​ Angers, collégiale Saint-Martin ​- ​Inscription funéraire pour une femme  ​  ​


Angers, collégiale Saint-Martin ​- ​Inscription funéraire pour une femme

Corpus des Inscriptions de la France Médiévale, vol. Hors-série I, nº28 ​  ​


Description générale

Inscription funéraire à caractère tumulaire. 
Dalle funéraire. ​ Pierre, ardoise.  Cette inscription a été découverte dans les fouilles de la collégiale Saint-Martin à Angers (cour du 25, rue Saint-Martin, US 8007). Elle est aujourd’hui conservée dans l’absidiole nord de l’église, relevée contre le mur nord (numéro d’inventaire : SM-L053). Le fragment mesure aujourd’hui environ 107 cm de longueur pour une largeur de 37, 5 cm à gauche et 33, 5 cm à droite ; épaisseur = 3, 5 cm. L’inscription, gravée profondément dans la surface de l’ardoise, se répartit sur 5 lignes (avec un mot placé entre les lignes 1 et 2) qui prennent place à l’intérieur d’un cadre au trait ménageant une marge supérieure et inférieure d’environ 3, 5 cm de hauteur. On distingue encore des traces légères d’une double réglure déterminant un interligne d’environ 2 cm. Inscription partielle ; état de conservation du fragment : bon.
Datation : seconde moitié du Xe siècle [datation paléographique].

Bibliographie

Texte établi d’après l’original vu en place en janvier 2008.
CIFM, 24, 2010, n°82, p. 103 [notice abrégée] ; Treffort, « Adda, Goda et les autres », 2015, p. 248 [mention et illustration].

Description paléographique

L’écriture se compose très majoritairement de capitales romaines, à l’exception du M de amen (ligne 1) et du E de femina dans l’interligne qui sont onciaux. Plusieurs lettres présentent un tracé carré (C de corpus, G de legitis). Le module assez irrégulier est large. Quelques lettres de forme remarquable : A à traverse brisée, Q à boucle inversée pour qui. Les abréviations concernent de façon traditionnelle le nomen sacrum Dominus (tilde droit), l’élément de datation et la préposition pro (lettre barrée). L’abréviation pour le mot anima par les deux lettres A est très peu courante dans le domaine épigraphique même si elle est bien attestée dans le monde manuscrit. Aucune lettre conjointe ou enclavée ; pas de décor particulier.





Édition imitative


1 ​---] ​IESCIT ​CORPVS ​BONA ​MEM[--- ​
2 ​---] ​NA ​[Mot ajouté dans l'espace interligne :]FEMINA ​ ​QVI ​ ​OBIIT ​III ​ ​KLD ​ ​MAI ​O ​[--- ​
3 ​---]VI ​LEGITIS ​ORATE ​P ​ILLE ​AA ​DN̅M ​
4 ​[..]TERNAM ​DONA ​EA ​DN̅S ​ET ​LVX ​PER[---
5 ​---]M ​EA ​AMEN ​DVRANT[---] ​

1 ​---] ​IESCIT ​ORPVS ​BONA ​ME[--- ​
2 ​---] ​NA ​[Mot ajouté dans l'espace interligne :]FMINA ​ ​QVI ​ ​OBIIT ​III ​ ​KLĐ ​ ​MAI ​O ​[--- ​
3 ​---]VI ​LEITIS ​ORATE ​Ꝓ ​ILLE ​AA ​DN̅M ​
4 ​[..]TERNAM ​DONA ​EA ​DN̅S ​ET ​LVX ​PER[---
5 ​---] ​EA ​AMEN ​DVRANT[---] ​

1 ​---] ​IESCIT ​ORPVS ​BONA ​ME[--- ​
2 ​---] ​NA ​[Mot ajouté dans l'espace interligne :]FMINA ​ ​QVI ​ ​OBIIT ​III ​ ​KLĐ ​ ​MAI ​O ​[--- ​
3 ​---]VI ​LEITIS ​ORATE ​ ​ILLE ​AA ​DN̅M ​
4 ​[..]TERNAM ​DONA ​EA ​DN̅S ​ET ​LVX ​PER[---
5 ​---] ​EA ​AMEN ​DVRANT[---] ​

Légende

Violet : caractères allographes.



1 ​---] ​IESCIT ​ORPVS ​BONA ​ME[--- ​
2 ​---] ​NA ​[Mot ajouté dans l'espace interligne :]FMINA ​ ​QVI ​ ​OBIIT ​III ​ ​KLĐ ​ ​MAI ​O ​[--- ​
3 ​---]VI ​LEITIS ​ORATE ​ ​ILLE ​AA ​DN̅M ​
4 ​[..]TERNAM ​DONA ​EA ​DN̅S ​ET ​LVX ​PER[---
5 ​---] ​EA ​AMEN ​DVRANT[---] ​

Légende

Bleu : mot abrégé.
Violet : signe d'abréviation.



1 ​---] ​IESCIT ​ORPVS ​BONA ​ME[--- ​
2 ​---] ​NA ​[Mot ajouté dans l'espace interligne :]FMINA ​ ​QVI ​ ​OBIIT ​III ​ ​KLĐ ​ ​MAI ​O ​[--- ​
3 ​---]VI ​LEITIS ​ORATE ​Ꝓ ​ILLE ​AA ​DN̅M ​
4 ​[..]TERNAM ​DONA ​EA ​DN̅S ​ET ​LVX ​PER[---
5 ​---] ​EA ​AMEN ​DVRANT[---] ​

Légende

Bleu : enclavement.
Orange : conjonction.
Violet : entrelacement.



1 ​---]IESCITORPVSBONAME[---
2 ​---]NA[Mot ajouté dans l'espace interligne :]FMINAQVIOBIITIIIKLĐMAIO[---
3 ​---]VILEITISORATEꝒILLEAADN̅M
4 ​[..]TERNAMDONAEADN̅SETLVXPER[---
5 ​---] ​EA ​AMEN ​DVRANT[---]

Légende

Représentation des espaces entre les lettres tels qu'ils sont dans l'inscription.
Violet : signalement des figures qui s'interposent avec le texte.



Édition normalisée

[Hic requ]iescit corpus bona mem[rie ---]na ​femina qui obiit III k(a)l(en)d(as) mai. O [vos q]ui legitis orate p(ro) ille a(nim)a D(omi)n(u)m. [Æ] ternam dona ea D(omi)n(u)s et lux per[petua]m ea amen. Durant [---].

Traduction

Ici repose le corps de …na, femme de bonne mémoire, qui est morte le 3 des calendes de mai (29 avril). O vous qui lisez, priez Dieu pour son âme. Donne-lui, Seigneur, la [vie] éternelle et la lumière perpétuelle pour elle. Amen. Durant…

Commentaire

D’après la formulation du texte, on peut déduire que les lacunes sont assez réduites et la restitution de l’épitaphe originale pose donc peu de difficultés. Celles-ci concernent notamment la restitution du nom de la défunte. La finale en –na ne peut pas véritablement aider dans ce cas puisqu’on attendrait un génitif commandé par corpus. Le respect des déclinaisons paraît toutefois assez aléatoire (bona memoria, ille anima). Une deuxième difficulté concerne la formulation du vœu pieux ; sans aucun doute inspiré du verset et du répons qui terminent la messe des funérailles[1], l’expression a omis le substantif avant aeternam. D’autre part, le nominatif de lux empêche d’en faire un complément de dona, à moins de supposer une nouvelle erreur de déclinaison ; on attendrait à la suite de l’adjectif perpetua le complément luceat ei qui n’a pas été gravé sur la pierre de la défunte. La première lettre de la dernière ligne est sans doute un M (de la même forme que le second M de memoria) ; il pourrait peut-être correspondre à la marque de l’accusatif de perpetuam d’où la restitution suivante, certes incorrecte et banale, mais qui seule peut rendre compte à la fois de la proximité de la formule épigraphique avec le verset liturgique et de la réalité de ce qui été gravé : Aeternam dona ea Dominus et lux perpetuam ea. Amen.

L’inscription ne porte malheureusement pas de date et force est donc de recourir à la paléographie. La grande majorité des lettres sont des capitales épigraphiques romaines, avec un module déjà un peu allongé, plus en tous cas que dans l’inscription d’Oulricus[2], de 910, ou celle aujourd’hui anonyme, datée de 925, réutilisée par Durant[3]. On trouve quelques lettres carrées et l’usage de deux onciales, un E rond, présent d’autres inscriptions angevines, et un M plus original, dont on pourrait trouver des correspondances dans les manuscrits. Tous ces critères inciteraient à placer l’insription de cette femme anonyme dans la seconde moitié du Xe siècle. Une autre difficulté concerne la présence du nom Durant en fin d’épitaphe. À quoi (ou à qui) peut-il correspondre ? Rappelons que l’on trouve même nom (avec la même graphie[4]) tracé sur une dalle réemployée découverte également à Saint-Martin d’Angers[5], datée de 910 et qui présente à peu près les mêmes caractéristiques paléographiques (sauf le M oncial de la 1ère ligne, sans équivalant dans la production épigraphique régionale des IXe-Xe siècles).

Une dernière remarque concerne l’ajout, dans l’interligne, du mot femina, qualificatif apposé vraisemblablement au nom propre aujourd’hui disparu, et qui rappelle plusieurs autres dalles funéraires, à Angers ou à Tours.




[1] Requiem aeternam dona ei Domine et lux perpetua luceat ei.
[2] CIFM, HSI, n°36.
[3] CIFM, HSI, n°26.
[4] La lacune en fin d’épitaphe permet toutefois ici d’envisager les lettres V et S pour former le nominatif Durantus.
[5] CIFM, HSI, n°26.