​ Angers, Place du Ralliement (auj. : Musée des Beaux-Arts) ​- ​Inscription funéraire pour Ato (835)  ​  ​


Angers, Place du Ralliement (auj. : Musée des Beaux-Arts) ​- ​Inscription funéraire pour Ato (835)

Corpus des Inscriptions de la France Médiévale, vol. Hors-série I, nº41 ​  ​


Description générale

Inscription funéraire à caractère tumulaire. 
Dalle funéraire. ​ Pierre, ardoise.  Inscription découverte à Angers dans les fouilles de la Place du Ralliement en novembre 1867 (ancienne église Saint-Maimbœuf) ; présentée pendant de nombreuses années dans l’ancien hôpital Saint-Jean puis déplacée à diverses reprises, elle est aujourd’hui conservée dans les réserves du Musée des Beaux-Arts d’Angers sous le numéro d’inventaire GF 24. L’inscription est gravée sur une dalle d’ardoise trapézoïdale de grandes dimensions ; longueur = 190 cm ; largeur à gauche = 39 cm ; largeur à droite = 58 cm. Depuis le XIXe siècle, elle est enchâssée dans un cadre en bois supporté par quatre pieds destinés à une présentation muséographique. Le champ épigraphique ne couvre pas l’ensemble de la pierre ; la marge de gauche, restée libre, mesure 30 cm. Le texte principal, inscrit dans un cadre double, s’étale sur 8 lignes longues de 120 cm. À droite, un texte complémentaire (date) est inscrit lui aussi dans un cadre double de 28 x 36 cm. Une double réglure a été mise en place pour le tracé de l’inscription principale, l’interligne ainsi créé ayant servi de réglure pour le texte complémentaire dans le cartouche. Inscription complète ; état de conservation : moyen.
Datation : 835 [datation interne].

Bibliographie

Texte établi d’après l’original vu en place en janvier 2008.
Paris, BnF, ms. nouv. acq. fr. 6129 (collection Guilhermy, vol 36), fol. 29 [notes] ; Paris, BnF, ms. nouv. acq. fr. 5569 (collection Ramé), liasse 1, VIII, n° 716-719 [estampage] ; Barbier de Montault, Épigraphie Maine-et-Loire, 1869, p. 443-444 [texte] ; Godard-Faultrier, Inventaire Musée d’Angers, 1867, n°935, p. 323 [texte] ; Godard-Faultrier, « Épitaphe de l’abbé Ato », 1867, p. 370-371 [texte, traduction, étude] ; Chambouillet, « Chronique », 1868, p. 246 [mention] ; Soland, « Tablettes contemporaines », 1868, p. 283-285 [texte, traduction, étude] ; Godard-Faultrier, Étude sur quelques pierres, 1869, n°1, p. 10-11 [texte, traduction, étude] ; Godard-Faultrier, Ville d’Angers, 1884, n°24, p. 104-105 [texte, traduction] ; Treffort, « La place d’Alcuin », 2004, p. 367-368 [texte, dessin, étude] ; Treffort, « Un témoin de la vie politique Ato »[texte, traduction, dessin, étude] ; Treffort, « Une identité préservée », 2001 [texte, traduction, étude] ; Treffort, Mémoires carolingiennes, 2007, ill. 44 [dessin], p. 314-315 [mention].

Description paléographique

Toutes les lettres, à l’exception du D oncial de la date, sont des capitales romaines d’une très grande qualité. Le module des lettres, relativement large, est régulier ; le ductus fort simple joue sur l’alternance des pleins et des déliés. Hauteur moyenne des lettres : texte principal = 3 cm ; cadre = 2 cm. Aucune lettre n’est ornée et on n’observe ni signe de ponctuation, ni séparation des mots. Les enclavements, conjonctions ou entrelacements de lettres sont absents (à l’exception du I placé dans la boucle du C de amicis). On peut remarquer la rareté des abréviations, utilisées essentiellement pour les nomina sacra (Domino, l. 3 ; Christi, l. 5 ; preces, l. 8) ou pour l’indication de la date. Les tildes abréviatifs sont remplacés par deux points dans le mot atque à la ligne 4. Quelques graffitis plus ou moins anciens ont été ajoutés : un H devant Ato à la ligne 1, Dend entre les lignes 5 et 6, ainsi que des traits incompréhensibles. On doit aussi remarquer le motif de palmette qui semble terminer la première ligne et rappelle certains décors de manuscrits contemporains.





Édition imitative


Texte principal :
1 ​MAVSOLEO ​FELIX ​RECVBAT ​ATO ​ABBA ​IN ​ISTO ​· ​/ 
2 ​ORTVS ​NOBIL[.]VM ​SAT ​DE ​RADICE ​PARENTVM ​
3 ​SED ​DN̅O ​COR[.]M ​MERITIS ​NOBILIOR ​ALMIS ​· ​
4 ​NAM ​FVIT ​A ​PV[.]RO ​SEMPER ​PIVS ​ATQ: ​MODESTVS ​
5 ​MORIBVS ​EGRE[..]VS ​XP̅I ​MANDATA ​SECVTVS ​
6 ​OMNIBVS ​AFFAB[.]LIS ​CVNCTIS ​IOCVNDVS ​AMICIS ​
7 ​IVIT ​AD ​AETHEREAM ​LAETVS ​FELICITER ​AVLAM ​· ​
8 ​PRO ​QVO ​QVI ​LEG[..]IS ​FVNDITE ​POSCO ​P̅CES ​· ​

Texte du cadre :
1 ​CARVIT ​PRAE
2 ​SENTEM ​VITA̅ ​
3 ​VI ​ID ​SEPTE̅BR̅ ​
4 ​ANN̅ ​INCARNA
5 ​TION̅ ​DN̅I ​DCCC
6 ​XXXV ​SVB ​HLVDOWI
7 ​CO ​IMPR̅ ​ANN̅ ​XXII ​

Texte principal :
1 ​MAVSOLEO ​FELIX ​RECVBAT ​ATO ​ABBA ​IN ​ISTO ​· ​/ 
2 ​ORTVS ​NOBIL[.]VM ​SAT ​DE ​RADICE ​PARENTVM ​
3 ​SED ​DN̅O ​COR[.]M ​MERITIS ​NOBILIOR ​ALMIS ​· ​
4 ​NAM ​FVIT ​A ​PV[.]RO ​SEMPER ​PIVS ​ATQ: ​MODESTVS ​
5 ​MORIBVS ​EGRE[..]VS ​XP̅I ​MANDATA ​SECVTVS ​
6 ​OMNIBVS ​AFFAB[.]LIS ​CVNCTIS ​IOCVNDVS ​AMICIS ​
7 ​IVIT ​AD ​AETHEREAM ​LAETVS ​FELICITER ​AVLAM ​· ​
8 ​PRO ​QVO ​QVI ​LEG[..]IS ​FVNDITE ​POSCO ​P̅CES ​· ​

Texte du cadre :
1 ​CARVIT ​PRAE
2 ​SENTEM ​VITA̅ ​
3 ​VI ​IĐ ​SEPTE̅BR̅ ​
4 ​ANN̅ ​INCARNA
5 ​TION̅ ​DN̅I ​CCC
6 ​XXXV ​SVB ​HLVDOWI
7 ​CO ​IMPR̅ ​ANN̅ ​XXII ​

Texte principal :
1 ​MAVSOLEO ​FELIX ​RECVBAT ​ATO ​ABBA ​IN ​ISTO ​· ​/ 
2 ​ORTVS ​NOBIL[.]VM ​SAT ​DE ​RADICE ​PARENTVM ​
3 ​SED ​DN̅O ​COR[.]M ​MERITIS ​NOBILIOR ​ALMIS ​· ​
4 ​NAM ​FVIT ​A ​PV[.]RO ​SEMPER ​PIVS ​ATQ: ​MODESTVS ​
5 ​MORIBVS ​EGRE[..]VS ​XP̅I ​MANDATA ​SECVTVS ​
6 ​OMNIBVS ​AFFAB[.]LIS ​CVNCTIS ​IOCVNDVS ​AMICIS ​
7 ​IVIT ​AD ​AETHEREAM ​LAETVS ​FELICITER ​AVLAM ​· ​
8 ​PRO ​QVO ​QVI ​LEG[..]IS ​FVNDITE ​POSCO ​P̅CES ​· ​

Texte du cadre :
1 ​CARVIT ​PRAE
2 ​SENTEM ​VITA̅ ​
3 ​VI ​IĐ ​SEPTE̅BR̅ ​
4 ​ANN̅ ​INCARNA
5 ​TION̅ ​DN̅I ​CCC
6 ​XXXV ​SVB ​HLVDOWI
7 ​CO ​IMPR̅ ​ANN̅ ​XXII ​

Légende

Violet : caractères allographes.



Texte principal :
1 ​MAVSOLEO ​FELIX ​RECVBAT ​ATO ​ABBA ​IN ​ISTO ​· ​/ 
2 ​ORTVS ​NOBIL[.]VM ​SAT ​DE ​RADICE ​PARENTVM ​
3 ​SED ​DN̅O ​COR[.]M ​MERITIS ​NOBILIOR ​ALMIS ​· ​
4 ​NAM ​FVIT ​A ​PV[.]RO ​SEMPER ​PIVS ​ATQ: ​MODESTVS ​
5 ​MORIBVS ​EGRE[..]VS ​XP̅I ​MANDATA ​SECVTVS ​
6 ​OMNIBVS ​AFFAB[.]LIS ​CVNCTIS ​IOCVNDVS ​AMICIS ​
7 ​IVIT ​AD ​AETHEREAM ​LAETVS ​FELICITER ​AVLAM ​· ​
8 ​PRO ​QVO ​QVI ​LEG[..]IS ​FVNDITE ​POSCO ​P̅CES ​· ​

Texte du cadre :
1 ​CARVIT ​PRAE
2 ​SENTEM ​VITA̅ ​
3 ​VI ​ ​SEPTE̅BR̅ ​
4 ​ANN̅ ​INCARNA
5 ​TION̅
 ​DN̅I ​CCC
6 ​XXXV ​SVB ​HLVDOWI
7 ​CO ​IMPR̅ ​ANN̅ ​XXII ​

Légende

Bleu : mot abrégé.
Violet : signe d'abréviation.



Texte principal :
1 ​MAVSOLEO ​FELIX ​RECVBAT ​ATO ​ABBA ​IN ​ISTO ​· ​/ 
2 ​ORTVS ​NOBIL[.]VM ​SAT ​DE ​RADICE ​PARENTVM ​
3 ​SED ​DN̅O ​COR[.]M ​MERITIS ​NOBILIOR ​ALMIS ​· ​
4 ​NAM ​FVIT ​A ​PV[.]RO ​SEMPER ​PIVS ​ATQ: ​MODESTVS ​
5 ​MORIBVS ​EGRE[..]VS ​XP̅I ​MANDATA ​SECVTVS ​
6 ​OMNIBVS ​AFFAB[.]LIS ​CVNCTIS ​IOCVNDVS ​AMICIS ​
7 ​IVIT ​AD ​AETHEREAM ​LAETVS ​FELICITER ​AVLAM ​· ​
8 ​PRO ​QVO ​QVI ​LEG[..]IS ​FVNDITE ​POSCO ​P̅CES ​· ​

Texte du cadre :
1 ​CARVIT ​PRAE
2 ​SENTEM ​VITA̅ ​
3 ​VI ​IĐ ​SEPTE̅BR̅ ​
4 ​ANN̅ ​INCARNA
5 ​TION̅ ​DN̅I ​CCC
6 ​XXXV ​SVB ​HLVDOWI
7 ​CO ​IMPR̅ ​ANN̅ ​XXII ​

Légende

Bleu : enclavement.
Orange : conjonction.
Violet : entrelacement.



Texte principal :
1 ​MAVSOLEOFELIXRECVBATATO ​ABBAINISTO· ​ ​ ​Figure
2 ​ORTVSNOBIL[.]VMSATDERADICEPARENTVM
3 ​SEDDN̅OCOR[.]MMERITISNOBILIORALMIS· ​
4 ​NAMFVITAPV[.]ROSEMPERPIVSATQ:MODESTVS
5 ​MORIBVSEGRE[..]VSXP̅IMANDATASECVTVS ​
6 ​OMNIBVSAFFAB[.]LISCVNCTISIOCVNDVSAMICIS
7 ​IVITADAETHEREAMLAETVSFELICITERAVLAM·
8 ​PROQVOQVILEG[..]ISFVNDITEPOSCOP̅CES· ​

Texte du cadre :
1 ​CARVITPRAE
2 ​SENTEMVITA̅
3 ​VIIĐSEPTE̅BR̅
4 ​ANN̅INCARNA
5 ​TION̅DN̅ICCC
6 ​XXXVSVBHLVDOWI
7 ​COIMPR̅ANN̅XXII

Légende

Représentation des espaces entre les lettres tels qu'ils sont dans l'inscription.
Violet : signalement des figures qui s'interposent avec le texte.



Édition normalisée

Mausoleo felix recubat Ato abba in isto,
ortus nobil[i]um sat de radice parentum
sed D(omi)no cor[a]m meritis nobilior almis.
Nam fuit a pu[e]ro semper pius atq(ue) modestus,
moribus egre[gi]us Chr(ist)i mandata secutus.
Omnibus affab[i]lis cunctis jocundus amicis.
Ivit ad aetheream laetus feliciter aulam :
Pro quo qui leg[it]is fundite posco p(re)ces.
Caruit praesentem vita(m) VI id(us) septe(m)br(is) ann(o) incarnation(is) D(omi)ni DCCC XXXV sub Hludowico imp(e)r(atore) ann(o) XXII.


Traduction

Dans ce mausolée repose Ato, heureux abbé, né de parents d’une noble lignée, mais plus noble encore devant le Seigneur par ses doux mérites. Dès l’enfance en effet, il fut pieux et modeste, excellent de mœurs, respectueux des commandements du Christ, affable envers chacun, agréable à tous ses amis. Il pénétra avec bonheur dans le royaume des cieux où il jouit de la félicité. Vous qui lisez ces lignes, versez pour lui des prières, je vous prie.
Il fut privé de la présente vie le 6 des ides de septembre [8 septembre], l’an de l’incarnation du Seigneur 835, sous l’empereur Louis, l’an 22 de son règne.

Commentaire

Le texte principal est en vers. Les sept premiers sont des hexamètres et le vers final est un pentamètre. Les vers 2 à 7 sont corrects et s’inspirent directement du poème d’Alcuin pour l’église d’York[1]. Le premier vers du poème est en revanche fautif puisqu’il compote deux hiatus (Ato abba et abba in) ; le compositeur du texte a ici éprouvé des difficultés à insérer le nom du défunt (qui commence et se termine par une voyelle) dans une construction par ailleurs très fréquente en épigraphie funéraire. Le pentamètre qui clôt le texte est quant à lui correct et emprunte également au lexique couramment employé dans les poèmes funéraires de l’époque carolingienne[2], même si sa construction est plus originale que celle des autres épitaphes lapidaires angevines et se rapprocherait davantage de la poésie manuscrite, notamment celle d’Alcuin[3].

Malgré la qualité de la composition (qui témoigne de l’habitude carolingienne du centon)[4], on apprend peu de choses sur le défunt mentionné à la première ligne de l’inscription. Grâce au mot abba à la même ligne et à la découverte de l’inscription sur la Place du Ralliement, on peut envisager qu’Ato était abbé de Saint-Maimbœuf, même si on ne retrouve pas trace du personnage dans la documentation angevine conservée. On peut cependant, par l’onomastique, replacer Ato dans l’entourage fidèle de l’empereur carolingien, ce que confirmerait la datation par le règne de Louis le Pieux dans le cadre placé à droite sur la dalle[5].

Cette association étroite au pouvoir carolingien se retrouve dans la qualité de l’écriture, véritable exemple d’une graphie réformée, dans la perfection du latin, dans l’emprunt de formules communes dans la poésie de la cour impériale. L’inscription funéraire pour Ato apparaît ainsi comme un témoin de première importance pour mesurer la réalité des réformes culturelles carolingiennes et la vitalité de la création graphique dans la première moitié du IXe siècle.




[1] MGH, Poet. lat., I, carmen 1, p. 169-206. Voir Alcuin, The Bishops, Kings and Saints of York, éd. et trad. P. Godman, Oxford, 1982 ; pour le détail des emprunts, voir surtout Treffort, « La place d’Alcuin », 2004, p. 367 et Treffort, « Un témoin de la vie politique Ato ».
[2] Id. pour l’analyse métrique du poème.
[3] Voir par exemple MGH, Poet. lat., I, carmen 87, n°4, p. 305 : Pro quo quisque legas funde preces Domino. Treffort, « Un témoin de la vie politique Ato ».
[4] Treffort, Mémoires carolingiennes, 2007, p. 203-214.
[5] Treffort, « Un témoin de la vie politique Ato ».