Cette épitaphe montre une réalisation très soignée à la fois dans sa réalisation matérielle et dans sa composition textuelle. Elle est en tout point semblable à la précédente dans son formulaire, les seules modifications portant sur les éléments personnels que sont le nom du défunt et la date de son décès, et sur des variantes orthographiques (humo écrit avec ou sans aspiration). Malgré l’aspect fragmentaire de l’épitaphe de Sillebertus, la mise en page (et plus particulièrement la « mise en ligne » des expressions stéréotypées) de ces deux inscriptions funéraires sur plates-tombes est tout à fait identique.
Hic requiescit, nomine, in aetate senectutis, migravit a seculo, ac moriendo, petiit corpus ejus humo, pro cujus anima omnes nos precemur Deum sont autant d’expressions que l’on peut lire dans les autres textes funéraires de Bourges pour le haut Moyen Âge. Le caractère très stéréotypé et formulaire de cette épitaphe montre encore une fois le travail de composition du texte à l’atelier de Saint-Outrille-du-Château. Le texte funéraire pour Eldegarius ainsi que celui de Sillebertus représentent, selon Françoise Jenn, la meilleure production connue de cet atelier. Par ailleurs, Marie-Thérèse Morlet ne cite qu’une fois, en 920, le prénom Eldegarius, variante de Hildegarius[1].
Présentation du site et informations additionnelles
Le Musée du Berry possède une collection de vingt-cinq inscriptions funéraires du haut Moyen Âge, gravées essentiellement sur des plates-tombes, mais aussi sur des couvercles de sarcophage et peut-être des stèles. Elles proviennent pour la plupart de Saint-Outrille-du-Château où se trouvait un ensemble monastique urbain de Bourges, fondé probablement avant le VIe siècle. Le monastère reçut les sépultures de cinq évêques entre la fin du VIe siècle et le premier quart du VIIe siècle ; son rôle déclina par la suite et seul Étienne y encore est inhumé vers 830. Le nombre particulièrement élevé de ces épitaphes semble indiquer le statut particulier du site à l’époque. La découverte de ces textes épigraphiques s’est faite en quatre étapes, plus ou moins bien documentées pour les plus anciennes : la première avant 1870, puis en 1874, en 1934 et en 1981 lors de fouilles de sauvetage. Ces inscriptions sont classées ici par ordre de découverte la plus récente, qui est le classement adopté par Françoise Jenn et Oliver Ruffier dans leur article très détaillé sur lequel s’appuient ces notices[2]. La mission du CIFM dans les réserves du Musée du Berry à Bourges a permis de mettre au jour un nouveau fragment (notice n°95), ainsi que de découvrir une plate-tombe bûchée (non publiée puisqu’elle est désormais anépigraphe).Il est difficile de dater avec précision ces textes, la confrontation de plusieurs critères permet de les attribuer aux époques mérovingienne (notices n°84-88 selon Olivier Ruffier) ou carolingienne, et peut-être certains d’entre eux relèvent-ils davantage du RICG que du CIFM. Sans être assuré de la datation haute et afin de respecter la cohérence de l’ensemble, il est préférable d’éditer toute la collection. Pour mieux comprendre la production épigraphique de ces périodes, nous renvoyons le lecteur au volume Hors Série n°1 du CIFM consacré aux épitaphes carolingiennes du Centre Ouest de la France (Poitou, Touraine, Anjou, Maine)[3].
Les défunts commémorés par ces inscriptions sont des hommes, des femmes et des enfants, dont le statut social n’est jamais mentionné ; on ne sait donc s’il s’agit de clercs ou de laïcs. Ces personnages sont, sans nul doute, des lettrés appartenant à une élite cultivée. Leur lien avec Saint-Outrille n’est pas connu. Les similitudes repérables dans la dizaine d’épitaphes découvertes en 1981 laissent penser à l’existence d’un atelier ayant travaillé pour la nécropole de Saint-Outrille, sur une période de temps assez brève. La composition formulaire de cette série a été étudiée par Cécile Treffort[4]. Les rédacteurs, qui pouvaient être les lapicides eux-mêmes, avaient sans doute à leur disposition plusieurs membres de phrases, dont certains étaient versifiés, et ils les associaient comme ils l’entendaient.