Cette épitaphe présente un vocabulaire bien différent de la production de Saint-Outrille-du-Château, même si l’analyse paléographique, réalisée uniquement d’après le dessin de Buhot de Kersers, montre des ressemblances avec les autres fragments trouvés en 1874.
Comme dans l’inscription précédente, le texte débute par un appel au lecteur-promeneur, sollicité deux fois, par le recours à la deuxième personne du singulier : qui nemus hoc penetras et disce. Il est difficile de savoir à quel lieu se réfère le terme nemus, ou s’il s’agit seulement d’une expression, peut-être métrique mais la lacune en fin de ligne ne permet pas de le savoir.
Pour Françoise Jenn, le nom Hermensen est germanique. On attendrait Hermensendis qui serait plus conforme aux noms déjà relevés par M.-Th. Morlet. Il n’est pas impossible que la juxtaposition de deux syllabes semblables (Hermensendis disce) ait entraîné le lapicide à n’en graver qu’une seule. Il s’agit de la seule épitaphe féminine de la série pour laquelle on peut affirmer qu’elle était destinée à une laïque. À la ligne 4, l’épitaphe mentionne l’origine de la défunte par l’expression exorta proavum, seul cas dans la série de Bourges. Buhot de Kersers lit dans le terme lacunaire Germ… l’origine germanique de la défunte, tandis que M. de Laugardière l’interprète comme un nom de personne Germanus ou Germanicus.
Présentation du site et informations additionnelles
Le Musée du Berry possède une collection de vingt-cinq inscriptions funéraires du haut Moyen Âge, gravées essentiellement sur des plates-tombes, mais aussi sur des couvercles de sarcophage et peut-être des stèles. Elles proviennent pour la plupart de Saint-Outrille-du-Château où se trouvait un ensemble monastique urbain de Bourges, fondé probablement avant le VIe siècle. Le monastère reçut les sépultures de cinq évêques entre la fin du VIe siècle et le premier quart du VIIe siècle ; son rôle déclina par la suite et seul Étienne y encore est inhumé vers 830. Le nombre particulièrement élevé de ces épitaphes semble indiquer le statut particulier du site à l’époque. La découverte de ces textes épigraphiques s’est faite en quatre étapes, plus ou moins bien documentées pour les plus anciennes : la première avant 1870, puis en 1874, en 1934 et en 1981 lors de fouilles de sauvetage. Ces inscriptions sont classées ici par ordre de découverte la plus récente, qui est le classement adopté par Françoise Jenn et Oliver Ruffier dans leur article très détaillé sur lequel s’appuient ces notices[1]. La mission du CIFM dans les réserves du Musée du Berry à Bourges a permis de mettre au jour un nouveau fragment (notice n°95), ainsi que de découvrir une plate-tombe bûchée (non publiée puisqu’elle est désormais anépigraphe).Il est difficile de dater avec précision ces textes, la confrontation de plusieurs critères permet de les attribuer aux époques mérovingienne (notices n°84-88 selon Olivier Ruffier) ou carolingienne, et peut-être certains d’entre eux relèvent-ils davantage du RICG que du CIFM. Sans être assuré de la datation haute et afin de respecter la cohérence de l’ensemble, il est préférable d’éditer toute la collection. Pour mieux comprendre la production épigraphique de ces périodes, nous renvoyons le lecteur au volume Hors Série n°1 du CIFM consacré aux épitaphes carolingiennes du Centre Ouest de la France (Poitou, Touraine, Anjou, Maine)[2].
Les défunts commémorés par ces inscriptions sont des hommes, des femmes et des enfants, dont le statut social n’est jamais mentionné ; on ne sait donc s’il s’agit de clercs ou de laïcs. Ces personnages sont, sans nul doute, des lettrés appartenant à une élite cultivée. Leur lien avec Saint-Outrille n’est pas connu. Les similitudes repérables dans la dizaine d’épitaphes découvertes en 1981 laissent penser à l’existence d’un atelier ayant travaillé pour la nécropole de Saint-Outrille, sur une période de temps assez brève. La composition formulaire de cette série a été étudiée par Cécile Treffort[3]. Les rédacteurs, qui pouvaient être les lapicides eux-mêmes, avaient sans doute à leur disposition plusieurs membres de phrases, dont certains étaient versifiés, et ils les associaient comme ils l’entendaient.