Il est difficile de déterminer la nature exacte du support de ce texte épigraphique à partir du seul dessin de Buhot de Kersers. La pierre n’a toutefois pas les caractéristiques d’une stèle : aucune place non inscrite ne semble avoir été laissée en bas d’après ce dessin, contrairement à l’inscription d’Emmo (notice n°70), et la base, qui assure la stabilité, n’est pas épaisse.
L’épitaphe débute par une croix initiale suivie d’une formule du repos que l’on trouve également sur la plate-tombe d’Unberga, avec quelques variantes : subtus huc tumulum requiescit corpus Adata. La même confusion entre accusatif et ablatif s’y observe ; elle est par ailleurs très fréquente dans le latin du haut Moyen Âge. Le nom de la défunte est suivi de l’expression Deo devota. M. de Laugardière l’a rapprochée d’une autre formule évoquant peut-être le noviciat. Il est cependant difficile d’affirmer qu’il s’agissait d’une moniale. Cette expression est à rattacher pour le sens, quoiqu’elle soit beaucoup plus concise, de celle en vers montrant l’attachement du défunt à une vie pieuse (qui studuit vitam semper habere piam) très fréquente à Saint-Outrille-du-Château, ou encore de la phrase cujus vita pia et religiosa fuit dans l’inscription de Valdeon. Après le repos du corps vient le repos de l’âme sous forme de prière, avec la réutilisation du même verbe requiescere mais au subjonctif. Le dernier mot n’a pas été identifié.
On restera très prudent sur l’analyse paléographique de cette inscription d’après le seul dessin. Les inexactitudes constatées à propos d’autres épitaphes encore conservées ne permettent pas de considérer comme exact le ductus des lettres. Buhot de Kersers et M. de Laugardière attribuent ce texte à l’époque mérovingienne ; Françoise Jenn propose néanmoins d’élargir la fourchette de datation aux VIIe-VIIIe siècles. C’est pour cette raison et pour la cohérence de la collection, que cette épitaphe est publiée ici.
Présentation du site et informations additionnelles
Le Musée du Berry possède une collection de vingt-cinq inscriptions funéraires du haut Moyen Âge, gravées essentiellement sur des plates-tombes, mais aussi sur des couvercles de sarcophage et peut-être des stèles. Elles proviennent pour la plupart de Saint-Outrille-du-Château où se trouvait un ensemble monastique urbain de Bourges, fondé probablement avant le VIe siècle. Le monastère reçut les sépultures de cinq évêques entre la fin du VIe siècle et le premier quart du VIIe siècle ; son rôle déclina par la suite et seul Étienne y encore est inhumé vers 830. Le nombre particulièrement élevé de ces épitaphes semble indiquer le statut particulier du site à l’époque. La découverte de ces textes épigraphiques s’est faite en quatre étapes, plus ou moins bien documentées pour les plus anciennes : la première avant 1870, puis en 1874, en 1934 et en 1981 lors de fouilles de sauvetage. Ces inscriptions sont classées ici par ordre de découverte la plus récente, qui est le classement adopté par Françoise Jenn et Oliver Ruffier dans leur article très détaillé sur lequel s’appuient ces notices[1]. La mission du CIFM dans les réserves du Musée du Berry à Bourges a permis de mettre au jour un nouveau fragment (notice n°95), ainsi que de découvrir une plate-tombe bûchée (non publiée puisqu’elle est désormais anépigraphe).Il est difficile de dater avec précision ces textes, la confrontation de plusieurs critères permet de les attribuer aux époques mérovingienne (notices n°84-88 selon Olivier Ruffier) ou carolingienne, et peut-être certains d’entre eux relèvent-ils davantage du RICG que du CIFM. Sans être assuré de la datation haute et afin de respecter la cohérence de l’ensemble, il est préférable d’éditer toute la collection. Pour mieux comprendre la production épigraphique de ces périodes, nous renvoyons le lecteur au volume Hors Série n°1 du CIFM consacré aux épitaphes carolingiennes du Centre Ouest de la France (Poitou, Touraine, Anjou, Maine)[2].
Les défunts commémorés par ces inscriptions sont des hommes, des femmes et des enfants, dont le statut social n’est jamais mentionné ; on ne sait donc s’il s’agit de clercs ou de laïcs. Ces personnages sont, sans nul doute, des lettrés appartenant à une élite cultivée. Leur lien avec Saint-Outrille n’est pas connu. Les similitudes repérables dans la dizaine d’épitaphes découvertes en 1981 laissent penser à l’existence d’un atelier ayant travaillé pour la nécropole de Saint-Outrille, sur une période de temps assez brève. La composition formulaire de cette série a été étudiée par Cécile Treffort[3]. Les rédacteurs, qui pouvaient être les lapicides eux-mêmes, avaient sans doute à leur disposition plusieurs membres de phrases, dont certains étaient versifiés, et ils les associaient comme ils l’entendaient.