VIe siècle. Le monastère reçut les sépultures de cinq évêques entre la fin du VIe siècle et le premier quart du VIIe siècle ; son rôle déclina par la suite et seul Étienne y encore est inhumé vers 830. Le nombre particulièrement élevé de ces épitaphes semble indiquer le statut particulier du site à l’époque. La découverte de ces textes épigraphiques s’est faite en quatre étapes, plus ou moins bien documentées pour les plus anciennes : la première avant 1870, puis en 1874, en 1934 et en 1981 lors de fouilles de sauvetage. Ces inscriptions sont classées ici par ordre de découverte la plus récente, qui est le classement adopté par Françoise Jenn et Oliver Ruffier dans leur article très détaillé sur lequel s’appuient ces notices[2]. La mission du CIFM dans les réserves du Musée du Berry à Bourges a permis de mettre au jour un nouveau fragment (notice n°95), ainsi que de découvrir une plate-tombe bûchée (non publiée puisqu’elle est désormais anépigraphe).Il est difficile de dater avec précision ces textes, la confrontation de plusieurs critères permet de les attribuer aux époques mérovingienne (notices n°84-88 selon Olivier Ruffier) ou carolingienne, et peut-être certains d’entre eux relèvent-ils davantage du RICG que du CIFM. Sans être assuré de la datation haute et afin de respecter la cohérence de l’ensemble, il est préférable d’éditer toute la collection. Pour mieux comprendre la production épigraphique de ces périodes, nous renvoyons le lecteur au volume Hors Série n°1 du CIFM consacré aux épitaphes carolingiennes du Centre Ouest de la France (Poitou, Touraine, Anjou, Maine)[3].
Les défunts commémorés par ces inscriptions sont des hommes, des femmes et des enfants, dont le statut social n’est jamais mentionné ; on ne sait donc s’il s’agit de clercs ou de laïcs. Ces personnages sont, sans nul doute, des lettrés appartenant à une élite cultivée. Leur lien avec Saint-Outrille n’est pas connu. Les similitudes repérables dans la dizaine d’épitaphes découvertes en 1981 laissent penser à l’existence d’un atelier ayant travaillé pour la nécropole de Saint-Outrille, sur une période de temps assez brève. La composition formulaire de cette série a été étudiée par Cécile Treffort[4]. Les rédacteurs, qui pouvaient être les lapicides eux-mêmes, avaient sans doute à leur disposition plusieurs membres de phrases, dont certains étaient versifiés, et ils les associaient comme ils l’entendaient.
[1] Morlet, Les noms de personne sur le territoire de l’ancienne Gaule, I, 1968, p. 216.
[2] Jenn, Ruffier, « Les plates-tombes de Saint-Outrille-du-Château », 1986, p. 33-74.
[3] Voir aussi Treffort C., Mémoires carolingiennes. L’épitaphe entre célébration mémorielle, genre littéraire et manifeste politique (milieu VIIIe-début XIe siècle) , Rennes, 2007.
[4] Sur la composition des inscriptions carolingiennes de Saint-Outrille, voir Treffort C., « Corps individuel, corps social, corps eschatologique. Le discours sur le corps dans les épitaphes carolingiennes » Actes du colloque du XXXVe Congrès international de l'Association des Professeurs de Langues Anciennes de l'Enseignement supérieur. Poitiers, 24-26 mai 2002 , Poitiers, 2004, p. 37-38 ; Treffort C., Mémoires carolingiennes, op. cit., p. 188-203, particulièrement et 194-195.
